Agressions sexuelles: la parole se libère dans le showbiz africain

Alors que la star de la rumba congolaise Koffi Olomidé est poursuivie pour des agressions sexuelles sur plusieurs de ses danseuses, la parole se libère de plus en plus dans l’industrie musicale et cinématographique en Afrique.

Koffi Olomidé a été mis en examen en février 2012 pour viols aggravés qu’il aurait commis en région parisienne entre 2002 et 2006 sur quatre de ses danseuses. Son procès est un symbole du mouvement #Metoo et de ce combat mené par des victimes d’agressions sexuelles qui osent désormais briser l’omerta du silence.

Même si le mouvement reste encore très timide sur le continent africain, le mois dernier, lors du Fespaco de Ouagadougou, le plus grand festival de film africain, les langues ont commencé à se délier. Devant un parterre d’invités de marque, deux actrices ont accusé des cinéastes de harcèlement sexuel et d’agressions contre elles. L’une d’elles, Nadège Beausson Diagne, a lancé le slogan #Memepaspeur pour briser un tabou dans l’industrie du cinéma.

« Déclic »

Kady Traoré, une jeune réalisatrice burkinabè, espère que ce cri du cœur va déclencher un déclic. « Le fait d’avoir parlé de cela au Fespaco, c’était énorme, explique-t-elle. Ça a changé un peu le regard des gens sur type de problème. Et je pense que plus on en parlera, plus ça va faire un déclic dans la tête des gens, parce qu’il y a aussi cette nouvelle vague d’actrices qui n’ont pas envie de se laisser faire et qui ont envie que les choses changent. »

Qu’elles soient réalisatrice, scénariste ou comédienne : tout le monde est concerné par ce problème. La réalisatrice Kady Traoré a elle-même mis entre parenthèses sa carrière de comédienne pendant 8 ans, après avoir été harcelée par un cinéaste.

« J’ai été harcelée par un réalisateur qui me poursuivait partout, qui venait devant ma porte, qui faisait du chantage, se souvient la jeune réalisatrice de films. J’étais tellement harcelée que j’ai dû abandonner le métier de comédienne, parce que c’était quelqu’un de très connu et de très respecté: je savais que même si j’en parlais, personne ne prendrait mon parti. »

Un sujet tabou

Le sujet reste tabou, car la plupart du temps, l’entourage fait pression pour résoudre ce type d’agression à l’amiable. Et ce, pour préserver l’image d’une famille.

« Ce sont des questions qui viennent ternir l’image d’un lignage, constate le sociologue sénégalais Djiby Diakhaté. La famille considère qu’il faut camoufler l’affaire, parce qu’on dira après, que tel lignage a connu telle histoire. Et lorsqu’une femme est victime d’une agression sexuelle, poursuit-il, on va considérer que, est victime, non pas l’auteur de l’agression, mais que c’est la fille elle-même qui est coupable. On a une culpabilité renversée. Beaucoup de jeunes filles vivent un véritable calvaire avec cette affaire, mais préfèrent rester dans le silence et vivre le martyr dans le silence. »

« Peur »

Au Sénégal, par exemple, en 2017, deux mouvements ont été lancés : « #Nopiwouma » – « Je ne me tais pas » en wolof – et #BalancetonSaïSaï – « Balance ton pervers » en wolof. Mais sur les réseaux sociaux, ces mouvements peinent à prendre de l’ampleur.

En cause, « la peur des représailles, la peur du “qu’en-dira-t-on”, explique Ndèye Fatou Kane, écrivaine à l’origine de #BalancetonSaïSaï. Et la peur du jugement, parce que les femmes sont tellement vues comme des êtres fragiles qui doivent être porteuses de valeurs… Quand elles s’écartent un peu de la ligne tracée par la société et par les hommes, elles sont désignées du doigt et traitées de tous les noms. C’est la peur qui a fait que l’on n’a pas eu l’impact que je recherchais ».

Pour cette jeune femme, lutter contre la banalisation de ces actes de violence passe avant tout par l’éducation.

rfi