Editorial de Venance KONAN: Notre histoire

 

Aujourd’hui, on ne peut qu’être fier de voir ce qu’est redevenue cette résidence qui, non seulement est l’une des plus belles et les mieux situées de notre capitale éco­nomique, mais contient aussi une grande partie de l’histoire de notre pays. Dans n’importe quel pays du monde qui se respecte et a le sens de la mémoire, la première résidence du premier Président d’un pays aurait été préservée comme l’un des biens les plus précieux du patrimoine national. Ici, cette résidence avait été totalement abandonnée. Mais le Président de la République Alassane Ouattara vient de lui redonner tout son lustre. Merci Monsieur le Président ! Espérons que l’on trouvera dans cette maison des objets, des images, qui la relient aux illustres person­nalités qui l’ont occupée, en attendant que des musées consacrés à ceux qui nous ont dirigés et nous dirigeront, surtout le premier d’entre eux, son histoire ne l’empêche pas d’avoir existé et, ce que nous semblons ignorer, est que notre pré­sent est toujours conditionné par notre passé. Et la meilleure façon de réussir son présent et son avenir est de tirer toutes les leçons de son his­toire.

Il y a quelques jours, la France a commémoré les deux cents ans de la mort de Napoléon et l’abo­lition de l’esclavage. De nombreuses personnes ici ont abondamment’ commenté le silence du Président français lors de la commémoration de l’abolition de l’esclavage. Apparemment, personne n’a remarqué qu’aucun de nos chefs n’a organisé quoi que ce soit à cet effet et n’a donc pris la parole ce jour-là. La France est l’un des pays à avoir pratiqué l’esclavage, avant d’y mettre fin. Et elle a décidé, il y a vingt ans, de le considérer comme un crime contre l’humanité. Nous qui avons été les victimes de l’esclavage sommes jusqu’à présent totalement indifférents à cette histoire. Faut-il s’étonner qu’elle se perpétue de nos jours à nos dépens ? Si nous voulons être respectés un jour, il nous faudra prendre notre destin en main. Et cela passe aussi par l’appropriation par nous-mêmes de notre histoire dans son entièreté.

 

Notre drame à nous, Africains, est que nous ne faisons même pas de tri dans notre histoire. Nous sommes tout simplement en train de l’effa­cer. Pour revenir à la Côte d’ivoire, lesquels de nos enfants âgés de moins de trente ans savent encore qui fut réellement Félix Houphouët-Boigny ? Lesquels de ces enfants connaissent son parcours et ses compagnons que furent PHILIPPE YACE, COTTI GADEAU, Auguste Denise, Mamadou Coulibaly, VICTOR BIAKA BODA, pour ne citer que ceux-là ? Qui se souvient encore de la tentative de sécession du royaume SANWI ? Qui se sou­vient du « complot du chat noir ? », de l’affaire du GUEBIE ? Et la reine Abla Pokou dont le sacrifice de Son enfant donna naissance au peuple Baoulé ? Quel monument ce peuple a-t-il dressé pour la commémorer ? Quel jour de l’année se souvient-il de ce sacrifice fondateur de son existence ? Un peuple qui ne sait pas d’où il vient ne peut jamais savoir où il va, que cela soit entendu une fois pour toutes.

Source: Fraternité Matin n°16922 du Mardi 25 mai 2021