Afrique de l’Ouest : les banques ripostent face à la cybermenace

En Afrique de l’Ouest, la cybercriminalité est souvent réduite aux fameuses cyberarnaques. Sauf que les «cyberattaques pures» existent bel et bien et les banques en sont les premières victimes. Les modes opératoires tournent essentiellement autour de quelques scenarios contre lesquels les banques de la sous-région tentent d’organiser efficacement leur riposte.

Les banques sont des cibles privilégiées des cybercriminels aux méthodes assez connues : les hackers ont recours à des logiciels spécifiques comme des «key loggers» pour l’espionnage des frappes du clavier, des « RATS » (Remote Access Tools) pour une prise de contrôle à distance, mais aussi des outils plus sophistiqués d’envoi automatique des e-mails. Ils mettent également en place des techniques plus élaborées de phishing ou d’hameçonnage et de «crypto lockers» qui verrouillent l’ordinateur. Cet ensemble de pirateries informatiques s’installe discrètement sur les ordinateurs des victimes, souvent via des virus, dissimulés dans des e-mails.

Dans l’espace UEMOA, les d’attaques les plus courantes restent les «fake mails», conçus pour dérober des renseignements personnels dans le but d’usurper l’identité des employés de la banque et de commettre des forfaits. Une autre forme d’attaque cybercriminelle courante passe par la messagerie professionnelle des utilisateurs.

«Des mails fictifs sont envoyés aux utilisateurs ; ils peuvent comporter des liens permettant d’installer des logiciels malveillants qui sont des outils de prise en main à distance, mais aussi des “key loggers” pour enregistrer les frappes des claviers. Ils ciblent des gestionnaires ou toutes autres personnes hautement habilitées et ayant la possibilité de faire des opérations sur des comptes », nous explique Moussa Sidibé, responsable Sécurité des systèmes d’information (RSSI) à la Banque sahélo-saharienne pour l’investissement et le commerce en Côte d’Ivoire.

Un arsenal de mesures pour détecter et combler les failles

Pour faire face, les banques misent sur la sensibilisation des utilisateurs lors de la réception des e-mails et sur les comportements à risque à bannir au cours de l’utilisation des ressources informatiques en entreprise. «Il est inefficace d’avoir tous les outils de sécurité requis si les utilisateurs ne sont pas sensibilisés à la cybercriminalité. La première menace en cybercriminalité, ce sont les utilisateurs en interne qui ouvrent des brèches par ignorance », avertit Moussa Sidibé.

Aussi les banques mettent-elles en place des Firewalls (ou pare-feu) pour filtrer le contenu, les liens externes reçus par le réseau de la banque, ainsi que des outils de cryptages des informations confidentielles des banques, pour réduire le risque de vol de données. Elles disposent également des outils pour la modification des fichiers, des répertoires, sur l’ensemble de leur infrastructure IT.

Pour sécuriser les données, les banques suivent un ensemble de protocoles et de procédures définis par la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et des organismes, comme le Groupement interbancaire monétique (GIM-UEMOA) qui compte près de 130 banques au sein de son réseau.

Conformément aux directives, en cas d’attaque ciblée, les appareils infectés sont aussitôt mis sous scellé. Ensuite, la banque procède à l’analyse de l’ensemble des postes impactés, de sorte à remonter aux sources de l’attaque. «Nous remarquons que les hackers passent par des serveurs qui leur permettent de masquer leur adresse IP. Un hacker peut attaquer une banque ivoirienne en opérant à travers une adresse IP d’un pays occidental, par exemple, pour brouiller les pistes», rappelle Sidibé.

Les incidents de paiement désormais centralisés

Pour aider les banques à lutter efficacement contre les fraudes et à renforcer la confiance des usagers dans les instruments de paiement scripturaux -chèques, cartes bancaires, lettres de change- dans l’espace UEMOA, la BCEAO a mis en place la Centrale des incidents de paiement de l’UEMOA (CIP-UEMOA). Une démarche qui est aujourd’hui appuyée par des institutions comme GIM-UEMOA.

D’après le dernier rapport de l’OCDE sur l’économie du commerce illicite en Afrique de l’Ouest, «la capacité à réglementer et surveiller la cybercriminalité dans la sous-région est extrêmement limitée, et peu d’informations sont disponibles sur la nature changeante de ces fléaux».

Parmi les instruments régionaux dédiés à cette lutte figurent la directive sur la lutte contre la cybercriminalité dans l’espace de la CEDEAO (2011) et la Convention de l’Union africaine sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel (2014).

Détail surprenant révélé par les analystes de l’OCDE, «aucun de ces instruments n’a juridiction sur les pays de la région, et aucun ne propose des ressources pour combattre la cybercriminalité».

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