L’interdiction du mensonge

Samoura Ibn Joundab (das) rapporte: «Parmi les questions que posait le plus souvent le Messager de Dieu à ses Compagnons est celle-ci: «Est-ce que l’un de vous a vu quelque chose en rêve?»

Celui qui avait eu un rêve le lui racontait. Un matin il nous dit: «J’ai vu cette nuit en rêve deux visiteurs (les Anges Gabriel et Mikael) venus me dire: «Viens avec nous!» Je partis avec eux et nous trouvâmes en chemin un homme étendu sur le côté. Près de lui se tenait debout un homme portant une grosse pierre. Il en frappait la tête du premier jusqu’à la lui fendre, la pierre roulait alors et il allait la ramasser de nouveau. Il ne frappait l’autre que lorsque la blessure de sa tête était guérie. A ce moment il le frappait encore une fois et lui fendait la tête comme à la précédente ». Il dit: «Je dis aux deux visiteurs: «Gloire et pureté à Dieu (en signe de réprobation et d’étonnement) ! Qu’est-ce donc que cela?»

Ils dirent: «Avance! Avance!» Nous reprîmes notre marche et passâmes devant un homme étendu sur le dos. Près de lui se tenait debout un homme avec une scie en acier à la main. Il lui posait la scie sur l’une des moitiés de son visage et coupait sa bouche en deux moitiés jusqu’à la nuque. Il en faisait de même de la narine et de l’œil de cette partie du visage. Puis il faisait le même chose avec l’autre moitié. Il ne revenait à chacune des deux moitiés qu’une fois complètement guérie pour la scier de nouveau». Il dit: «Je dis: «Gloire et pureté à Dieu! Que sont ces deux-là?» Ils me dirent: «Avance! Avance!»

nous reprîmes notre marche et passâmes devant quelque chose comme un four à pain. (Il me semble qu’il a dit: «Voilà que montaient de ce four une rumeur confuse et des voix».) Nous nous penchâmes pour voir dans son intérieur et voilà qu’il y avait des hommes et des femmes nus. Des flammes venaient les lécher par en bas. Quand les flammes les touchaient, ils se mettaient à crier». Je dis: «Que sont ceux-là?» Ils me dirent: «Avance! Avance!»

Nous reprîmes donc notre marche et nous arrivâmes à une rivière. (Il me semble qu’il a dit: «Rouge comme le sang».) Dans la rivière apparut un homme qui nageait. Sur le bord de la rivière nous en vîmes un autre qui avait assemblé un tas de pierres. Le nageur venait à chaque fois vers lui et lui présentait sa bouche ouverte. L’autre y introduisait une pierre. Puis le nageur s’en allait et revenait ensuite vers l’autre, lui ouvrait sa bouche et l’autre y introduisait une pierre. Je leur dis: «Que sont ces deux-là?». Ils me dirent: «Avance! Avance!».

Nous reprîmes notre marche et passâmes devant un homme à l’aspect hideux (ou le plus hideux qu’on ait jamais vu). Or voilà qu’il avait devant lui un feu qu’il attisait tout en tournant autour de lui. Je leur dis: «Qu’est cet homme?» Ils me dirent: «Avance! Avance!»

Nous reprîmes notre marche et arrivâmes à un jardin plein de verdure exubérante et contenant toutes sortes de fleurs du printemps. Au milieu du jardin se tenait un homme tellement long qu’on voyait à peine sa tête dans le ciel. Autour de lui il y avait un nombre jamais vu d’enfants. Je dis: «Qu’est cet homme et que sont ces enfants?» Ils dirent: «Avance! Avance!»

