« Nous souhaiterions que le CHAMCI nous accompagne pour un plaidoyer auprès de l’Etat (…) »

vant le gala thématique de bienfaisance du Club des Hommes d’Affaires Musulmans en Côte d’Ivoire (CHAMCI) en faveur des enfants malades du cancer prévu le 14 décembre 2018, Dr Line Couitchéré (Chef du service d’on- cologie pédiatrique du CHU de Treichville) confie les réalités inhérentes à son service, les efforts déjà consentis et une probable contribution additionnelles du Chamci pour une amélioration optimale des prestations de service en fa- veur des enfants malades du cancer.

Combien d’enfants traités pour cancer ?

L’INS (Institut national de statis- tiques) estimait en 2006 à 15.000 le nombre de nouveaux cas de can- cers attendus chaque année en Côte d’Ivoire. Les cancers de l’enfant représentent 5% de l’ensemble des cancers diagnostiqués, par consé- quent, ce sont 750 nouveaux cas de cancers pédiatriques qui sont atten- dus chaque année. L’unité d’Onco- logie pédiatrique du CHU de Treichville reçoit en moyenne 200 nouveaux cas par an. Cela sous-en- tend que certains enfants atteints de cancer ne bénéficient pas d’une prise en charge spécifique.

Combien de cancers spécifiques aux enfants ?

Il existe de nombreux cancers pé- diatriques. Les plus fréquents en Afrique sub-Saharienne et particu- lièrement en Côte d’Ivoire sont : Le lymphome de Burkitt : il repré- sente 37% des cancers pédiatriques reçus au CHU de Treichville. Dans les cas typiques, il se manifeste sous la forme d’une tumeur de la mâchoire et/ ou de la face ou d’une tumeur de l’abdomen (ventre).

Le rétinoblastome vient en 2ème position, il représente 11% des can- cers pédiatriques admis dans l’unité d’oncologie. Il se manifeste sous la forme d’une tumeur (boule ou masse) qui se développe aux dé- pens de l’œil, plus précisément de la rétine. Au stade de tumeur, il est

déjà très évolué et les chances de guérison sont faibles. Mais l’atten- tion des membres de la famille doit être attirée par une blancheur dans l’œil de l’enfant, un aspect d’œil de chat, donnant un regard particulier à l’enfant dans le noir. L’œil de l’enfant brille dans le noir comme celui d’un chat. C’est à ce stade qu’il faut consulter pour sauver la vie de l’enfant et peut-être préser- ver sa vision.

Le néphroblastome représente 9% des cancers pédiatriques. C’est une tumeur développée aux dépends du rein de l’enfant. Il se manifeste sous la forme d’une masse (boule) dans l’abdomen (c’est-à-dire le ventre). Parfois l’enfant émet du sang dans les urines.

Je me limiterai à ces 3 cancers, mais il existe beaucoup de cancer pédiatrique. Une classification in- ternationale distingue 12 groupes de cancers pédiatriques. Dans chaque groupe, il existe des sous- groupes.

A quel âge un enfant peut attra- per le cancer ?

De 0 à 14 ans pour les enfants et au-delà de 14 ans pour les adoles- cents. Le cancer peut survenir à tout âge.

Combien coûte en moyenne les soins pour le cancer des enfants ?
Le coût varie en fonction du type de cancer et de l’âge de l’enfant (âge corrélé à la surface corpo-

relle). Pour traiter un lymphome de Burkitt chez un enfant de 8 ans, il faut en moyenne 2,5 millions francs CFA. Le coût du traitement du néphroblastome chez un enfant de 4 ans est évalué à 2,2 millions en moyenne, et le coût du traite- ment du rétinoblastome chez un enfant de 2 ans est évalué à 2,4 millions francs CFA.

Comment les parents qui n’ont pas les moyens s’occupent-ils de leurs enfants malades du cancer?

En général ils ne parviennent pas à s’occuper totalement de leur en- fant. Certains parents suspendent la prise en charge de leur enfant à l’étape du bilan, avant même qu’on ait eu un diagnostic parce qu’ils n’ont plus d’argent. Certains pa- rents parviennent à faire le bilan initial, débutent le traitement mais ne le terminent pas. Les parents qui n’ont pas les moyens ne peuvent pas traiter normalement leur enfant que s’ils reçoivent de l’aide d’une tierce personne ou d’une associa- tion. Il arrive que les parents aban- donnent toute prise en charge et rentrent au village avec l’enfant malade.

