Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, est attendu cette semaine au Parlement européen et à l’Elysée. A Bruxelles, il sera interrogé par les représentants des groupes politiques au Parlement et le président de l’instance, mardi 22 mai, avant de se rendre à Paris pour notamment rencontrer Emmanuel Macron mercredi.
Alors que le rôle des grandes plates-formes numériques dans la société et l’économie est de plus en plus décrié, cette visite en Europe s’annonce mouvementée pour le patron du plus grand réseau social au monde. Depuis plusieurs années, l’Europe mène la charge pour réguler les géants du numérique, tant sur les données personnelles que sur les contenus illégaux, la concurrence et la fiscalité.
Des explications sur le scandale Cambridge Analytica
Mark Zuckerberg va d’abord devoir s’expliquer sur l’affaire Cambridge Analytica, du nom de cette entreprise britannique spécialisée dans l’influence politique dont un sous-traitant a aspiré, sous le nez de Facebook, les données de 87 millions d’utilisateurs dont 2,7 millions d’Européens. Mark Zuckerberg a accepté cette invitation, lancée en plein cœur du scandale par le président du Parlement, Antonio Tajani, quelques jours après avoir décliné une invitation similaire et très pressante des parlementaires britanniques.
Hasard ou non, la venue de Mark Zuckerberg devant les eurodéputés intervient trois jours avant l’entrée en vigueur du très ambitieux règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD).
Ce dernier imposera à partir de vendredi 25 mai des obligations plus strictes aux entreprises – y compris, bien sûr, Facebook – sur la manière dont elles traitent les données personnelles de leurs utilisateurs. Les amendes en cas de violation de ces règles – jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires mondial – donnent à ce texte une vraie force de frappe face aux géants du numérique dans un domaine où ils fuient d’ordinaire toute régulation. Facebook a beau se réjouir aujourd’hui de l’entrée en vigueur de ce texte, l’entreprise a mené, comme tous les autres géants du numérique, une bataille de lobbying colossal pour tenter d’en contrarier l’adoption. Mark Zuckerberg devra d’ailleurs compter parmi les députés qui l’interrogeront l’un des principaux artisans du RGPD et l’une des voix les plus critiques vis-à-vis des nouvelles technologies, l’eurodéputé vert allemand Jan Philipp Albrecht.
Cet entretien, mené par une poignée d’eurodéputés, n’aura cependant pas les airs de grand oral décisif dont étaient parées les deux auditions du patron de Facebook face aux parlementaires américains. La réunion, contrairement aux plans initiaux de Facebook, sera tout de même diffusée en direct sur Internet. Après avoir prévu à un simple échange à huis clos, le patron de Facebook a finalement consenti, sous la pression de plusieurs groupes politiques au Parlement européen, à plus de transparence. Une pétition en ce sens lancée par un eurodéputé avait récolté 30 000 signatures et Guy Verhofstadt, le chef des libéraux au Parlement, avait même menacé d’un boycottage.
Modération, fiscalité, concurrence…
Mark Zuckerberg sera attendu sur de nombreux autres sujets sur lesquels l’Europe a poussé les feux ces derniers mois. C’est notamment le cas de la modération des contenus. La commission européenne exhorte depuis des mois les grandes plateformes à retirer plus rapidement les contenus illégaux, en particulier la propagande djihadiste, laissant planer le spectre de mesures plus coercitives.
Plusieurs Etats membres, notamment la France, poussent aussi pour la règle dite de « l’heure d’or », un délai d’une heure dans lequel un contenu illégal doit être supprimé par les plateformes. En Allemagne, une loi prévoit de fortes amendes en cas de non-suppression d’un contenu illégal dans les 24 heures, dont Facebook est très critique. L’entreprise espère que ce texte, regardé de près par plusieurs chancelleries européennes, ne sera pas étendu à d’autres pays européens.
Le sujet de la concurrence est également brûlant pour Facebook. L’exécutif européen a proposé il y a quelques semaines une régulation destinée à limiter le pouvoir de nuisance des grandes plateformes vis-à-vis des plus petites entreprises dont l’activité est dépendante de leur présence au sein de ces mastodontes. Devenue une arlésienne depuis quelques années, la question de la fiscalité sera sûrement abordée, car même si les Etats membres avancent en rangs dispersés, la petite musique d’une taxe visant les géants du Net, prompts à contourner l’impôt par divers montages juridiques, est de plus en plus entêtante à Bruxelles.
Mark Zuckerberg se rendra ensuite à l’Elysée, où une source citée par Reuters lui promet des « discussions assez rudes ». Il ouvrira à 17 h 30 le convoi de chefs d’entreprises devant s’entretenir avec Emmanuel Macron, précédant face au président de la République ses homologues de Microsoft, d’Uber et d’IBM. Le patron du réseau social interviendra le lendemain sur la scène du salon Viva Technologies, en compagnie de Maurice Lévy, le président du conseil de surveillance de Publicis dans un remake de « l’e-G8 », qui avait réuni les deux protagonistes en marge du G8 en 2011.
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