Mondial 2018 : « Être religieuse ne m’empêche pas d’être française ! »

À la maison-mère de la congrégation des Filles de Jésus de Kermaria, une quarantaine de religieuses ont suivi, avec ferveur, la victoire de la France lors de la finale de la Coupe du monde en Russie dimanche 15 juillet.

Finale de foot chez les religieuses de Locminé

Finale de foot chez les religieuses de Locminé / Mélinée Le Priol

Bonne joueuse ou bonne chrétienne ? Avant le début du match, sœur Patricia envisageait sereinement une éventuelle défaite de la France : « Cela offrirait au moins aux Croates leur première Coupe, puisqu’on en a déjà eu une… » Une heure et demie plus tard, célébrant la victoire avec sa communauté religieuse bretonne, cette Fille de Jésus de Kermaria de 53 ans ne boude pas son plaisir. « Quel match ! On peut imaginer tout le travail que cela représente pour les joueurs français… »

Ce public atypique vibre au rythme des Bleus

Elles sont une quarantaine, assises sur des fauteuils parfaitement alignés, dans une salle de la maison-mère de leur congrégation, à Locminé (Morbihan). Au début du match, une certaine modération semble de mise : on fixe attentivement l’écran, sans trop s’emporter… Mais à mesure que les actions et les buts s’enchaînent, ce public atypique vibre au rythme des Bleus.

« À nous la balle, à nous ! », « Très bien mon pote ! », et même un familier « Merci Hugo ! » quand les cages françaises ont été bien défendues. Les sœurs les plus jeunes emportent dans leur ferveur les anciennes, dont plusieurs sont centenaires et malentendantes…

« On a adapté notre programme »

Ces jours-ci, la communauté de Kermaria, où vivent environ 200 sœurs âgées, accueille en effet une vingtaine de sœurs bien plus jeunes, venues d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine pour découvrir « in situ » le berceau de leur congrégation bretonne. « On a adapté notre programme à la finale de la Coupe du monde, explique sœur Patricia, qui encadre cette rencontre. Voir ce match, c’est une manière pour nous de nous unir au monde. Nous sommes sensibles à ce que vivent les populations. »

Le jour de gloire des Bleus est arrivé !

« Être religieuse ne m’empêche pas d’être française ! » renchérit sœur Nathalie, 42 ans, emballée par ce match « de qualité » qui la « tient en haleine ». Regarder un match de football en communauté n’est pas si fréquent, et elle se réjouit de ce rendez-vous « informel » avec ses sœurs, en dehors de leur cadre habituel de prière. « C’est tout à fait autre chose, mais cela participe aussi à la qualité de notre vie fraternelle. »

« Ils ont montré un très bel esprit de corps. »

Tandis que certaines religieuses quittent la salle de télévision avant la fin du match et que d’autres se retournent distraitement pour demander à leurs voisines l’état du score, il en est quelques-unes pour suivre la partie avec le plus grand sérieux. C’est le cas de sœur Monique, inconditionnelle des sports d’équipe – surtout le basket, quand elle était plus jeune. Connaissant même le nom des joueurs de l’équipe croate, elle n’hésite pas à contester certaines décisions de l’arbitre et dit « mal respirer » tant elle est tendue…

« Cette équipe de France nous a réservé de belles surprises, se réjouit finalement sœur Monique, soulagée et ravie. J’avoue que je ne pensais pas qu’ils iraient si loin dans la compétition ! Ils ont montré un très bel esprit de corps. » Particulièrement admirative de Kylian Mbappé et de N’Golo Kanté, elle reconnaît que même Paul Pogba, qu’elle a longtemps trouvé « trop perso », progresse sur le plan du collectif…

La France rêve en Bleus

Alors la Coupe du monde, pas si incompatible que cela avec la vie religieuse ? Pour sœur Patricia, le sport peut bel et bien être le lieu de la transmission de certaines valeurs chrétiennes : « se respecter, former un corps, avoir un but commun, vivre la solidarité », énumère-t-elle. Si elle n’a pas prié pour la victoire de la France à la Coupe du monde cette année, cette religieuse a prié, ces derniers jours, pour que cette compétition permette de faire grandir la fraternité, le respect et la cohésion.

Mélinée Le Priol