Top 14 – Joe Rokocoko : “Le Top 14 peut être très frustrant pour un étranger qui arrive”

TOP 14 – À 35 ans, Joe Rokocoko a démarré sa huitième saison en France. L’ancien All Black raconte les secrets de son incroyable longévité et comment il continue à prendre du plaisir dans ce Top 14 au jeu souvent restrictif.

Rugbyrama : Jusqu’à quand comptez-vous jouer au rugby ?

Joe Rokocoko : Quand j’ai démarré ma carrière, je n’avais pas d’idée précise de combien de temps elle durerait. Je me disais qu’à 29 ans, peut-être 32, j’en terminerai. Mais je suis encore là, le corps suit et je continue de m’amuser. Quand je vois des jeunes débuter, je me dis qu’il est important qu’ils gardent cette notion de plaisir. Des fois, on pense trop en tant que professionnel, il n’y a que le rugby, le rugby et encore le rugby, et il n’y a plus d’équilibre dans la vie. Dans ce cas, quand on vous enlève le rugby, c’est comme si on vous retirait la vie.

Et pour vous ?

J.R. : Le rugby, c’est juste une petite part de la vie. Moi, j’ai la chance d’avoir ma famille pour penser à autre chose et profiter de la vie. Le rugby est juste un hobby pour moi. En avoir fait mon métier est un bonus. Je sais que ça va bientôt s’arrêter alors j’essaie de faire durer le plaisir le plus longtemps possible avant de me retirer sous un cocotier géant aux Fidji !

Vous attendiez-vous à être encore utilisé à l’aile cette année ?

J.R. : Je pense évoluer cette saison à l’aile et au centre, où je couvrirai aussi le poste de 12. C’est très excitant pour moi car je crois que la dernière fois où j’ai joué premier centre, c’était au lycée en Nouvelle-Zélande et j’adorais ça ! C’est différent et c’est excitant pour moi car c’est un nouveau challenge donc c’est raffraîchissant.

” Quand vous n’avez pas le ballon, Vous devez faire le boulot sur le terrain pour rendre celui des autres plus facile “

Quelle est la recette pour continuer d’être performant à l’aile à 35 ans dans un club de haut de tableau du Top 14 ?

J.R. : Cette semaine, Finn Russell m’a demandé pourquoi je portais un cycliste sous mon short à l’entraînement, alors qu’il ne fait pas froid à l’Arena. Je lui ai répondu que c’était pour garder toujours chaudes mes jeunes jambes ! Il a rigolé mais je lui ai dit que quand tu as 35 ans, tu dois faire un tas de petites choses pour continuer de performer le week-end. Il a encore rigolé mais il verra bien quand il aura mon âge et qu’il devra faire exactement les mêmes choses (rires) ! Sinon, je viens m’entraîner tous les matins en ayant la certitude de prendre du plaisir. Quand vous aimez ce que vous faites, tout devient facile comme travailler dur, bien se préparer etc…Si je ne fais plus tout ce qu’il faut pour pouvoir porter le maillot du Racing, c’est qu’il est temps pour moi de me dire “allez stop, le haut niveau, c’est fini pour toi”.

Le Racing 92 n’est pas vraiment connu pour son jeu large-large. N’aimeriez-vous pas que le ballon arrive un peu plus souvent à l’aile ?

J.R. : Vous lisez dans mes pensées (rires) ! Évidemment que c’est frustrant quand on est à l’aile à certains moments. C’est d’ailleurs pour cela que je vais jouer centre (rires) ! C’est frustrant mais c’est la stratégie, c’est comme ça. Quand vous n’avez pas le ballon, Vous devez faire le boulot sur le terrain pour rendre celui des autres plus facile. Quand vous avez une opportunité, il faut la saisir. Sinon, quand il y a du jeu au pied, vous n’allez pas avoir la balle mais votre boulot sera d’aller mettre la pression sur l’adversaire. Si je ne touche pas le ballon, j’ai beaucoup d’énergie, donc je peux communiquer avec ceux qui sont plus fatigués, comme les avants. Dans tous les cas, j’essaie de faire le job et d’aider au maximum l’équipe, quelle que soit la stratégie décidée par les entraîneurs.

” En France, le patron de l’équipe, c’est le demi de mêlée et pas le numéro dix comme c’est le cas dans l’hémisphère sud “

Le Toulonnais Julian Savea aurait apparemment plus de mal que vous à apprécier toutes les facettes du Top 14…

J.R. : Je peux imaginer ce qu’il ressent en ce moment. Il faut bien comprendre que le Top 14 peut être très frustrant pour un joueur étranger qui arrive ici. J’ai connu ça moi aussi les premiers mois quand je suis venu à Bayonne. Maintenant que je suis en France depuis un moment, j’essaie de parler avec les étrangers qui arrivent dans mon équipe et de leur expliquer pourquoi ici on fait les choses ainsi et pas comme chez eux. En tant qu’étranger, tu dois accepter ces matchs-là et si tu es suffisamment bon, tu dois ajuster ta façon de jouer. Tu dois te taire et travailler. Et c’est comme ça que tu gagneras le respect de tout le monde. Pour en revenir à Savea, je suis sûr qu’il s’adaptera et trouvera comment jouer au mieux avec sa nouvelle équipe car c’est un joueur de qualité.

Cette adaptation au jeu du Top 14 est-elle un passage obligé pour toutes les stars du Super Rugby qui viennent en France ?

J.R. : L’adaptation est obligatoire. Tout simplement parce que vous êtes le seul de l’équipe à penser qu’il faut jouer d’une façon et les 29 autres pensent autrement. Et 29 personnes ne vont pas changer pour une seule. On est dans une équipe donc il faut s’adapter aux autres. Et se dire qu’ici, le vrai patron de l’équipe, c’est le demi de mêlée et pas le numéro dix comme c’est le cas dans l’hémisphère sud.

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