Les conséquences de la révolution islamique iranienne

Quand la république islamique est adoptée constitutionnellement en Iran, l’Ayatollah Khomeyni met en marche deux choses essentielles. Premièrement, l’ancrage des lois islamiques dans la vie publique après des décennies de sécularisation. Le régime prend une coloration exclusivement religieuse : il est fondé sur le pouvoir des docteurs de la Loi islamique, la Wilayet-e-faqih. Les institutions de la République islamique sont subordonnées au clergé chiite. Le régime de Khomeiny se démarque également de la sphère d’influence communiste et se sépare de ses alliés de la gauche. Le 21 juin 1981, le président laïc Abolhassan Bani Sadr est destitué. Le 4 mai 1982, le parti communiste Tudeh est dissous. La gauche iranienne est définitivement réduite au silence en 1986. L’Ayatollah Khomeiny est consacré Guide suprême de la révolution et peut dérouler librement son projet islamiste. Deuxièmement, il engage la lutte pour la libération totale de l’Iran de l’emprise impérialiste américaine.

Ainsi, symboliquement, le 4 novembre 1979, des jeunes iraniens occupent l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran, brûlent le drapeau américain, et prennent en otages 63 personnes de nationalité américaine. Leur séquestration dure 444 jours et elle coûte au président Carter sa réélection fin 1980. Depuis le 7 avril 1980, les Etats-Unis ont cessé toutes relations diplomatiques avec l’Iran et lui imposent des sanctions économiques. Par ailleurs, rompant avec les traditions de ses pairs, l’ayatollah Khomeiny engage l’Iran dans un prosélytisme qui prend pour cible les États voisins où vivent des chiites. L’invasion israélienne de 1982 lui offre un terrain propice où développer son activisme. Il va ainsi contribuer à la création du Hezbollah qui va libérer le Liban de l’agression et l’occupation israéliennes. Chose significative, les monarchies du Golfe ne vont pas rester les bras croisés. Aidées par les Etats-Unis et les occidentaux et, craignant que la révolution islamique soit exportée ou importée chez eux, l’Irak alors dirigé par Saddam Hussein, sera la tête de pont de cette contre-offensive. Le 22 septembre 1980, l’Irak attaque l’Iran en occupant une partie de son territoire. La guerre Iran-Irak est ainsi lancée et va durer de 1980 à 1988.

Voulant protéger sa révolution, le peuple iranien va se mobiliser et payer un lourd tribut. Chaque famille, notamment les mères, encourageront leurs enfants à aller se battre héroïquement et même s’il le faut, mourir en martyr. La guerre fera entre 500.000 et 1.2 millions de morts. Finalement, la guerre terminée, Saddam Hussein va se retourner contre le Koweït, jugeant que ce pays ne s’est pas acquitté de sa part d’effort de guerre. Il occupe alors le Koweït et menace l’Arabie Saoudite. Les protecteurs américains ripostent. C’est la 1ère guerre du Golfe. La 2ème va emporter le régime de Saddam Hussein et entrainer sa mort par pendaison. Alors que l’Ayatollah Khomeiny sera enterré le 3 juin 1989 dignement et reste jusqu’à ce jour une icône pour son peuple et le monde musulman. De fait, cette guerre permettra à l’Iran de développer une industrie militaire impressionnante, qui lui évite jusqu’à présent toute autre agression militaire. Toutefois, la pression américaine continue jusqu’à ce jour, autour de la question du nucléaire qui lui vaut des sanctions de l’administration Trump. Par ailleurs, la révolution islamique iranienne crée le choc du réveil psychologique, politique et idéologique dans le monde musulman.

Partout, les populations musulmanes se rendent compte qu’on peut bâtir une société musulmane à partir d’un projet de société tiré du noble Qour’ane et de la sounna du prophète Mouhammad (paix et bénédiction sur lui). Devant les espoirs que suscitent la révolution iranienne, les pouvoirs dans les pays musulmans sont donc obligés de se mettre au goût du jour. Par exemple, au Maroc, le roi Hassan II sentant le vent tourner a agi par anticipation. Il fait voter une nouvelle constitution qui l’érige en Commandeur des croyant et convoque la tradition quiétiste de l’islam au Maroc, qui sera alors enseigné à l’école. Ainsi, de nombreuses générations de marocains seront formatées par cette idéologie de l’islam. Le voisin algérien qui ne l’a pas fait verra les islamistes gagner les élections avant d’être interdits d’accès au pouvoir. Ce qui va entrainer la guerre civile qu’a connue l’Algérie dans les années 1990. Dans nos pays africains, cette prise de conscience va encourager les musulmans à créer des associations et communautés pour penser leur vie et leur rapport à la société où ils vivent. Ce qui, en Afrique de l’Ouest, singulièrement en Côte d’Ivoire, a permis des acquis significatifs qui permettent aux musulmans d’être présents dans une modernité inspirée par l’Occident, mais de vivre pleinement leur foi. En somme, la révolution iranienne, nonobstant les clichés négatifs que veulent en véhiculer les médias occidentaux, aura changé les rapports de l’islam avec l’Occident et les rapports de force dans le Moyen-Orient et le monde musulman.