Hadj 2025

Interview avec le commissaire du hadj

Imam Bachir Ouattara :  » Nous ne vendons pas de billet d’avion. Nous accompagnons des âmes vers l’un des actes les plus sacrés de leur vie »

Dans un entretien exclusif accordé à Islam Info, Imam Bachir Ouattara, Commissaire du Hadj depuis 10 ans, revient sur les grandes lignes de l’organisation du Hadj 2025. De l’identification en ligne à l’attribution des vols, en passant par la consultation médicale, le paiement et la demande de visa, il détaille toutes les étapes avec rigueur et pédagogie. Une interview qui met en lumière les efforts constants de modernisation, de transparence et d’équité dans la gestion du pèlerinage en Côte d’Ivoire.

 Imam comment s’est organisée la préparation du Hadj 2025, et quelles sont les grandes étapes avant le départ des pèlerins ?

L’organisation du Hadj commence juste après le retour du Hadj précédent. Nous tenons un séminaire-bilan chaque année pour évaluer les forces et faiblesses. C’est à l’issue de ce bilan que nous procédons au lancement officiel du Hadj de l’année suivante.

Le lancement marque l’ouverture officielle du Hadj 2025. À cette occasion, nous définissons et publions le coût du Hadj, qui cette année est resté identique à celui de l’année précédente.

Le quota global est de 10 000 pèlerins, répartis comme suit :

  • 3 000 places pour les opérateurs privés,
  • 7 000 places pour le contingent étatique.

Ce jour-là, nous détaillons aussi toute la procédure, notamment l’identification en ligne, souvent appelée à tort « Inscription » par les candidats.

-L’identification en ligne :

Le Commissariat du Hadj est habilité à enregistrer 5 000 candidats pour le contingent étatique. Nous ouvrons ces 5 000 places à tous les Ivoiriens, qu’ils résident en Côte d’Ivoire ou dans la diaspora. Tout le monde a les mêmes chances.

Nous communiquons une semaine à l’avance une date et une heure précises d’ouverture de la plateforme d’identification en ligne. Cela permet à tous les candidats de postuler au même moment.

La consultation médicale préalable :

Le jour du lancement, nous annonçons aussi la date du début des consultations médicales préalables.

C’est une étape essentielle. Il faut s’assurer que le candidat est apte physiquement à accomplir le pèlerinage : certains peuvent être diabétiques, hypertendus, ou nécessiter un accompagnateur.

Après consultation, les médecins délivrent leur avis. Si un accompagnement est recommandé, alors :

  • le pèlerin et son accompagnateur passent par le même centre médical,
  • prennent le même vol,
  • sont logés ensemble,
  • et rentrent ensemble.

48 heures après la consultation, les médecins délivrent le CMA (Certificat Médical d’Aptitude au Hadj 2025).

Le paiement :

Avant, l’autorisation de paiement était manuelle. Aujourd’hui, tout est dématérialisé. Dès qu’un candidat a son CMA, il peut se rendre dans une trésorerie pour effectuer le paiement. Sur place, nos agents saisissent son numéro de passeport, ce qui permet d’afficher automatiquement son autorisation de paiement et la validité de son certificat.

Une fois le paiement effectué, le candidat entre dans le système Tariq Makkah (la route vers la Mecque), qui impose la prise d’empreintes biométriques. Par exemple, les personnes qui paient au Plateau sont dirigées vers la Grande Mosquée du Plateau pour cette opération.

La Formation :

Après le paiement, les candidats doivent suivre une formation obligatoire.

Cette année, elle s’est déroulée en deux phases :

  • Une avant le Ramadan,
  • Et une après le Ramadan, achevée le 7 mai dernier.

 

– La Demande de visa :

Pendant la formation, nous procédons au paiement des prestations en Arabie Saoudite :

  • hébergement,
  • restauration,
  • transports interurbains,
  • tentes à Mina, Arafat, etc.

