Hadj 2025 – Al-Kawsar Voyage : Foi, engagement et rigueur au service du pèlerin

ENTRETIEN À MINA AVEC L’IMAM DIAKITÉ ABOUBACAR

Commissaire du Hadj d’Al-Kawsar Voyage

“Nous faisons du pèlerin notre priorité. L’argent vient après.”

MINA (Arabie Saoudite), 8 Dhū al-Ḥijja –

Rencontré sous les tentes sacrées de Mina, à l’occasion du début des rites du pèlerinage, l’Imam Diakité Aboubacar, commissaire du Hadj de l’agence Al-Kawsar Voyage, s’est confié à Islam Info. Homme de foi, acteur engagé depuis plus de trente ans dans le Hadj ivoirien, il retrace son parcours, ses combats, sa vision du service aux pèlerins, et ses attentes envers les autorités étatiques.

Un pionnier engagé pour les pèlerins ivoiriens

Avec une émotion sincère, l’Imam Diakité ouvre l’entretien en rendant grâce à Dieu :

« Aujourd’hui est un grand jour pour moi, surtout ici sur la Terre Sainte. J’ai le privilège de parler à Islam Info, un journal auquel nous avons participé à la création en tant que membres du COSIM. »

 

Originaire de Côte d’Ivoire, il fait partie des premiers encadreurs ivoiriens du Hadj dès les années 1990. À l’époque résident à Djeddah, il constate les difficultés de nombreux pèlerins livrés à eux-mêmes.

« Il n’y avait pas de guide ivoirien qui parlait arabe. Nos parents étaient entre les mains des Arabes. C’était vraiment pitoyable. »

C’est à partir de cette prise de conscience qu’il décide de consacrer sa vie à l’encadrement des pèlerins. Après de longues années d’expérience dans le circuit étatique, notamment dans l’hébergement et l’encadrement religieux, il fonde avec ses associés l’agence Al-Kawsar Voyage.

« Dieu m’a donné cette lumière. Je suis le commissaire du Hadj, et Moussa Sangaré en est le Directeur Général. Nous sommes quatre actionnaires. »

Al-Kawsar, une agence fondée sur la foi et le service

L’Imam Diakité insiste sur la mission première d’Al-Kawsar : servir les pèlerins avant toute recherche de profit.

« Je connais ce travail. Je ne suis pas venu pour l’argent. Notre objectif, à moi et à Sangaré, c’est d’aider nos parents. Le pèlerin d’abord. Après, le reste viendra. »

L’agence commence modestement avec 50 pèlerins, monte à 70, et choisit délibérément de se limiter à 80 en 2025, malgré la demande.

« On avance doucement, sans gourmandise, in shā Allāh. »

Difficultés initiales et obtention de l’agrément

Comme toute agence privée, l’obtention de l’agrément étatique a été un parcours difficile.

« Nous étions nouveaux dans le système ivoirien, mais je n’étais pas nouveau dans le Hadj. J’avais déjà fait mes preuves dans l’étatique. »

C’est dans le service d’hébergement qu’il choisit de se spécialiser, car selon lui,

« C’est là que je peux être en contact direct avec les pèlerins et m’occuper d’eux. »

Le coût du Hadj : entre perception publique et réalité économique

Face aux critiques sur les prix du Hadj dans le privé, il clarifie fermement :

« Ce n’est pas nous qui fixons les prix. C’est l’État ivoirien qui détermine le tarif en fonction des exigences de l’Arabie Saoudite. »

Contrairement au secteur public, les agences privées ne bénéficient pas de subvention.

« Aujourd’hui, le prix tourne autour de cinq millions cinq cent mille francs CFA. On ne fait que s’aligner sur les coûts réels. »

L’évolution constante du paysage saoudien – hôtels modernes, services innovants – contribue à cette hausse.

« L’Arabie Saoudite est un pays émergent. Les services coûtent de plus en plus cher. »

Un encadrement de qualité et une présence nationale

L’Imam Diakité affirme que les agences privées comme la sienne offrent des services d’excellente qualité :

« Al-Kawsar connaît le Hadj. Nos logements à La Mecque, à Mina, notre proximité avec Al-Haram, sont exemplaires. »

Il cite même l’arrivée du système étatique Tarek Makkah, qui a facilité les choses :

« Mais nous souhaitons que ce système prenne aussi en compte les agences privées. »

En matière de couverture géographique, l’agence est en pleine expansion :

« Nous nous installons dans plusieurs villes de Côte d’Ivoire pour être plus proches de nos parents. »

Rapports avec le Commissariat et la Direction des Cultes

L’Imam balaie les idées de conflits avec les autorités :

« Le privé n’est pas l’ennemi du Commissariat. Ce sont des incompréhensions liées aux intérêts respectifs. Mais nous n’avons pas d’ennemis. »

Il rappelle que son agence est conforme à la loi :

« Nous avons 12 à 15 employés, payés sur 12 mois, déclarés à la CNPS. Nous payons les impôts et les taxes. »

Il souligne aussi le rôle de la Direction des Cultes :

« C’est un détachement de l’État qui veille sur nous. S’il y a un point qui ne va pas, on discute, on avance. »

Une agence au service de l’État et du développement

Au-delà du Hadj, Al-Kawsar se veut acteur de développement national.

« Nous participons à la lutte contre le chômage, contre la pauvreté, contre l’immigration clandestine. »

Son objectif : offrir des emplois durables à des jeunes, hommes et femmes, pour les éloigner de la tentation de traverser la Méditerranée au péril de leur vie.

« L’État ne peut pas tout faire seul. L’État, c’est nous. Nous devons participer à son effort. »

Une demande claire : l’augmentation des quotas pour le privé

Pour l’Imam Diakité, il est temps que l’État ivoirien réévalue la répartition des quotas entre secteur public et privé.

« Trois mille pèlerins pour le privé, ce n’est pas suffisant. Nous demandons que ce quota soit amélioré, comme dans d’autres pays. »

Mais il reste respectueux des institutions :

« L’État est le maître du jeu. C’est notre patron. Mais il peut nous accorder plus de marge pour soulager nos charges. »

“Le cher te met à l’aise” : répondre aux critiques sur le prix

Interrogé sur les préjugés selon lesquels le Hadj privé serait “trop cher”, il répond avec sagesse :

« Ceux qui ont goûté au privé savent que ce n’est pas cher. L’Africain aime le moins cher, mais souvent, le moins cher est très cher. Le cher, lui, te met à l’aise. »

Dernier mot : une prière pour la paix et le pays

L’entretien s’achève sur une belle invocation patriotique.

« Je prie pour mon pays. C’est mon bateau. Le poisson ne prie pas pour l’eau, mais pour lui-même. Si l’eau sèche, il finit dans la marmite. »

Il adresse une prière particulière au Président de la République :

« Que Dieu lui donne santé et longévité, pour qu’il continue de ramener de bonnes choses pour toutes les couches sociales de notre pays. »

L’Imam Diakité Aboubacar incarne cette génération d’Ivoiriens qui ont transformé le Hadj en un service spirituel, logistique et social. À travers Al-Kawsar Voyage, il prouve que l’engagement religieux peut aussi être un levier de développement économique, humain et national.

Propos recueillis à Mina par DIANÉ MOUSSA envoyé spécial d’Islam Info