Où va l’argent des pèlerins ?

Le pèlerinage coûte cher et même très cher. Et il rapporte gros. Mais à qui ?
D’ abord ; l’Arabie saoudite qui reçoit chaque année des millions de pèlerins qu’il faut transporter, loger, nourrir et soigner pendant trente jours pour la plupart d’entre eux.

Si pendant longtemps, les énormes ressources pétrolières et gazières ont supplanté les ressources issues du Hadj, aujourd’hui la volatilité des prix du pétrole, a redonné à l’économie du Hadj sa vraie place, la deuxième source de revenus. Au point que le nouveau prince de l’Arabie Saoudite, affirme que désormais le pilier de l’économie du Royaume doit être les services et particulièrement le Hadj.

Car, le Hadj est un produit exclusif de l’Arabie saoudite, avec un monopole unique au monde et éternel. Ainsi jusqu’à la fin des temps, chaque année des mil- lions d’hommes et de femmes iront à Djeddah, à Médine, à la Mecque, à Mina à Mouzdalifa et à ARAFAT. Chaque année au même moment, à la même date et à la même heure, ils seront rassemblés venant du monde entier. Ils sont prêts à tout pour y arriver. En France, on est passé de 2000 Euros à 7000 Euros par pèlerin en moins de 10 ans. Et pour les encadrer, le gouvernement saoudien déploie, une logistique impressionnante :

• Quarante-deux mille (42.000) caméras de surveillance ;
• Cent mille (100.000) agents de sécu- rité;

• Vingt-deux (22.000) médecins et infir- miers ;
Ces millions de pèlerins emportent chez eux après le Hadj vingt millions (20.000.000) de litre d’eau ZAM ZAM, jet- tent quatre-vingt-dix-huit millions (98.000.000) de pierres sur SATAN et sacrifient plus d’un (1) million de moutons. En 2013, le pèlerinage a rapporté au Royaume Saoudien quarante (40) mil- liards de dollars, soit vingt mille (20.000) milliards de Fcfa.

Avec le Hadj et la Oumra, c’est plus de dix millions (10.000.000) de voyageurs qui visitent le Royaume. D’où la Frénésie dans la construction de complexes hôteliers tels que JABAL OMAR avec 26 Hôtels de luxe, quatre mille (4000) boutiques de souvenirs, cinq cent (500) restaurants et une vaste salle de prière sur six (06) étages.

Le nouveau Prince Saoudien envisage pour l’Horizon 2030, six millions (6.000.000) pour le Hadj annuel et trente millions (30.000.000) pour la Oumra (petit pèlerinage), un rite qui se déroule tout le long de l’année, contrairement au Hadj. Un pèlerin dépense en moyenne quatre mille deux cent (4200) Euros pour aller à la Mecque.

En Côte d’Ivoire, le quota officiel est de cinq mille (5000) pour l’Etat et mille huit cent (1800) pour les opérateurs privés soit 6800 places sur près de sept mille (7000) demandes potentielles.

Chaque pèlerin ivoirien coûte en moyenne entre quatre millions (4.000.000) et cinq (5.000.000) millions de FCFA. Ainsi pour cinq mille (6800) pèlerins, c’est entre vingt-cinq (27) et trente (34) milliards qui seront déboursés par l’Etat et les parents des pèlerins, cette année. Cela veut dire aussi que de 2013 à 2018, la communauté musulmane ivoirienne a dépensé la bagatelle de cent vingt-cinq (136) milliards de FCFA dans le cadre de l’accomplisse- ment du quatrième pilier de l’Islam. Cela   veut dire aussi que la communauté musulmane de Côte d’Ivoire épargne par an, en moyenne entre vingt (20) et trente (30) milliards pour le Hadj. Ces milliards de notre épargne sont absorbés par les sept bénéficiaires suivantes :

1. Les passeports (Ministère de l’inté- rieur);
2. Les vaccinations (Ministère de la santé);

3. Billets d’avion (Ministère du transport) ; 4. Les taxes saoudiennes ;
5. Les Hôtels en Arabie saoudite ;
6. Des organisateurs privés et publics ; 7. Les banques et sociétés de transfert. A la lumière de ce listing des bénéficiaires de la manne du Hadj en Côte d’Ivoire et en Arabie saoudite, deux remarques s’im- posent.

1. L’inexistence d’une institution financière unique et propre à la communauté pour non seulement collecter cette épargne, mais aussi pour aider les musulmans à épargner pour le pèlerinage.

2. L’absence totale de la communauté musulmane en tant que groupe et destinataire d’une partie de la manne du Hadj. Car est-il normal que les compagnies aériennes, les banques et les hôtels s’enrichissent alors que notre communauté est dépouillée d’une importante partie de son épargne ?

La solution au deuxième constat est liée étroitement au premier. À savoir la mise en place d’une institution financière qui collecte et gère les milliards des Pèlerins ivoiriens, en amont et en aval. C’est un impératif pour les musulmans de Côte d’ Ivoire. Mais c’est aussi une exigence de bonne gouvernance pour l’Etat laïc de la Côte d’Ivoire et une nécessité aussi pour la stratégie de banalisation du gouvernement, sans laquelle il n’y a point de développement durable et autonome.

Car, voilà une communauté qui dépense chaque année entre 20 et 30 milliards pour le Hadj et pourtant elle n’a aucune structure de formation, sociale et sanitaire digne de son potentiel et de la qualité de ses membres. Une fois organisée sous la forme d’une institution financière, avec un prélèvement de seulement 10%, la com- munauté musulmane pourrait obtenir pour ses infrastructures scolaires, sociales et sanitaires au moins deux milliards chaque année.

Aujourd’hui tout est réuni pour engager cet ultime combat pour la bonne gouvernance de nos ressources financières communautaires, notamment celles relatives au Hadj. Le Ministre en charge du Hadj est désormais hautement conscient de la nécessité de structurer financière- ment l’organisation du Hadj. Le club des Hommes d’Affaires Musulmans travaillent sur ce projet de banque islamique. Le Cosim est hautement conscient qu’il y a quelque chose à faire pour l’autonomisation financière du Hadj. La banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest vient de publier les premières directives pour le fonctionnement des banques islamiques dans la zone monétaire. Nous y reviendrons la semaine prochaine. C’est cette condition légale et règlementaire qui manquait. C’est fait.

En un mot comme en cent, toutes les conditions sont réunies pour qu’avant décembre 2020, la communauté musulmane de Côte d’Ivoire se donne les moyens d’assurer dignement et durablement l’organisation du Hadj.