Le visa est lié au paiement. Si vous avez payé pour 7 000 pèlerins, vous recevez 7 000 visas. Si vous avez payé pour 6 000, vous n’en recevez que 6 000.

Pour le contingent étatique, les 7 000 visas ont été entièrement payés, donc aucun problème de ce côté. Aujourd’hui, environ 90 % des visas ont déjà été obtenus.

L’Attribution des vols :

Une fois les visas disponibles, nous organisons les vols. Le samedi 10 mai 2025, nous avons mis en ligne une plateforme de consultation. Chaque candidat peut y entrer son identifiant ou son numéro de passeport pour connaître la date de son vol. Cependant, certains candidats ont changé de passeport sans nous informer, et font la recherche avec leur ancien numéro, ce qui ne fonctionne pas. En effet, l’ancien passeport est annulé, et le nouveau est enregistré dans notre base. Il faut donc faire la recherche avec le bon numéro. Certains voient encore s’afficher « en cours de traitement », cela signifie que leur visa n’a pas encore été finalisé. Mais la plateforme est actualisée régulièrement.

Par exemple, samedi dernier et aujourd’hui, plusieurs personnes qui voyaient « en cours de traitement » ont vu leur vol s’afficher. Ce travail se poursuit jusqu’à demain, incha’Allah.

Vous avez mentionné un quota de 10 000 pèlerins. Quels étaient les chiffres des années précédentes : 2021, 2023 et 2024 ?

Bien, en

  • 2024 : 10 000 pèlerins
  • 2023 : 10 000 également
  • 2021 : en raison du COVID, le quota a été réduit. Il y a même eu une année sans Hadj.

À cette époque, l’Arabie Saoudite avait imposé des restrictions strictes : seules les personnes jeunes et en bonne santé pouvaient participer. Ceux ayant des maladies chroniques étaient exclus. Mais en 2023, tous ceux qui avaient payé et figuraient dans notre base de données ont été pris en charge et ont pu effectuer le Hadj.

Quelles innovations ou réformes avez-vous introduites pour améliorer la gestion du Commissariat au Hadj ?

Il y a eu beaucoup d’innovations. Prenons l’exemple de l’identification en ligne. Avant, on ouvrait les inscriptions sans limite, et on se retrouvait avec 8 000 ou 7 000 candidats pour seulement 5 000 places. Dès qu’un candidat s’identifiait, il obtenait automatiquement le sésame, et c’était une course pour aller payer : premier arrivé, premier servi.

Ce système créait des frustrations. Par exemple, deux personnes venaient ensemble à la consultation, mais l’une avait un problème médical et devait faire des examens complémentaires. Elle ne recevait pas son sésame dans les 48 heures. Pendant ce temps, l’autre, en bonne santé, l’obtenait rapidement. Cela donnait l’impression qu’il y avait du favoritisme, que certains médecins favorisaient leurs proches. Les gens nous ont dit : « Si vous ne prenez que 5 000 personnes, ouvrez seulement 5 000 places. » Mais nous avons expliqué que nous avions besoin de statistiques. L’identification nous permet de distinguer ceux qui iront avec les opérateurs privés et ceux qui resteront avec nous.

Finalement, nous avons décidé de dématérialiser totalement. Aujourd’hui, une fois que les 5 000 places sont prises, c’est terminé. Même si vous êtes devant une trésorerie, on ne vous acceptera pas si vous n’êtes pas dans les 5 000. Cela a apporté plus d’équité. Dès que vous vous identifiez, vous pouvez prendre votre temps pour faire vos examens, même s’ils durent deux semaines. Votre place est réservée. Avant, on réservait aussi des places pour des cas spécifiques : la diaspora, les malades, ceux nécessitant des spécialistes. Cela créait des tensions. Maintenant, tout le monde passe en même temps. Et cela soulage tout le monde.

