Alors que l’épidémie du coronavirus 2019-nCov se révèle chaque jour plus meurtrière en Chine, et que le bilan macabre qui nous provient de Pékin ne cesse de s’alourdir – en l’espace d’un mois, déjà 908 personnes sont décédées et plus de 40 000 autres sont contaminées – des voix s’élèvent pour faire part de leur vive inquiétude au sujet des Ouïghours, et notamment de la sécurité de leurs membres privés de liberté, derrière les murs des centres de détention où ils ont disparu, à l’écart du monde.
Internés de force dans des camps extra-judiciaires qui échappent aux regards et à toute règle juridique, que va-t-il advenir de plus d’un million d’entre eux, à l’heure où le virus, apparu subitement en décembre sur un marché de Wuhan (selon la version officielle), n’en finit pas de faire des victimes ?
La question lancinante taraude actuellement James Millward, un éminent professeur d’histoire chinoise à l’Université de Georgetown. Bien qu’éloigné de la Chine, ce dernier surveille à distance, mais de très près, la politique de répression systématique menée contre la minorité musulmane martyre du Xinjiang, et son point d’orgue, l’internement de masse, afin de mieux en dénoncer la cruelle inhumanité.
Déjà soumis à l’arbitraire le plus absolu, ses craintes que le traitement, qui leur est ou sera réservé, soit effroyable s’intensifient de jour en jour. Même si, pour l’heure, rien ne permet d’indiquer que le coronavirus a franchi les grilles de l’enfer concentrationnaire où ils sont plus d’un million à croupir, l’insalubrité des lieux et les conditions de vie déplorables qu’ils y subissent font craindre le pire à James Millward.
« Des conditions exiguës, une mauvaise hygiène, un système immunitaire froid et stressé, et la volonté politique de ne rien faire, cela pourrait être une catastrophe majeure », a-t-il alerté récemment. Et ce n’est pas l’information révélée par Radio Free Asia, selon laquelle deux hommes Ouïghours, âgés de 52 et 47 ans, ont été à leur tour infectés jeudi 23 janvier dans la province autonome du Xinjiang, qui est de nature à apaiser ses tourments.
« La Chine devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher la propagation du virus de Wuhan dans tous les camps, car les conséquences seront catastrophiques, entraînant peut-être la mort de dizaines de milliers de Ouïghours détenus arbitrairement au cours des trois dernières années », a exhorté pour sa part Dolkun Isa, le président du Congrès mondial ouïghour en exil en Allemagne.
Contrastant avec l’anxiété générale, Tim Grose, un expert de la Chine au sein du Rose Hulman Institute of Technology, situé dans l’Indiana, se refuse à croire que le coronavirus fera des ravages à l’ombre des barreaux. « Je ne vois comment cela pourrait se produire, surtout que les autorités chinoises sont déterminées à rendre les camps aussi humains que possible. Une seule chose pourrait tout faire dérailler : si la Chine échouait à traiter le virus », a-t-il assuré, avec un petit bémol toutefois : « Si le virus se propageait dans les camps, je ne pense pas que Pékin le ferait savoir ».