Le jeûne comme remède à la ruine de l’âme

Il existe pléthore d’ouvrages écrits par les plus éminents jurisconsultes sur les aspects cultuels du jeûne. Ces écrits sont incontournables mais ne doivent pas faire perdre de vue la dimension spirituelle de ce culte, au risque d’en faire une pratique sans âme sous le mode de la tradition et de l’imitation. Les lignes qui vont suivre ont pour motivation de contribuer à la mise en exergue de la signification profonde du jeûne et de ce que le fidèle peut en espérer. En filigrane, l’idée est que le jeûne bien compris et pratiqué comme il sied prépare le croyant à la maîtrise de soi qui manque cruellement à la modernité occidentale mondialisée. En effet, au nom du progrès, l’homme moderne veut tout maîtriser sauf lui-même, partir à la conquête de la nature sans comprendre sa propre nature.

Dans ce cadre, il nous semble que le jeûne du mois de Ramadan associé à la prière, au don aux nécessiteux et à la retraite spirituelle est une méthode appropriée de lutte, pour l’agrément de Dieu, contre les mauvais penchants qui entravent l’action pour le bien, le vrai, le juste et le beau. Dans un premier axe, il est question de tirer quelques enseignements des données astronomiques relativement au début du jeûne du mois de Ramadan 1439/2018. Ensuite, sont abordés le sens du jeûne, les méditations sur le jeûne des prophètes (paix sur eux) et comment tirer profit du jeûne du mois de Ramadan.

Pourquoi jeûner ? 
De la prescription du jeûne. Le jeûne du mois de Ramadan est le quatrième pilier de l’islam, inscrit dans le Coran et les hadiths, et fait l’objet de consensus (ijmâ ‘) au sein de la Oumma pour ce qui est de son caractère obligatoire. L’obligation du jeûne intégral du mois de Ramadan a été prescrite au mois de Cha ‘bân de la deuxième année de l’hégire par ces versets :
            « Ô qui croyez ! Le jeûne vous a été prescrit comme il l’a été à ceux qui vous ont précédés, ainsi serez-vous vertueux » (Coran 2 : 183)
Pour ce qui est de la Sounna, la seconde référence de l’islam avec le Coran, voici un hadith unanimement rapporté :  « L’islam est bâti sur cinq piliers : l’attestation qu’il n’y a de divinité qu’Allah et que Muhammad est le Messager d’Allah, l’accomplissement de la Salât, l’acquittement de la Zakât, le jeûne du mois de Ramadan et le pèlerinage. » 

Le jeûne comme constante cultuelle

Avant la prescription obligatoire du jeûne du mois de Ramadan, le jeûne d’Achoura (10e jour du mois de Muharram) était pratiqué par le prophète (saws) et les musulmans. De par son infinie sagesse (hikmah), Dieu a révélé les versets du jeûne du mois de Ramadan à Médine, tenant compte du contexte inapproprié pour l’accomplissement d’un tel culte à la Mecque. Le verset susmentionné indique que le jeûne a été prescrit avant l’avènement du prophète Muhammad (saws), ce qui témoigne de sa grandissime importance et de son caractère de culte irremplaçable dans la formation spirituelle des croyants de tout temps et de partout sur terre. En effet, indépendamment de l’époque et du lieu, tout croyant a besoin de dominer ses mauvais penchants pour être libre de dire et de faire ce que Dieu agrée.  

Jeûner rien que pour Dieu

Le fidèle doit pratiquer le jeûne dans l’intention de plaire à Dieu et d’obtenir son agrément, et se garder d’être motivé par l’imitation d’une « tradition », des avantages sanitaires ou autres. Le but est de jeûner pour cultiver la quiétude intérieure au sens d’une âme apaisée parce que refusant de céder aux pulsions néfastes et aliénantes de la chair qu’il ne s’agit pas de réprimer mais de domestiquer. Et cela n’est possible que lorsque par la pratique du jeûne, le fidèle démontre qu’il est à même de se protéger contre les « offres » trompeuses de son âme charnelle, de Satan et du clinquant du monde.

Jeûner pour savoir

Sachant que Dieu est Tout Compatissant et Tout Sage, le musulman pratique le jeûne, tout en tenant pour vrai qu’aucun de Ses commandements ne peut relever de la frivolité, du jeu, de l’absurde ou de l’inutile, que tout ce qu’Il commande de faire reflète Sa compassion (rahmah) et Sa sagesse (hikmah). Par la pratique du jeûne, le fidèle apprend à mieux connaitre comment se défendre contre ce que son âme charnelle, Satan et le monde lui suggèrent dans le but de le détourner de son plus profond souhait, à savoir, se rapprocher de Dieu. En jeûnant pour l’agrément de Dieu et comme Dieu le veut, ce qui implique de s’inspirer de l’exemple du prophète Muhammad (saws), le fidèle découvre progressivement les inestimables et insondables secrets de ce culte :
 

A la lumière de cette portion de verset susmentionnée, l’on comprend que ne pas jeûner au prétexte de fausses excuses ou par une pure volonté de rébellion, c’est faire montre d’une forme d’ignorance qui s’ignore. Il faut jeûner pour savoir fermer les portes de ce qui peut nous éloigner de Dieu et faire obstruction à Son agrément et à Son amour. Dans ce cadre, le croyant qui jeûne tient pour vrai que c’est seulement dans la pratique sincère et authentique du jeûne, c’est-à-dire, quand il se met en posture de résister volontairement aux appels de la consommation, de la copulation et de la convoitise, qu’il est à même d’accéder à la connaissance qui libère et rapproche de Dieu.

Jeûner pour garder le lien avec Dieu
C’est ainsi que face à cette foultitude d’«offres » visant à exciter et toujours plus exciter les appétits du ventre, du sexe et de l’œil, bref de tous les sens,  ou pour susciter sa colère par toutes sortes de provocations, le fidèle ne cède « pour rien au monde », se disant « je ne veux pas rompre mon jeûne »
C’est juste une façon de parler, car, en vérité, ce que le jeûneur ne veut pas rompre, c’est le lien avec Dieu et pour le prouver effectivement, de façon répétée pendant 29 ou 30 jours, il s’abstient de donner au monde la possibilité d’alimenter son âme charnelle aux fins de la ruiner :
           « La promesse d’Allah est pure vérité. Que la vie en ce bas monde ne vous séduise pas, et que ne vous abuse point au sujet d’Allah le trompeur
Jeûner pour ne pas céder à l’idolâtrie de la convoitise

Le fidèle refuse d’être trompé par le monde en appliquant cette méthode du jeûne qui consiste à s’abstenir des plaisirs de la chair et à nourrir son âme charnelle de la lecture méditée de la parole de Dieu, de la prière, du zikr, des invocations de demande de pardon (istighfâr) et de repentir (tawbah). Plus cette âme charnelle se nourrit de ces pratiques cultuelles, et plus, elle se met en posture de pouvoir se protéger contre toute incitation au mal quelque attirant et séduisant qu’il puisse être.

Il est écrit dans le Coran que c’est en leur suggérant, sous le statut trompeur de « bon conseiller », de manger de l’arbre interdit que Satan est parvenu à exciter l’âme charnelle d’Adam et Eve aux fins de la transgression qui sera à l’origine de leur exclusion du paradis. Le couple en question n’a pas fait le choix de « jeûner l’arbre interdit » et en mangea, la suite est connue. La pratique du jeûne a pour but d’apprendre au fidèle à recouvrer sa liberté face au monde, pour se mettre en position de regagner le paradis par le truchement de la reconstruction du lien avec Dieu.