Cette année, il y a eu des difficultés au démarrage, mais tout est rentré dans l’ordre. Le ministre a mis en place un comité technique avec trois informaticiens :

  • un du Commissariat au Hadj,
  • un de la Direction Générale du Trésor,
  • un de la DITT (Direction de l’Information et des Traces Technologiques) Au-dessus, un comité de supervision a été institué. Chaque décision technique est validée par ce comité. Je profite de votre interview pour rappeler que nous avons un délai de 72 heures pour les paiements. Mais cette année, dès le 23 janvier, les paiements ont commencé, et le 25 janvier, tout était bouclé.

Les consultations médicales devaient démarrer le 24 ou 26 janvier, mais à cause de certains ajustements, elles ont débuté le 3 février, en même temps que les paiements et la prise d’empreintes. Le 20 mars, nous avons publié un communiqué pour annoncer que, dès le 21 mars, les paiements seraient suspendus. En réalité, nous avons laissé les gens payer jusqu’au 14 avril.

Nous avons ensuite convoqué une réunion du comité de supervision pour présenter les cas particuliers :

  • 46 personnes identifiées n’apparaissaient pas dans la base.
  • D’autres devaient accompagner des personnes à mobilité réduite mais n’ont pas pu finaliser leur inscription.

Nous avons géré cela humainement. Quand une place se libérait, on les intégrait. Avant toute suppression, nous avons appelé les concernés, parfois deux mois après leur identification. Beaucoup n’avaient même pas entamé les examens. Nous avons envoyé des SMS, demandé des contacts d’urgence. Ce n’est qu’après toutes ces tentatives que nous avons procédé à des ajustements. Contrairement à ce que certains affirment, nous n’avons jamais annulé arbitrairement des inscriptions. Une personne identifiée est prioritaire.

Un commissaire de la diaspora m’a contacté. Il m’a dit qu’il avait fait ses examens médicaux dans son pays d’accueil. Sa sœur est venue déposer les documents physiques. On lui a demandé de refaire certains examens. Il a dit : « J’ai fini, mais je n’ai pas pu payer. »

Je lui ai dit : « Tu es venu, tu as écrit au commissariat ? » Il a dit non, c’est sa sœur qui est venue. Je lui ai répondu : « Si ta sœur est venue, elle n’avait qu’à voir n’importe quel agent, même le vizir, on t’aurait aidé. » J’ai pris ses appels et on a réglé son problème. Il a été pris en compte dans les cas spéciaux. Il se reconnaîtra. Des cas comme ça, il y en a plein. C’est pourquoi je suis étonné que certaines personnes racontent n’importe quoi. Voilà la réalité. Tout ce que je dis est vérifiable. Ce sont ces efforts que certains ignorent, préférant colporter des rumeurs.

Quels sont les principaux défis que vous rencontrez chaque année dans l’organisation du Hadj ?

Chaque édition du Hadj vient avec ses propres défis. C’est la nature même du Hadj. Cette année, je tiens à saluer les efforts de nos autorités, en particulier ceux du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, qui pilote tout le processus. Il suit, conseille et intervient dès qu’un problème surgit. Il y a aussi un comité de suivi au sein du Commissariat. Tout est fait sous sa supervision. Le premier défi de cette année est venu d’Arabie Saoudite. Le 14 février, il fallait obligatoirement payer et réserver les tentes à Mina. Certains pays n’ont pas réagi à temps et ont perdu leurs places.

Nous avons pu faire le paiement pour la formule basique. Mais pour le VIP, notre partenaire a tardé. Ce n’est que le 20 février qu’il a proposé les places, trop tard. Résultat : la page de réservation était grisée, impossible de réserver. Ce fut un gros défi, mais par la grâce de Dieu, tout est rentré dans l’ordre.

Aujourd’hui, même les opérateurs privés qui font du VIP, comme la SOTRA, ont lancé leurs prestations. Il n’y a plus de problèmes.

