Quand les Etats-unis et l’Iran se livrent une guerre d’influence pour contrôler le marché mondial du pétrole.

Faut-il prendre au sérieux ce tweet de Donald Trump où il prétend avoir décidé d’annuler des frappes contre l’Iran dix minutes avant l’horaire prévu pour leur lancement, au prétexte d’éviter la mort de 150 innocents !?
Après le drone américain abattu par la défense anti-aérienne iranienne, Mike Pompeo et John Bolton avait effectivement pesé de tout leur poids afin d’apporter une réponse militaire, prétextant que le drone se trouvait dans les eaux internationales, chose que conteste vivement Téhéran.
On peut accorder à Trump le bénéfice du doute et estimer qu’il a fait preuve d’une noblesse d’âme qu’on ne lui soupçonnait pas , mais venant de la part du président de la puissance qui a utilisé deux bombes atomiques au Japon, des armes chimiques et des bombes à fragmentation en Irak, qui déverse son stock de missiles périmés sur la Syrie , sans parler des nouveaux armements que le Pentagone livre à Israël pour que Tsahal le teste contre les civils palestiniens.., on est en droit de se poser des questions..
Car si les Américains voulaient entrer, ils n’auraient pas hésité à engager une invasion terrestre en Syrie où ils ont essuyé un cinglant revers avec la chute de Daech..

Le conflit qui oppose les États-Unis à l’Iran ne date pas d’aujourd’hui néanmoins.

Effectivement, après la chute du Shah d’Iran Reza Pahlavi qui était proche de Washington et garantissait les intérêts américains en Perse, la révolution des Ayatollahs et , surtout , la très humiliante prise d’otages de l’ambassade américaine à Téhéran vont sonner le glas d’hostilités qui n’ont plus cessé depuis..
Washington inscrivant régulièrement l’Iran dans son ” axe du mal” et l’accusant de financer le terrorisme islamiste, et Téhéran soutenant que l’Amérique soutient le terrorisme d’État d’Israël et que la CIA fomente des coups d’État au gré de ses intérêts..
De plus, dans la rhétorique propagandiste du régime iranien , l’Amérique est clairement et tout simplement qualifié de ” Grand Satan!”: c’est tout dire ou presque !

Les deux pays n’ont plus cessé ainsi de se faire la guerre par pays interposés..

Tout d’abord en Irak où l’Iran, après la chute de Saddam Hussein et l’invasion de l’armée américaine , a cherché à accentuer son influence sur les Chiites .
Puis en Syrie, où les gardiens de la révolution, les Pasdaran, ont combattu aux côtés des milices du Hezbollah et de l’armée de Bachar El Assad avec l’appui de l’armée Russe , contre les Jihadistes de Daech , face aux bombardements de l’aviation des États-Unis et d’Israël..
Et même contre les forces armées Kurdes , des fois que les Kurdes de Syrie, d’irak et de Turquie décidaient de créer un état indépendant, ce qui pourrait donner des idées aux Kurdes d’Iran..
Au Yémen également, les Houtis sont soutenus par l’Iran face à la coalition arabe soutenue bien entendu par Washington et par l’armée israélienne !
Tout cela bien entendu n’a rien à voir avec Donald Trump ou pas car les fondamentaux stratégiques de la politique étrangère américaine ne changent pas et c’est au président en exercice d’en faire un enjeu de politique interne pour réussir à se faire réélire.
Les trois précédents présidents américains Georges Bush , Bill Clinton et Barack Obama avaient bien réussi à le faire, et beaucoup d’observateurs outre-Atlantique craignent ouvertement que la conjoncture politique internationale actuelle ne permette à Donald Trump de rempiler pour un second mandat à la Maison Blanche.

Les Américains sont très doués pour mettre des barils de poudre là où il y a des millions de barils de brut !

Quant aux tensions dans le détroit d’Ormuz, il n’est de secret pour personne que l’enjeu principal est le contrôle sur le marché mondial du pétrole et sur les voies maritimes du Golfe Persique et la mer d’Oman..
C ‘est ce qui explique les pressions américaines pour faire chuter le régime de Nicolas Maduro au Venezuela, l’embargo sur l’Iran et les sanctions économiques unilatérales de Washington sur toutes les entreprises et les pays qui font des affaires avec Téhéran. Mais il n’y a pas que le pétrole, mais également le gaz et accessoirement la question de la dépendance énergétique.
A ce sujet, Washington voit d’ un mauvais œil que 35 pour cent du gaz exploité par l’Allemagne est importé de Russie et à ce sujet, depuis dix années les Etats-Unis font pression de tout leur poids diplomatique afin d’empêcher la construction du gazoduc russe qui devrait alimenter les pays de l’UE en gaz russe.
Des contreparties financières se chiffrant à des centaines de millions de dollars sont offertes aux pays concernés par le passage du gazoduc, et en même temps Washington menace de couper les vivres et de mettre fin aux aides économiques et militaires.
Dans les faits, après la seconde guerre mondiale, les Américains ont reconstruit les économies des pays européens grâce au Plan Marshall qui a coûté des dizaines de milliards de dollars. En contrepartie, les Américains ont exigé en retour que les pays européens achètent tous les produits made in USA.
Aujourd’hui encore, les Américains tiennent à ce que les Européens leur restent complètement dépendants sur les plans militaire, économique, et énergétique en ce qui concerne le pétrole et le gaz.
Pour cela, près de 89 Ong et fondations américaines font du lobbying très hard , à coups de centaines de millions de dollars, y compris au sein des institutions européennes.
La question qui se pose avec insistance, pour terminer, est de savoir combien de temps encore l’empire américain pourra gaspiller de l’argent pour assurer son leadership tout en faisant la guerre à l’ hégémonie des concurrents que sont la Russie, la Chine, et les puissances pétrolières dont l’Iran principalement.?
En attendant, faire cohabiter des millions de barils de brut à côté de tonneaux de poudre peut très vite devenir un poker perdant et pour le moins vertigineux pour la paix dans le monde.

Hafid Fassi Fihri