Commémorée chaque 10e jour du mois de Muharram, Achoura occupe une place importante dans l’univers spirituel des musulmans du monde entier. Si cette date revêt une signification festive et spirituelle pour les sunnites, elle marque en revanche un profond deuil pour les chiites en mémoire du martyre de l’Imam Hussein. Retour sur cette journée aux multiples facettes, porteuse d’histoire, de foi et d’engagement.
Achoura : une date, deux mémoires
Achoura (en arabe : عَاشُورَاء, ʿĀshūrāʾ), du mot arabe ʿasharah (عشرة) signifiant « dix », désigne le 10e jour du mois de Muharram, le premier du calendrier hégirien. Elle est célébrée par l’ensemble des musulmans, bien que sa signification diffère selon les sensibilités religieuses.
Achoura chez les sunnites : un jour de jeûne et de gratitude
Pour les musulmans sunnites, Achoura est avant tout une journée de jeûne recommandée par le Prophète Mahomet (saws), en souvenir de la délivrance du prophète Moïse (Moussa) et des enfants d’Israël de l’oppression du Pharaon. Ce récit est rapporté par Ibn Abbas :
« Lorsque le Prophète arriva à Médine, les juifs y observaient le jeûne le jour d’Achoura et disaient : “C’est le jour où Moïse fut sauvé de Pharaon.” Le Prophète répondit : “Nous avons plus de droit que vous de célébrer la victoire de Moïse.” Et il recommanda le jeûne ce jour-là. » (Sahih al-Bukhari 4680).
Depuis l’institution du jeûne obligatoire de Ramadan, ce jeûne d’Achoura est devenu surérogatoire, mais fortement recommandé. Il est rapporté dans la sunna que le jeûne d’Achoura efface les péchés de l’année écoulée. Afin de se distinguer des juifs qui jeûnaient ce jour (coïncidant parfois avec Yom Kippour), le Prophète conseilla de jeûner également le 9e ou le 11e jour de Muharram.
En plus du jeûne, les sunnites multiplient les actes de piété : récitation du Coran, prières, aumône, charité et générosité envers les proches. Au Maroc, par exemple, la fête prend un aspect culturel. Pendant deux jours, les enfants sont mis à l’honneur avec des cadeaux et des friandises, et la tradition du « zem-zem » — aspersion d’eau — anime les quartiers dans une ambiance conviviale.
Achoura chez les chiites : un jour de deuil et de mémoire
Dans le chiisme, Achoura marque un événement tragique et fondateur : le martyre de l’imam Hussein, petit-fils du Prophète Mahomet, tué lors de la bataille de Kerbala, en Irak, en l’an 680. Ce massacre sanglant, perpétré par les forces du califat omeyyade, est considéré comme le symbole ultime de la résistance contre l’injustice, l’oppression et la tyrannie.
Les commémorations chiites prennent la forme de grandes manifestations de deuil. Des poèmes sont récités, des pièces de théâtre appelées taʿziyah rejouent les scènes du drame de Kerbala, et de grandes processions rassemblent des foules immenses, notamment à Kerbala, ville sanctuaire. Dans certains pays, des actes d’auto-flagellation appelés tatbir sont encore pratiqués, bien que controversés.
Le deuil ne s’arrête pas à Achoura : il se poursuit jusqu’au 40e jour après le martyre, appelé Arbaïn, qui donne également lieu à l’un des plus grands pèlerinages du monde.
Entre spiritualité, sacrifice et engagement
Achoura, bien qu’unique dans le calendrier islamique, renferme une pluralité de dimensions. Pour les uns, elle rappelle la fidélité à Dieu et l’importance du repentir ; pour les autres, elle incarne la mémoire du sacrifice, la défense de la justice et la résistance spirituelle face à la tyrannie.
Au-delà des divergences doctrinales, cette journée invite l’ensemble des musulmans à renouer avec les valeurs fondatrices de leur foi : la piété, le pardon, la solidarité et la quête de justice.
Achoura 2025 : dates et recommandations
Cette année, Achoura débutera le samedi soir 05 juillet 2025 et se poursuivra jusqu’au dimanche 6 juillet 2025. Les musulmans sont invités à jeûner au moins le 10 Muharram (le samedi), voire les 9 et 11 pour suivre la tradition prophétique.
C’est aussi une occasion propice pour :
multiplier les prières et les invocations ;
demander le pardon de Dieu ;
accomplir des aumônes et des œuvres caritatives ;
parrainer un orphelin ou aider une personne dans le besoin ;
renforcer les liens familiaux.
Achoura nous rappelle que la foi véritable s’exprime autant dans la gratitude que dans le sacrifice, dans la piété que dans l’engagement pour les valeurs morales. Que l’on soit sunnite ou chiite, ce jour reste un appel à la réflexion, à l’union spirituelle et à l’élévation personnelle.
DIANÉ MOUSSA