QUE PENSE LE PEUPLE DES MEDECINS ? UN TEMOIGNAGE EMOUVANT (Deuxième partie)

 

Un médecin, quand on va le voir, on est dans ses petits souliers. On marche sur des œufs. On ne sait pas trop où se mettre, quoi lui dire. D’autant que, si on ne sait pas d’avance à qui on a affaire, on ne sait pas sur qui on va tomber.

Il y en a qui vous disent à peine bonjour

Il y a en a qui vous aboient dessus

Il y en a qui reniflent quand vous leur expliquez pourquoi vous venez

Il y en a qui prennent des notes pendant que vous parlez, et vous vous dites : A voir ses ordonnances, m’étonnerait qu’il arrive à se relire

Il y en a qui vous regardent fixement comme si vous aviez dit une bêtise : Vous pouvez répéter ?

Il y en a qui vous reprennent : C’est sûrement çà !

Il y en a qui sourient l’air de dire : Mon pauvre, monsieur, ma pauvre dame, à vous donner envie de rentrer sous terre

Il y en a qui ne sourient jamais

Il y en a qui ne vous font mal rien qu’en vous prenant la tension

Il y en a qui vous interrompent : Déshabillez-vous, et qui passent un coup de téléphone pendant que vous défaites, et vous restez là à moitié habillé debout au milieu de la pièce, comme un imbécile, en attendant qu’il ait fini de parler, et quand il repose le téléphone il vous dit agacé : Fallait vous allonger !

Il y en a qui ne veulent pas vous adresser la parole quand vous les aborder dans la rue pour leur demander s’ils consultent ce jour-là.

Il y en a qui ne se souviennent même pas de votre nom alors que vous les voyez tous les quinze jours depuis dix ans

Il y en a qui ne veulent pas répondre à vos questions – il y en a, d’ailleurs, avec qui ce n’est même pas la peine d’en poser

Il y en a qui disent toujours : Vous n’avez rien !

Il y en a qui rigolent : Vous avez le chic pour venir pour des bricoles, vous !

Il y en a haussé les épaules : C’est pour ça que vous me déranger ?

Il y en qui disent : Ne m’embêtez pas avec ça, je n’ai pas le temps !

Il y en a qui vous engueulent : Pourquoi n’êtes-vous pas venu plus tôt ?

Vous aviez vraiment envie de crever ? Eh bien, maintenant, c’est trop tard !

Il y en a qui disent : ce n’est pas de mon ressort…, moi, je ne peux plus rien pour vous

Il y en a qui veulent toujours chercher la petite bête – et qui la trouvent

Il y en a qui ne veulent pas dire qu’ils ne savent pas

Il y en a qui veulent toujours que vous alliez passer des examens par prudence

Il y en a qui vous mettent dehors sans que vous compreniez pourquoi

Il y en a qui vous envoient à un spécialiste et qui rédigent une lettre en silence et disent qu’ils la lui enverront par la poste, comme si on n’était pas capable de la porter nous même

Il y en a qui vous demandent plus d’argent que les autres et vous ne voyez pas pourquoi – vous vous dites : ils sont tellement pris qu’il faut bien payer pour avoir le droit de les voir, et vu le peu de temps qu’ils passent à vous regarder, c’est du vol- mais comment refuser ?

Il y en a qui vous disent : Je vous déclencherai lundi, à mon retour de week-end, et puis le bébé ne l’entend pas de cette oreille et c’est l’assistant qui vous accouche le samedi, et le lundi quand ils passent vous voir ils font la moue : Vous auriez quand même pu attendre, et pour la peine ils vous font payer quand même

Il y en a qui vous disent : C’est comme ça et ce n’est pas autrement, qui c’est le médecin, ici ?

Il y en a qui annoncent : si vous continuez comme ça vous n’allez pas faire long feu

Il y en a qui vous annoncent la date de votre mort comme ça, sans sourciller

Il y en a qui remballent leurs affaires dans leur sac et qui sortent en vous plantant là, sans un mot.

Ouais, les médecins ne sont pas des gens faciles. Les médecins, ça connaît des trucs qu’on n’imagine même pas. Les médecins, ça sait sur nous des choses qu’on aimerait mieux ne pas savoir. Les médecins ça fait peur.…

Les médecins, parfois, on aimerait savoir ce qu’ils ont dans la tête. Mais on ne se le demande jamais. Ça fait trop peur d’y penser.

Certains médecins, on se demande d’où ils sortent. On se demande s’ils se souviennent qu’ils n’ont pas toujours été médecins. On se demande s’ils ont été jeunes, un jour. On se demande si ça leur est arrivé de souffrir et d’avoir à aller chez le médecin.

Parce que, s’ils sont vraiment si éduqués que ça, pourquoi a-t-on parfois le sentiment qu’ils ne savent dire ni bonjour ni au revoir ni pourriez-vous me prêter une cuillère ni s’il ne vous plaît ni merci, ni un geste en sortant ni un sourire en passant quand on les croise dans l’escalier ?

 

A suivre…