Bénin : un nouveau code pénal, après 17 ans d’attente

L’Assemblée nationale a finalement adopté le nouveau code pénal du Bénin, mardi 5 juin, 17 ans après avoir reçu le texte. Si la peine de mort est abolie, d’autres nouvelles dispositions font débat. Tour d’horizon.

Fort de 1007 articles, le volumineux code pénal a connu de profondes modifications. En premier lieu, la peine de mort est désormais exclues du lot des sanctions pénales, à la grande satisfaction des organisations de défense des droits de l’homme. Amnesty International Bénin avait multiplié, ces dernières années, les campagnes pour l’abolition de la peine capitale.

Le Bénin avait tacitement aboli cette peine en 2012 par son adhésion au 2e protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. Et le 15 février dernier, le président béninois a commué par décret les peines des derniers condamnés à mort au Bénin – au nombre de 14 – en peine de réclusion criminelle à perpétuité.



Plusieurs nouvelles infractions font leur entrée dans le code. Il s’agit, en premier lieu, des faits de terrorisme, pour lesquels la peine maximale encourue est la réclusion criminelle à perpétuité.

Craintes pour la liberté d’expression

Autre nouvelle infraction à faire son entrée, le « délit contre les symboles et les valeurs de l’État, de la République, des communautés et des religions ». Désormais, est punissable « toute atteinte dans un discours, écrit, propos, prêche religieux, ou dans toute représentation artistique, scripturale ou vocale, aux symboles, valeurs et représentations de l’État, de la nation, de la République, des religions ou cultes, des ethnies ou de toute communauté », précise le texte.

Ce nouveau délit permettra aux pouvoirs publics de prendre des mesures de suspension et d’interdiction à l’encontre de certains mouvements religieux extrémistes.

Pour Guy Mitokpè,  secrétaire général du parti « Restaurer l’espoir » de Candide Azannaï (opposition), cette disposition peut amener les pouvoirs publics à restreindre la liberté d’expression, en particulier lorsqu’il s’agit de dénoncer ou critiquer le gouvernement. Il n’en est rien, rétorque le ministre de la justice : « Les dispositions visent la cohésion nationale, le respect des symboles de la République, de tout ce que nous avons de commun. »

Essence de contrebande : une pénalisation « chimérique »

Autre disposition à faire controverse : la pénalisation du commerce de l’essence de contrebande. C’est l’article 929 du code qui fixe cette interdiction considérée comme « chimérique » par de nombreux observateurs. En effet, « depuis 1983, des textes ont été pris pour interdire ce commerce. Malgré cette interdiction et la prise de nombreuses autres mesures, cette activité qui alimente plus de 80% des Béninois en produits pétroliers n’a jamais cessé », constate le sociologue Patrick Hinnou.

« Nous sommes d’accord pour ne plus continuer mais on doit en discuter et retenir les solutions ensemble », plaide Henri Assogba, président de l’Union des vendeurs d’essence dite « kpayo », qui prépare pour les jours à venir une sortie médiatique pour se faire entendre sur la question.

Le député Augustin Ahouanvoèbla, élu du Parti du renouveau démocratique (PRD, qui s’ewst rallié à la candidature de Patrice Talo lors de la dernière présidentielle) dans une localité où ce type de commerce a pignon sur rue avait tenté, en vain, de faire alléger la prohibition. Selon lui, on ne doit pas perdre de vue que ce commerce, bien qu’illicite, permet à des familles entières de survivre.

Rupture avec le droit pénal colonial

De nombreuses autres infractions encadrées par divers textes sont désormais entérinées et consolidées dans le code pénal. C’est le cas des infractions prévues par la Constitution et commises par le chef de l’État et les membres du gouvernement, notamment la haute trahison, les atteintes à l’honneur, à la probité, l’outrage à l’Assemblée nationale désormais érigés en « crimes ».

Les détournements commis par des agents publics, les concussions, la corruption des agents publics nationaux et internationaux, la corruption dans la passation des marchés publics, la corruption dans le secteur privé – infractions prévues dans la loi portant lutte contre la corruption en date du 12 octobre 2011 – ont également été intégrées à ce nouveau code, attendu depuis 2001.

Avec ce code, c’est une nouvelle page qui se tourne pour le Bénin

L’adoption de ce nouveau code pénal marque la fin de l’ère du « code Bouvenet », recueil des textes de droit pénal rendus applicables dans les colonies françaises d’Afrique de l’Ouest par le décret du 6 mai 1877.

Plusieurs dispositions de cet ancien code colonial n’étaient cependant déjà plus en vigueur au Bénin. C’est notamment le cas des articles 336 à 339, qui incriminaient l’adultère dans le droit positif béninois. Par une décision historique en date du 30 juillet 2009, la Cour constitutionnelle du Bénin avait déclaré contraires à la Constitution ces dispositions qui prévoyaient des sanctions plus sévère pour la femme que pour l’homme.

Une décision qui a rendu complexe la sanction de cette infraction dans les tribunaux ces neuf dernières années. Désormais, le nouveau code lève cette iniquité et homme et femme, en cas d’adultère, sont astreints sans discrimination à une amende de 50 000 FCFA à 250 000 FCFA.

Avec ce code, c’est une nouvelle page qui se tourne pour le Bénin. Ce fut aussi aussi un challenge personnel pour le désormais ex ministre de la Justice, Joseph Djogbénou, qui a tenu à rester à l’hémicycle jusqu’à 2h du matin, dans la nuit de lundi à mardi, pour voir le code être adopté avant de passer la main à son successeur au poste de ministre de la Justice, lui étant appelé à siéger au sein de la Cour constitutionnelle.

Par jeuneafrique