La France sanctionne 18 Saoudiens, soupçonnés du meurtre de Jamal Khashoggi

Deux jours après Berlin, Paris a finalement adopté des sanctions contre dix-huit ressortissants saoudiens soupçonnés d’être impliqués dans le meurtre du journaliste saoudien, Jamal Khashoggi, au consulat de son pays, le 2 octobre, à Istanbul. « Ces mesures, décidées par le ministère de l’intérieur, visent à interdire l’accès de ces individus au territoire national ainsi qu’à l’ensemble de l’espace Schengen », a précisé jeudi 22 novembre le Quai d’Orsay soulignant qu’elles ont été prises « en concertation avec les partenaires européens, notamment l’Allemagne ». Le 15 novembre, les Etats-Unis avaient, eux aussi, annoncé des sanctions financières ciblées contre dix-sept responsables saoudiens – incluant un gel de leurs avoirs sur le sol américain.

L’identité des personnes visées n’a pas été rendue publique. Il s’agirait des quinze membres du commando envoyé à Istanbul dont les noms ont été largement diffusés par la presse turque et de trois autres responsables saoudiens dont, selon des sources concordantes, le général Ahmed Al-Assiri, considéré comme le numéro deux des services de renseignement, ancien de Saint-Cyr et par là même interlocuteur privilégié des milieux de la défense français.

Les autorités françaises étaient jusque-là restées plutôt en retrait refusant, à la différence de l’Allemagne et de plusieurs autres capitales européennes, tout embargo sur les armes pour Riyad. « C’est de la pure démagogie de dire “il faut arrêter de vendre des armes”, ça n’a rien à voir avec l’affaire Khashoggi », avait expliqué le 26 octobre Emmanuel Macron, vivement critiqué pour avoir refusé de s’exprimer sur ce sujet sensible. Mais il évoquait déjà des sanctions ciblées sur les personnes impliquées.

Pression croissante

L’assassinat de M. Khashoggi a sérieusement terni l’image de réformateur du prince héritier saoudien et homme fort du royaume Mohammed Ben Salman (« MBS »). Selon la presse américaine, la CIA n’a plus de doute sur le fait que « MBS » est l’instigateur de l’assassinat, même si Donald Trump assure que l’agence américaine « n’a rien trouvé d’absolument certain », réitérant son soutien aux dirigeants saoudiens.

L’enquête menée par Riyad se concentre sur les seuls exécutants et le procureur général a, pour l’heure, inculpé onze personnes et requis la peine de mort contre cinq d’entre elles. D’où la pression croissante pour une enquête indépendante, sous l’égide de l’ONU, demandée notamment par plusieurs ONG dont Human Rights Watch, Amnesty International et Reporters sans frontières.

Pour les autorités saoudiennes, la question de l’implication du prince héritier constitue une « ligne rouge ». Le ministre des affaires étrangères, Adel Al-Jubeir, l’a réaffirmé dans une interview à la BBC. Pour restaurer son image, « MBS » entame, vendredi, aux Emirats arabes unis une tournée à l’étranger. A Riyad, le cabinet royal a annoncé qu’elle était effectuée sur « instruction » de son père, le roi Salman, sans préciser les pays visités.

Il devrait se rendre au G20 à Buenos Aires, où, selon le porte-parole de la présidence turque, il rencontrera Recep Tayyip Erdogan qui, s’il n’a jamais ouvertement mis en cause le prince héritier, affirme que l’ordre de l’assassinat, selon les indices recueillis par les services turcs, émanait des « plus hauts niveaux » du royaume.

Marc Semo LEMONDE.FR