Nous reprîmes notre marche et voilà que nous trouvâmes un très grand arbre auquel je n’ai jamais vu de plus grand ni de plus beau. Ils me dirent: «Grimpe sur cet arbre». Nous montâmes ainsi jusqu’à une cité. Nous y frappâmes et l’on nous ouvrit. Nous entrâmes donc et fûmes accueillis par des hommes dont la moitié du corps était d’une beauté inouïe et dont l’autre était d’une laideur exceptionnelle. Ils dirent à ces hommes: «Allez vous jeter dans cette rivière!» Nous vîmes en effet une rivière en face de nous dont les flots coulaient tout blancs comme un lait très pur. Ils allèrent s’y jeter et revinrent à nous. Leur moitié laide avait alors complètement disparu et ils apparurent dans leur plus belle image. Les deux Anges me dirent: «Ceci est le Paradis-Eden et là-haut se trouve ta demeure». Je levai les yeux et vis un palais comme un nuage blanc. Ils me dirent: «C’est là-bas ta demeure». Je leur dis: «Que Dieu vous bénisse! Laissez-moi y entrer». Ils dirent: «Maintenant, non. Mais tu dois sûrement y entrer un jour». Je leur dis: «J’ai vu durant cette nuit des choses bouleversantes. Que sont-elles donc?» Ils me dirent: «Maintenant nous allons t’en informer. Le premier homme devant qui tu es passé et dont on fendait le crâne avec une pierre, c’est celui qui apprenait le Coran et refusait de le mettre en pratique. Il dormait aussi avant d’avoir fait sa prière obligatoire (celle du ‘Ishà). Quant à l’homme devant qui tu es passé et dont on sciait la bouche jusqu’à la nuque ainsi que sa narine et son œil, c’est un homme qui sortait le matin de chez lui pour dire un mensonge qui se propageait jusqu’aux provinces lointaines.

Pour ce qui est des hommes et des femmes nus qui se tenaient dans une fosse semblable à un four à pain, ce sont les fonicateurs et les fonicatrices. L’homme devant qui tu es passé, qui nageait dans la rivière et à qui on mettait une pierre dans la bouche, c’est le mangeur d’intérêts (l’usurier). L’homme à l’aspect hideux qui se tenait près du feu qu’il attisait et autour duquel il tournait, c’est Màlek, l’Ange Gardien de l’Enfer.

L’homme très grand qui était dans le jardin, c’est Abrahâm. Quant aux enfants qui étaient autour de lui, ce sont tout enfant mort dans la saine nature (c’est-à-dire avant que ses parents n’en fassent un non-Musulman).Dans la version d’Aï Barqâni: «Tout enfant né dans la saine nature (l’Islam)». Certains Musulmans dirent: «S’agit-il aussi des enfants des idolâtres? O Messager de Dieu!». Le Messager de Dieu leur dit: «Et les enfants des idolâtres». Quant aux gens dont la moitié du corps était belle et l’autre moitié laide, ce sont des gens ayant mêlé une bonne œuvre à une autre mauvaise. Dieu leur a pardonné». (Rapporté par Al Boukhâri)

Dans une autre version d’Al Boukhâri: «J’ai vu cette nuit deux hommes venus à moi. Ils me sortirent pour m’emmener à une terre sainte». Puis il raconta son rêve et dit: «Nous marchâmes jusqu’à une fosse pareille à un four à pain. Elle se rétrécissait en haut et s’élargissait à sa base. Dans son fond flambait un feu, Quand les flammes montaient, ils montaient jusqu’à faillir en sortir; et quand les flammes baissaient, ils retournaient à son fond. Il y avait dans cette fosse des hommes et des femmes nus. Il dit entre autres: «Jusqu’à ce que nous arrivâmes une rivière de sang (dans cette version le narrateur n’a pas douté). Il y avait un homme debout au milieu de la rivière et un autre sur son bord ayant devant lui un tas de pierres. L’homme se trouvant dans la rivière vint à lui. Chaque fois qu’il voulait sortir sur la berge, l’autre lui jetait une pierre qui s’installait dans sa bouche et le faisait ainsi retourner à son point de départ». Il dit encore: «Les deux Anges me firent grimper sur l’arbre. Ils me firent entrer dans une demeure à laquelle je n’avais jamais vu rien de plus beau. Il y avait dans cette maison des hommes vieux et des jeunes». Il dit: «Celui dont tu as vu scier la bouche, c’est un très grand menteur qui racontait un mensonge que d’autres propageaient à leur tour jusqu’à ce qu’il parvienne aux provinces lointaines. Il est tourmenté de cette façon jusqu’au jour de la résurrection ». Il dit aussi: «Celui dont tu as vu fendre la tête, c’est un homme à qui Dieu avait enseigné le Coran mais qui ne le lisait pas la nuit et ne le mettait pas en pratique le jour. Il est ainsi torturé jusqu’au jour de la résurrection. La première demeure où tu es entré est celle du commun des Croyants et l’autre est celle des martyrs. Moi je suis Gabriel et celui-ci est Michael, Lève la tête» Je levai la tête et vis au-dessus de moi comme un nuage blanc. Ils me dirent: «C’est là-bas ta demeure». Je leur dis: «Laissez-moi entrer chez moi!». Ils dirent: «II te reste encore du temps à vivre et, une fois que tu l’auras accompli, tu viendras à ta maison». (Rapporté par Al Boukhâri)

Extrait de Jardin des vertueux