Quelles sont les structures d’ac- cueil des enfants malades du can- cer ?

La majorité des enfants malades du cancer (les 3⁄4) sont pris en charge dans l’unité d’oncologie pédia- trique du CHU de Treichville. Cette unité existe sur le plan admi- nistratif depuis 1995. Un service d’oncologie pédiatrique vient d’être créé à l’hôpital Mère-Enfant de Bingerville.

L’état prend il en charge les en- fants malades du cancer?

Les parents qui sollicitent l’Etat à travers le ministère de la Santé Pu- blique et le ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant béné- ficient d’une prise en charge qui

couvre le bilan et les médicaments. Ce sont au plus 5 enfants par an, y compris des cas d’évacuation à l’étranger pour continuer les soins en raison du plateau technique in- suffisant. Je veux saisir l’opportu- nité qui m’est donnée pour remercier tous ceux qui prennent en main les dossiers des enfants sollicitant de l’aide dans les dits ministères. Je remercie particuliè- rement le ministre des Affaires Pré- sidentielles et l’équipe du centre médico-social de la Présidence qui ont toujours répondu favorable- ment aux sollicitations de l’équipe de l’unité d’oncologie. Par leur canal, des enfants ont pu avoir leur traitement payé, d’autres ont pu re- cevoir en toute quiétude leur radio- thérapie en Tunisie. Cependant une action concertée et coordonnée de l’Etat de Côte d’Ivoire qui inclut tous les enfants malades du cancer serait l’idéal.

Y a-t-il des structures privées qui viennent en aide aux enfants ma- lades du Cancer ?

Nous recevons des dons en anti- cancéreux du Groupe Franco-Afri- cain d’Oncologie Pédiatrique et de la Fondation Lalla Salma qui sont donnés gratuitement aux enfants dans la mesure des stocks disponi- bles. Ces deux organisations se sont associées à la fondation Sole- terre pour offrir une maison d’ac- cueil aux parents et enfants n’ayant pas de possibilité de logement à Abidjan. Cette maison a pour but de réduire les abandons de traite- ment. Le Rotary-les-perles, le Lions club, Eléphant Bleu…… et des personnes de bonne volonté.

Quel est le pourcentage de survie des enfants malades du cancer ?

La survie des enfants traités n’ex- cède pas 38%.

Quel est l’idéal selon vous pour as- surer un suivi adéquat des enfants malades du Cancer ?

Il faut améliorer l’environnement hospitalier, améliorer le plateau technique des services intervenant dans la prise en charge des enfants depuis le diagnostic jusqu’au trai- tement, former et augmenter le nombre de personnel et subven- tionner le traitement de l’enfant malade du cancer.

Qu’attendez-vous du Chamci ?

Nous aimerions que le CHAMCI nous aide à réaliser le projet que nous avons soumis. Ce projet se ré- sume en quatre points donnés par ordre de priorité :

– Réhabiliter deux chambres d’hos- pitalisation pour en faire des cham- bres d’isolement
– Aider à la formation spécifique en oncologie pédiatrique de deux mé- decins au Maroc

– Recruter un coordonnateur de la lutte contre les abandons de traite- ment
– Equipements et acquisition de matériel spécifique

Quels messages pour l’Etat de Côte d’Ivoire et pour les mem- bres du ChAMCI ?

Le cancer est reconnu aujourd’hui par l’OMS comme un problème de santé publique. Contrairement au cancer de l’adulte, le cancer de l’enfant a plus de chances de gué- rison. La prise en charge nécessite d’énormes moyens financiers (que la plupart des parents n’ont pas), humains et un environnement qui répond à certaines normes. Nous souhaiterions que le CHAMCI nous accompagne pour un plai- doyer auprès de l’Etat pour une in- tégration de l’enfant malade du cancer dans la politique de Santé en Côte d’Ivoire. Des prévisions peuvent être faites car le nombre annuel de nouveaux cas est connu, de même que la répartition des dif- férents cancers et il existe des pro- tocoles de traitement bien codifiés pour la plupart des cancers.

Réalisée par Koulibaly Y khayder