La pandémie de Covid-19 et son impact imprévu sur l’économie mondiale auront marqué l’année 2020. Nombre de projets internationaux d’investissement et de collaboration ont dû être suspendus, faute de transports, de logistique et de main-d’œuvre. L’Afrique, dont l’économie est largement soutenue par les investissements étrangers (IDE), en subit particulièrement les conséquences.
En réponse aux critiques internationales reprochant à la Chine de ne pas participer pleinement à l’initiative de suspension du service de la dette du G20 et de ne pas aider les pays africains à réduire le fardeau de leur dette, Zhao Lijian, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a expliqué, le 12 octobre, que son pays n’avait « jamais été absent lorsqu’il s’agi[ssai]t de soutenir l’Afrique ». Le continent reste au cœur des préoccupations du gouvernement chinois, toujours « prêt à renforcer la communication et la coordination avec les pays africains et à résoudre le problème de la dette par le biais de consultations amicales ». Zhao Lijian a d’ailleurs souligné que « les dettes détenues par les institutions financières multilatérales et les créanciers commerciaux représent[aient] plus des trois quarts de la dette extérieure totale des pays africains » et estimé que « ces institutions et créanciers devraient assumer une plus grande responsabilité dans l’allégement de la dette ».
Un constat semblable a été également dressé dans le domaine de l’investissement direct chinois en Afrique. En 2018, David Dollar, senior fellow au John L. Thornton China Center de la Brookings Institution, écrivait dans The World Bank Economic Review (« Why Is China Investing in Africa? Evidence from the Firm Level ») : « À la fin de 2012 la part de la Chine dans le stock d’IDE en Afrique était de l’ordre de 3 %. Bien que l’investissement chinois augmente rapidement, le pays reste un petit acteur, et la grande majorité des IDE en Afrique provient de sources occidentales. »
Alicia Garcia Herrero, senior fellow au think-tank européen Bruegel, évoquait pour sa part, en juillet 2019, dans son article « China’s Investments In Africa : What the Data Really Say, and the Implications for Europe » : « L’une des premières idées fausses est que la Chine investit massivement en Afrique. […] Même en ce qui concerne uniquement l’investissement, il est tout à fait clair que l’investissement de la Chine en Afrique en est encore à ses débuts par rapport à celui des principaux pays européens qui ont un passé colonial en Afrique, en particulier la France et le Royaume-Uni. En fait, les stocks d’IDE provenant respectivement du Royaume-Uni et de la France vers l’Afrique sont toujours plus importants que le stock provenant de Chine. »
De plus, « contrairement aux idées reçues, il existe peu de projets [chinois] dans le secteur des ressources naturelles. La plupart d’entre eux concernent les services et, plus particulièrement, la fabrication », a remarqué David Dollar. Alicia Garcia Herrero a également constaté qu’« environ 72 % des projets [chinois] concernaient les secteurs des services, 15 % le secteur manufacturier, la partie restante étant répartie entre l’agriculture et les ressources naturelles ».
Crystal Stream, un fonds chinois de private equity qui s’intéresse au continent africain, conclut de manière positive l’enquête qu’il a menée sur l’opportunité d’investir en Afrique : « L’offre locale de capitaux y étant lacunaire, il est intéressant d’investir dans un contexte de faible concurrence sur un marché de type “océan bleu”, avec des coûts relativement faibles au démarrage, ce qui améliore considérablement l’efficacité du capital. »
« La plupart des projets d’e-commerce en Afrique ne sont pas rentables »
Un article publié le 30 mai 2019 sur 36kr.com, l’un des sites d’information sur les technologies et les investissements chinois, rend compte d’anciennes expériences d’investisseurs privés chinois en Afrique.
Depuis 2016, Lin Bei* participe à des projets chinois d’investissement en Afrique. Il relève que « la plupart des nouveaux projets de vente sur internet en Afrique échouent parce que la population locale est très pauvre : le niveau de consommation de certains pays africains correspond à celui d’une petite ville de quatrième ou de cinquième catégorie en Chine ». « Pour ces populations, acheter en ligne revient très cher », constate Lin Bei. Dans les secteurs du commerce électronique et du paiement mobile, la plupart des entreprises sont déficitaires ou rencontrent des difficultés financières.
Gao Wei*, qui a également lancé son entreprise en Afrique, fait le même constat. Selon lui, « la téléphonie mobile fonctionne généralement mal, les réseaux des télécommunications ne sont pas fiables, les coûts de logistique et de distribution sont élevés, et les habitants ont plutôt besoin de produits basiques. Bref, les conditions du commerce électronique ne sont pas encore réunies ».
Selon ces deux témoignages, l’entrepreneuriat en Afrique dans le domaine de l’e-commerce n’est pas rentable. Certains analystes chinois estiment que la poursuite d’un modèle économique d’e-commerce « rapide et léger » ne convient pas à l’Afrique. Selon eux, une structure isolée serait incapable de rivaliser avec un géant qui s’intéresserait au même secteur qu’elle en apportant beaucoup de capitaux. Isaac Kwaku Fokuo, directeur du cabinet de conseil en investissement Botho Emerging Markets Group, basé à Nairobi, écrit dans un article publié dans The Business of Fashion : « À l’heure actuelle, l’Afrique manque d’un écosystème de commerce électronique transcontinental. Des acteurs tels que Luminance, Superbalist et Essenza ont appris à créer des entreprises de commerce électronique, mais ils ne peuvent se développer que dans leurs pays respectifs. »