Autre défi : cette année, notre partenaire aérien a réduit la capacité des avions. Au lieu des gros porteurs habituels, on nous a proposé des appareils de 388 places. Cela a compliqué la planification. C’est pourquoi nous demandons aux pèlerins d’être ponctuels, de respecter leurs horaires et de venir calmement à la mosquée pour les départs.

 Est-ce que cette année vous avez rencontré des retards ou des blocages particuliers dans l’organisation ?

Non, on n’a pas vraiment connu de retard. Peut-être que, souvent, comme c’est un processus en ligne, on a peur des bugs à certains moments. Par exemple, quand je prends la prise d’empreintes biométriques, qui se fait en ligne, tous les pays sont connectés en même temps. Il y a des jours où il y a des bugs le matin, mais après, ça s’ouvre normalement. Comme exemple nous pouvons citer du commissaire que j’ai évoqué dans vos questions précédentes.

Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés chaque année dans l’organisation ?

Chaque Hadj a ses propres difficultés. C’est ça, le Hadj. Cette année, je voudrais saluer les efforts de nos autorités, notamment ceux du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité. Tout ce que nous faisons, c’est lui qui pilote, qui surveille, qui observe, qui conseille. Nous avons également un comité de suivi au niveau de la direction du Hadj. Ce travail se fait sous sa supervision. À chaque problème, il convoque le responsable concerné pour comprendre.

 Quelles innovations ou reformes avez-vous introduites depuis votre arrivée à la tête du commissariat ?

Cette année, nous avons été surpris par une réforme venue de l’Arabie Saoudite : le paiement et la réservation des tentes à Mina, qui devait se faire le 14 février. Certains pays n’ont pas réagi à temps, ils ont été reportés ou exclus. Nous, on a pu faire le paiement pour ce qu’on appelle la formule basique c’est-à-dire Mina, logement et autres services. Quant au VIP, notre partenaire n’a pas pu programmer à temps. Ce n’est que le 20 février qu’il a proposé des places VIP, mais le délai était passé. Tu peux ouvrir la page, mais la partie « réservation/paiement » est grisée. C’était un défi cette année. Certains n’y croyaient pas. Mais par la grâce de Dieu, c’est réglé.

 Au niveau de la gestion, de l’encadrement et de la formation, comment garantissez-vous la transparence dans la gestion financière et logistique du Hajj ?

Il y a un régisseur du hajj. Le “cerveau central”, si je peux m’exprimer ainsi, c’est le Directeur Général des Cultes (le DG des Cultes). À ses côtés, un régisseur désigné par le ministère des Finances qui supervise la partie financière.

Tout commence par l’élaboration du budget. Chaque commission transmet ses besoins. Nous procédons ensuite à un premier arbitrage interne pour identifier ce qui est réalisable et ce qui ne l’est pas. Une séance budgétaire est ensuite organisée entre la Direction Générale des Cultes, le Commissariat du Hajj, le régisseur et le comptable. On y examine poste par poste : par exemple, si le montant attribué à une rubrique l’année précédente reste pertinent, surtout si le nombre de pèlerins n’a pas augmenté, il n’y a pas lieu d’augmenter le budget.

Une fois validée, la version finale du budget est transmise à HIDETOHA, qui l’envoie au ministre de tutelle pour approbation. Dès que celle-ci est obtenue, nous savons exactement ce qui a été validé. Tout est transparent, rien n’est caché. Concernant les partenariats avec les compagnies aériennes, ce n’est pas nous qui les gérons, mais l’État, à travers la Direction Générale des Cultes. Le Commissariat du Hajj se concentre sur la commission technique. Nous n’avons pas de régie propre, nous transmettons nos besoins à la Direction Générale des Cultes et à l’opérateur, qui valide et effectue les paiements.

 Quels mécanismes sont mis en place pour encadrer et former les encadreurs et guides religieux des pèlerins ?

