Pilier incontournable du grand pèlerinage, le stationnement à Arafat symbolise bien plus qu’un simple rite. C’est un moment suspendu, où des millions de pèlerins vêtus de blanc se rassemblent dans un même élan spirituel. Entre rappel du Jugement dernier et quête du pardon divin, Arafat incarne l’essence même du Hajj : l’humilité, l’égalité et la rencontre avec le Très-Haut.
Le stationnement à Arafat : un pilier essentiel du Hajj, entre spiritualité et symbolisme du Jugement dernier
Chaque année, lors du grand pèlerinage à La Mecque, les musulmans du monde entier se retrouvent à un moment unique et déterminant : la station à Arafat, appelée en arabe “wouqouf”. Ce moment solennel, qui se déroule le 9 du mois de Dhoul-Hijja, est considéré par toutes les écoles juridiques islamiques comme le pilier central du Hajj. Sans cette station, aucun pèlerinage ne peut être validé.
Le Prophète Muhammad (paix et salut sur lui) l’a affirmé clairement dans un hadith authentique rapporté par Tirmidhi, Abou Daoud, Ibn Majah et An-Nasaï :
« Le Hajj, c’est Arafat. »
Une parole concise mais qui souligne l’importance capitale de ce rite dans l’accomplissement du grand pèlerinage.
Une symbolique puissante : entre égalité et rappel de l’au-delà
Le wouqouf à Arafat n’est pas qu’un simple acte physique. Il renferme une forte charge spirituelle et symbolique. Vêtus du même tissu blanc, sans distinction de rang ou de richesse, les pèlerins renvoient l’image saisissante de l’égalité totale entre les êtres humains devant Allah. Cette simplicité vestimentaire évoque le linceul funéraire, nous ramenant au rappel de la mort et à la scène du Jugement dernier.
À Arafat, la foule immense rassemblée dans un même lieu, tournée vers un même objectif – le pardon divin – donne l’impression d’un rassemblement eschatologique, comme celui du Jour de la Résurrection. Les pèlerins se sentent sortir de leurs tombes pour se tenir devant leur Créateur, espérant Sa miséricorde.
Le déroulement du wouqouf : entre tradition et adaptation
Traditionnellement, les pèlerins quittaient Mina à l’aube du 9 Dhoul-Hijja pour se rendre à Arafat. Mais la modernité, les flux de pèlerins toujours plus massifs et le manque d’infrastructures suffisantes ont modifié cette pratique. De nos jours, il est fréquent de voir des pèlerins quitter La Mecque directement pour Arafat dès le 8 ou au matin du 9. Les savants ont validé cette adaptation, invoquant le principe fondamental de la nécessité qui prime la règle, sans altérer la validité du rite.
Concernant l’heure du wouqouf, les écoles hanafite, malikite et chafi’ite s’accordent pour situer son début à l’après-midi du 9 Dhoul-Hijja, tandis que l’école hanbalite accepte que le stationnement commence dès le lever du jour. Néanmoins, toutes les écoles s’accordent sur un point crucial : le pèlerin doit impérativement être à Arafat avant l’aube du 10 Dhoul-Hijja, jour de l’Aïd al-Adha.
Quelle attitude adopter à Arafat ?
Contrairement à ce que le terme “station debout” pourrait suggérer, le pèlerin n’est pas obligé de rester debout à Arafat. Il peut s’asseoir, marcher, prier, écouter un sermon ou même discuter, tant qu’il reste concentré sur l’essentiel : le lien spirituel avec Allah.
Le Jour d’Arafat est considéré comme le jour des invocations par excellence. C’est une occasion unique de demander pardon à Allah, de réciter des sourates, de formuler des prières personnelles, d’écouter des enseignements religieux (dars), ou encore de monter sur le Mont de la Miséricorde (Jabal ar-Rahma), lieu emblématique du site.
Il n’y a pas de posture obligatoire ni de rituel figé. L’essentiel est de rester dans les limites géographiques d’Arafat, de faire preuve de recueillement et d’y demeurer jusqu’au coucher du soleil. Ce n’est qu’à ce moment que les pèlerins peuvent entamer la suite des rites du Hajj, notamment le départ vers Mouzdalifa, appelé l’ifadha.
Arafat, c’est bien plus qu’un lieu. C’est une école spirituelle, un miroir de l’au-delà, une déclaration d’humilité et de fraternité devant Allah. Pour tout musulman, c’est un moment où le cœur s’ouvre, où les âmes s’élèvent, et où l’espérance d’un pardon sincère s’illumine.
Par Diané Moussa, envoyé spécial à La Mecque pour IslamInfo