La pudeur se définit par la décence du langage et par le savoir-faire du comportement ; elle se désigne, dans l’un et l’autre cas, par la pureté des sentiments. L’Islam en fait une vertu qui, au même titre que les autres prescriptions morales, mesure le degré réel de la foi du croyant .
« La pureté est une des branches de la foi », dit le Prophète (p.p) qui ajoute : « A chaque religion sa morale, celle de l’Islam se fonde sur la pudeur (al-hayâ). »
La pudeur consiste à se retenir de dire quelque chose, réellement ou apparemment, détestable. Le pudique ressent la honte en lui même chaque fois qu’une parole repoussante lui est attribuée. L’effronterie, l’insolence, l’irrévérence … qui souillent les discussions, provoquent en son intérieur des blessures morales, si légères soient-elles, altèrent l’expression de sa physionomie. Quant aux obscènes, même sous forme de chansons en vogue, il se gardera de les prononcer ou de les entendre, d’autant plus qu’ils sont le fait de gens aux mœurs rudes et qu’ils relèvent de fautes condamnées par la morale islamique.
« La pudeur, dit le Prophète (p.p), s’insère dans la foi, et la foi conduit au Paradis. Quant aux propos indécents, ils s’inscrivent dans la rudesse des caractères, et celle-ci mène en Enfer. »
La pudeur consiste également à s’abstenir de placer son prochain dans la gêne par un comportement discourtois : la familiarité, où se mêlent l’outrance des mots et les dérangements désagréables, incommode les gens dont la bonne conduite leur interdit de rabrouer les opportuns parce qu’ils n’aiment pas précisément la laideur du langage et se défendent de porter atteinte à l’amour propre de l’homme.
Le Coran donne l’exemple de ces musulmans qui indisposaient le Prophète (p.p) dans ses appartements, tandis que celui-ci, l’impertinence n’étant pas de ses habitudes, n’osait pas les congédier.
« Ô vous qui croyez ! N’entrez pas dans les demeures du Prophète à moins qu’une invitation à un repas ne vous soit faite ; et encore faut-il que le repas soit prêt. Lorsqu’on vous appelle, entrez donc et retirez-vous après avoir mangé, sans chercher à engager des conversations familières ; cela peinerait le Prophète, car il a honte devant vous, tandis que Dieu n’a pas honte de la vérité. » (S.33, 53)
Ce verset nous indique une des manières de bien faire, afin que les relations humaines soient empreintes de cordialité réciproque. Cependant, la pudeur ne doit pas être confondue avec la lâcheté. S’abstenir de dire ou de faire quelque chose ne veut pas dire se dérober à son devoir : la vertu se transforme en une faiblesse de caractère et en une insuffisance de détermination, si pour satisfaire son penchant à la flagornerie, l’homme tait son verbe pur et paralyse son geste noble.
La pudeur atteint la perfection lorsqu’elle couvre ces trois aspects : avoir honte vis-à-vis de Dieu ; avoirs honte vis-à-vis des gens ; avoir honte vis-à-vis de soi-même.
Celui que la témérité dispense de craindre Dieu ne se formalise pas lorsque quand il s’agit de troubler la quiétude réclamée par d’autres. Il ne prend pas vraiment conscience que l’irrespect affiché n’est que la projection extérieure des imperfections établies à l’intérieur de lui-même. Inversement, celui qui piétine sa dignité envisage le bien dans le mal et le mal dans le bien. Faisant fi des convenances, il n’attache point d’importance à la Loi divine d’où ce hadith : « Celui qui manque de pudeur devant les gens ne trouve alors aucune honte à désobéir à Dieu. »
Alors, que ceux qui, au mépris des conventions sociales, ne voient pas de relation entre la honte vis-à-vis de Dieu et la pudeur exigée en société se persuadent que le langage dépouillé du rire déplaisant, et que l’acte, vidé de sa démarche intempestive, ne sont que des attitudes affectées. Aussi prennent-ils des libertés qu’aucun frein n’arrête, sans rougir de leurs manières irréfléchies de se conduire, sans s’embarrasser des ennuis causés aux autres.
Le Prophète (p.p) met en garde contre cette catégorie d’hommes qui retirent la pudeur de leur moralité, et leur rappelle que lorsque Dieu veut faire tomber une personne dans la perdition, Il arrache en elle la honte ; la probité s’évacue aussitôt et cède son domaine au détestable. C’est alors que la Miséricorde du Très-Haut ne l’atteint plus.
L’énoncé de quelques hadiths, nous éclaire sur la « pudeur » de Dieu, qu’il ne faut pas assimiler à celle de l’être humain.
« Dieu, étant très Pudique, se voile le « visage ». Il appartient donc à celui d’entre vous qui se baigne, de se couvrir les parties indécentes. » ; « Dieu est à la fois « Pudique » et généreux ; Il a honte lorsqu’un homme tend les mains pour recevoir et les retire ensuite tout à fait vides. » « Dieu a honte de la brutalité subie par la personne aux cheveux blanc. »
Si les divers signes de la honte sont visibles chez l’homme, il n’en est pas de même du Tout-Puissant, exempt de toute description en ce domaine. Par « pudeur divine », nous comprenons plutôt que le Miséricordieux aime le beau et rejette la laideur, ordonne, à cet effet, le bien et interdit le mal. Ibn al-Qayyam précise que « la pudeur du Seigneur vis-à-vis de Son serviteur prend des formes que la pensée ne saisit pas et que la raison ne peut pas qualifier : c’est une pudeur marquée par la générosité, la bienveillance et la majesté. » Quant à l’homme, sa pudeur relie sa conscience aux sentiments du cœur ; elle indique la souillure de l’âme lorsque ses manifestations ne s’établissent pas en règles de bonne conduite.
La pudeur, selon le soufisme, connaît trois degrés. Prendre clairement conscience que Dieu voit ce que fait Sa créature.
« Il (Dieu) connaît parfaitement le contenu de vos cœurs. » (S.57, 6) ; le croyant s’applique, avec persévérance, à obéir à Ses préceptes. Le sentiment que Dieu est avec Son serviteur et que ce dernier est très proche de Lui.
« Où que vous soyez , Il (Dieu) est avec vous » (S.57, 41) ; l’homme pieux s’assure alors que le Miséricordieux répondra à ses vœux et acceptera son repentir :
« Dieu est en vérité Celui qui revient sans cesse vers le pécheur repentant ; Il est Miséricordieux. » (S.2, 3V7).
Le détachement du cœur des choses d’ici-bas, au point de consacrer son temps au Seigneur des mondes et de ne voir que Lui autour de soi, représente l’échelon le plus élevé du mysticisme en matière de pudeur.
D’une manière générale, les Soufis considèrent qu’il ne faut s’attendre à aucun bon sentiment de l’homme dont le cœur se débarrasse de la pudeur. Que la créature humaine sache donc que le langage poli, dénué d’insanités, et le comportement sage et sensé sont agréés par l’Omniprésent, Lequel entend ce que Ses créatures disent et voit ce qu’elles font, car Il est plus proche d’elles qu’elles ne le supposent.
« Nous sommes plus près de l’homme que la veine de son cou. » (S.50, 16).
Passer outre cette vertu entraîne d’autres turpitudes et peut conduire jusqu’à l’incrédulité.
« Dieu ne pardonne pas à ceux qui sont incrédules, à ceux qui écartent les hommes du chemin de Dieu et qui ensuite meurent dans leur incrédulité. »