Chaque année, un séminaire est organisé à Abidjan pour former les encadreurs, leur présenter les nouveautés du Hajj, et les préparer aux réalités du terrain. Il faut se renouveler en permanence. Prenons l’exemple du badge électronique du Hajj, introduit par l’Arabie Saoudite. Lors de son lancement, il était peu compris. Mais avec l’expérience, chacun a pu constater son utilité. Autrefois, les pèlerins quittaient Arafat pour Mina très tôt. Une année, à 8h ou 9h, tout le monde était déjà descendu. Mais l’année dernière, à midi, voire 13h, les pèlerins étaient encore à Mina, ce qui a occasionné de l’inquiétude.

En réalité, ils étaient munis d’un bracelet électronique. Ce badge contient des données essentielles. Une fois à bord du car, les portes sont scellées. Si le car est ouvert avant d’arriver à destination, le système le détecte immédiatement. Cette année, l’attribution des badges a été modifiée. Ils sont désormais remis à Médine, 24 heures après l’arrivée des pèlerins. Les présidents de groupes envoient leurs listes, les badges sont alors confectionnés et remis. Le badge est obligatoire : sans lui, vous êtes arrêté, puis renvoyé à Djeddah. Il y a des points de contrôle à chaque étape, de l’hôtel jusqu’au Haram. Tous les encadreurs sont formés ici à Abidjan. Ceux qui sont désignés tardivement reçoivent un briefing dans le bus, à l’aéroport ou dans l’avion. Dès leur arrivée à Médine, ils sont intégrés à la formation continue sur place.

Ce lundi 12 mai, nous avons découvert que des ivoiriens sont partis avec des visas de visite au lieu de visas Hajj. Ils ont énormément souffert. Bien qu’hébergés dans les hôtels, ils vivaient dans la peur, car les autorités saoudiennes sanctionnent lourdement les hôteliers qui hébergent des clandestins. Depuis le 29 avril, l’accès à la ville sainte de La Mecque est strictement réglementé. Il faut une autorisation spéciale, même pour les résidents permanents de la Mecque. Étudiants ou citoyens, sans badge ou carte de séjour valide, l’accès est refusé. Toute personne identifiée illégalement dans les lieux saints est immédiatement expulsée.

Cette année, on parle de presque 10000 pèlerins. Quel est le nombre exact d’encadreurs, religieux, personnels médicaux et administratifs ?

Cette année, 65 médecins font partie du dispositif d’encadrement. Cela peut paraître beaucoup, mais avec plus de 10 000 pèlerins, c’est indispensable. On y retrouve des spécialistes, des cardiologues, des diabétologues… pour assurer un suivi médical approprié, notamment pour les personnes âgées.

Le contingent des pèlerins compte beaucoup d’analphabètes et de personnes âgées. N’est-ce pas un handicap sérieux pour l’encadrement ?

Non, aujourd’hui, la tendance s’est inversée depuis plusieurs années. Ce sont les jeunes qui sont majoritaires, surtout les jeunes femmes, ensuite les jeunes hommes. Les personnes âgées sont moins nombreuses aujourd’hui. Cela fait peut-être plus de cinq ans que nous avons constaté ce changement. Souvent, les gens me voient à la mosquée et m’appellent : « Ah, An kadé, viens ici ! » Alors que c’est un pèlerin. Il a moins de 30 ans. Les jeunes, aujourd’hui, disent que la vie est là-bas, il faut aller. Et ce sont souvent des gens bien éduqués. Ils viennent, ils font ce qu’on leur demande, puis ils s’en vont.

Maintenant, pour ceux qui sont analphabètes, nous les encadrons également. Parce qu’on sait que quelqu’un qui quitte le village et arrive à Abidjan, il ne sait même pas comment utiliser les toilettes. C’est pourquoi nous conseillons aux parents : si vous envoyez quelqu’un au hadj, faites en sorte que cette personne vienne passer une semaine chez vous à Abidjan avant le départ, pour qu’elle suive la formation.

