Au terme d’un procès qui aura duré près de deux mois et demi, Khalifa Ababacar Sall, député et maire de Dakar, a été condamné vendredi matin à 5 ans de prison ferme dans l’affaire de la caisse d’avance de la mairie de la capitale sénégalaise. Ses avocats entendent faire appel de la décision.
Après avoir rejeté toutes les exceptions soulevées par la défense, le tribunal l’a en effet condamné à une peine de 5 ans de prison ferme, assortie d’une amende pénale de 5 millions francs CFA, sans dommages et intérêts. « Nous allons faire appel de ce jugement », a confirmé à Jeune Afrique Me Seydou Diagne, l’un des avocats de Khalifa Sall.
Huées et pleurs
L’édile a été déclaré coupable de plusieurs délits, dont « escroquerie aux deniers publics », « faux et usage de faux dans des documents administratifs » et de « complicité en faux en écriture de commerce », mais a en revanche écarté les délits « d’association de malfaiteurs » et de « blanchiment d’argent ».
Le chef d’inculpation de « détournement de deniers publics » a également été écarté, au motif que Khalifa Sall avait déjà été déclaré coupable « d’escroquerie aux deniers publics » pour les mêmes faits. Le caractère « politique » des fonds, dont s’était prévalu la défense du maire, n’a également pas été retenu par le juge Lamotte.
La décision a été immédiatement suivie de huées et de pleurs dans la salle, où les partisans du maire étaient venus en nombre. Sous l’émotion, une femme s’est évanouie et a dû être conduite à l’écart de la salle, où des échauffourées ont rapidement été maîtrisées par les gendarmes déployés en nombre.
Le cas des autres prévenus
Le jugement prononcé vendredi est globalement conforme aux réquisitions du Parquet, qui avait réclamé une peine de sept ans de prison ferme et une amende de 5,49 milliards de francs CFA (8,36 millions d’euros), pour « faux et usage de faux sur des documents administratifs », « association de malfaiteurs », « escroquerie portant sur les deniers publics », « détournement de deniers publics » et « blanchiment de capitaux ».
Les peines des autres co-prévenus s’échelonnent de 6 mois à cinq ans de prison ferme. Ainsi, la secrétaire Fatou Traoré a été condamné à deux ans de prison, dont six mois ferme. De leur côté, Yaya Bodian et Mbaye Touré, respectivement comptable à la mairie de Dakar et directeur administratif et financier de la municipalité, ont été condamnés tous deux à cinq ans de prison ferme.
Fin d’une longue séquence judiciaire
La condamnation en première instance de Khalifa Sall clôt une longue séquence judiciaire qui aura vu se multiplier les invectives entre les avocats de l’État, ceux de l’édile dakarois et ceux représentant la Ville de Dakar. Au cours du procès, ces derniers n’ont eu de cesse de mettre en avant la thèse « d’un procès politique » destiné à éliminer un adversaire potentiel du président Macky Sall en vue de l’élection présidentielle de 2019.
Deux jours avant le délibéré, le maire de Mermoz-Sacré-Cœur, Barthélémy Dias, un proche de Khalifa Sall, avait déclaré, face aux caméras : « Vendredi, on saura si [le juge] Malick Lamotte est le responsable moral de la section APR [Alliance pour la République, le parti du président Macky Sall] de la justice. Parce qu’il est temps que les gens de l’APR et leurs sbires arrêtent d’instrumentaliser la justice. »
Une théorie qui fait bondir Me Baboucar Cissé, l’un des avocats de l’État dans cette affaire : « Comme on dit, les faits sont têtus. Et ceux reprochés à Khalifa Sall n’ont rien de politique. Il s’agit d’infractions de droit commun. »
Par jeuneafrique