On leur montre tout, même comment ça se passe dans l’avion. Parce que parfois, la personne arrive, on lui dit : « Voici ça, voici comment ça fonctionne », et elle comprend mieux. Même les stewards les aident dans l’avion. Mais si c’est la première fois qu’elle découvre ces choses, elle peut faire ses besoins ailleurs, pensant que c’est normal. Cela crée un malaise pour tout le monde. Il y a quelqu’un qui m’a dit qu’une pèlerine est montée dans l’avion, elle a dormi pendant tout le trajet jusqu’à l’atterrissage. Pour elle, l’avion n’avait même pas bougé. Cela arrive parce qu’elle ne comprenait pas.

Est-ce qu’on peut dire qu’avant, il y avait deux conditions pour pouvoir aller au Hadj, à savoir la santé et l’argent ? Aujourd’hui, peut-on parler d’une troisième condition qui serait la capacité à maîtriser l’outil informatique ? Qu’en pensez-vous ?

Autrefois, pour accomplir le Hajj, il fallait trois choses : des moyens financiers, une bonne santé, et la foi. Aujourd’hui, un quatrième critère s’ajoute : la compétence numérique.

Même pour inscrire un enfant en sixième, tout passe par Internet. C’est la même chose pour l’inscription au Hajj. Nous faisons volontairement l’ouverture des inscriptions à une date précise. Ceux qui veulent vraiment partir se rendent dans un cybercafé, comme pour les inscriptions scolaires. Mais certains attendent et, à 6 h du matin, tout est déjà complet. Ceux qui n’étaient pas informés à temps se retrouvent pénalisés.

Quand on parle du pèlerinage, on dit qu’il faut avoir trois choses : des moyens financiers, la santé, et désormais, un minimum de compétences informatiques. Aujourd’hui, pour inscrire un enfant en sixième, il faut obligatoirement passer par l’internet. C’est pareil pour l’inscription au hadj. C’est un défi que nous avons accepté de relever. C’est comme avec les Saoudiens : ils ont fixé des périodes de paiement des contrats. Quand tu dépasses la date pour le paiement de la Mecque ou de Médine, c’est fini. Tu n’es plus pris en compte. Donc, il faut s’adapter à l’ère de l’informatisation. Nous sommes obligés d’avancer.

Les personnes âgées de plus de 70 ans ne sont-elles pas pénalisées par le système informatique ?

Non, ce n’est pas une question d’âge. L’accès est ouvert à tout le monde. À l’époque de la COVID, il y avait des restrictions d’âge, mais ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, même si vous avez 90 ans, si vous êtes en bonne santé et que vous avez un accompagnateur, vous pouvez partir.

Comment le Commissariat du Hadj s’assure-t-il du bien-être et de la sécurité des pèlerins ivoiriens en Arabie Saoudite ?

Nous avons une commission de sécurité qui intervient à deux niveaux : ici à Abidjan, à la mosquée (la base arrière), et en Arabie Saoudite. Vous verrez des hommes et des femmes, certains en uniforme, d’autres scouts, qui sécurisent les lieux. À l’intérieur de la mosquée, ce sont nos frères policiers, gendarmes qui veillent sur les personnes et leurs biens.

En Arabie Saoudite, c’est la mission avancée. Elle a le même rôle : veiller sur les pèlerins dans les hôtels, retrouver les perdus, récupérer les objets perdus. Ils m’ont fait le point des téléphones retrouvés. Ils les ont tracés via la DITT, retrouvé les propriétaires, et restitué les objets. Même l’argent perdu, c’est eux qui le prennent et le restituent. Ils sont peu nombreux, mais ils font un travail extraordinaire.

Ils s’occupent même des ascenseurs. Pour nos mamans qui doivent monter au 15e ou 16e étage, il y a ceux qui pensent que l’ascenseur est une « machine magique ». Donc nous avons des agents qui accompagnent nos vieilles personnes. Il y a même des moments où les responsables de sécurité font les rotations avec elles.

Quelle est la nature de la collaboration entre la Côte d’Ivoire et les autorités saoudiennes, notamment à l’aéroport du hadj ?

La collaboration est très étroite et très bonne. Nous avons de très bons rapports avec l’ambassade, les diplomates ivoiriens à Riyad, le consul à Djeddah. Ce sont les autorités saoudiennes qui définissent les conditions, et nous les respectons.

Nous remercions les autorités saoudiennes, car nous sommes le seul pays d’Afrique subsaharienne à bénéficier du programme “Route de la Mecque”. Dès qu’un pèlerin ivoirien arrive, il passe les formalités comme s’il était déjà à Abidjan. Ce sont les forces ivoiriennes– police, douane – qui s’occupent de vous, mettent le cachet d’entrée, et vos bagages vous attendent directement à l’hôtel. Le système est très rapide. Avec un vol de 348 pèlerins, en 3 à 4 minutes, tout le monde peut passer. C’est grâce à la technologie : empreintes digitales, scanners, tout est automatisé.

 Peut-on espérer une baisse du coût du hadj, malgré l’inflation ?

C’est vrai que tout le monde parle de la vie chère. Le coût du hadj a été modifié pour tenir compte de cette réalité. Mais il faut que les gens comprennent que le hadj est une obligation pour ceux qui en ont les moyens.

L’inflation mondiale, la guerre en Ukraine, tout cela nous affecte. Mais il peut y avoir des changements. J’ai dit un jour à la radio Al Bayane, quand le coût a été fixé, que malgré cela, il y aurait toujours des candidats. Et effectivement, ils sont venus nombreux.

À long terme, est-ce que les inscriptions et le suivi seront entièrement automatisés ?

Oui, c’est ce que les Saoudiens souhaitent. Ils veulent que tout le processus soit numérique : inscription, paiement, visa, sans passer par une agence. Mais l’inconvénient, c’est qu’il n’y a pas d’encadrement. Si tu n’as jamais fait le hadj, tu risques d’être perdu. Pour l’instant, c’est adapté à ceux qui vivent en Europe, mais à terme, même les agences disparaîtront.

Quel est votre message final à l’endroit des futurs pèlerins et de la communauté musulmane ?

Je veux d’abord remercier Islam Info. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas fait d’interview avec vous. À l’époque du journal papier, c’est vous qui publiez les listes, et tout le monde attendait cela. Aujourd’hui, avec l’évolution, il faut s’adapter à la technologie. Nous avons décidé d’appeler les pèlerins à la mosquée pour leur indiquer leur vol. Demain, ceux des deux premiers vols seront appelés le vendredi pour un rappel, même si le vol est le samedi. Tout cela pour garantir la ponctualité.

Le premier vol charter doit être là à 10h. S’ils viennent dès 8h, c’est parfait. Car le rond-point de Koumassi est difficile d’accès. L’institut aéroportuaire nous a informés qu’il y aura beaucoup d’événements en mai, notamment la Patrouille 17. Donc, il faut venir à l’heure, être escorté, et ne pas retarder les opérations. Concernant les accompagnateurs : nous demandons qu’un seul parent accompagne chaque pèlerin. Une fois le pèlerin franchi la barrière de la mosquée, il est pris en charge par nos agents. Pas la peine de venir encombrer le carrefour, créer des parkings ou des marchés improvisés. Tout cela nuit à notre image. Ce sont nos propres frères qui bloquent les sorties, empêchent les voisins de rentrer ou de sortir en cas d’urgence. Nous demandons aux parents de nous aider à mieux gérer, pour donner une bonne image de notre communauté. Car les autres nous observent, et ce n’est pas bon.

 

                                                                                                                                                                                      DIANE MOUSSA et PARE AHOUA