J’ai perdu mon bébé et mon utérus car les médecins ont suivi un protocole dénué de toute humanité

Je pourrais dire combien ma peine a été immense, à l’annonce de l’arrêt du petit cœur de notre Augustin. Parler de ma peur, de ma colère ou même de ma douleur. Mais il y a un élément médical qui a balayé tout cela, qui s’appelle: accouchement voie basse après 3 césariennes.

J’ai de suite demandé quand aurait lieu la césarienne. Et l’on m’a répondu, qu’en cas de mort in utéro, le protocole imposé était l’accouchement voie basse. Que c’était mieux pour le deuil, que la césarienne c’était pour « sauver » l’enfant. Que la douleur sera maîtrisée et que le risque était minimal et surtout maîtrisé.

Je n’y ai pas cru… J’ai hurlé ma peur de la rupture utérine, j’ai rappelé que j’avais déjà eu trois césariennes. Mais pendant les 24h qui ont précédé le déclenchement, on me l’a systématiquement refusé. Le protocole…

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Mon seul réconfort, c’était que mon mari et moi pourrions embrasser notre enfant.

L’habiller, lui dire des mots d’amour, lui parler de sa famille… Mais j »étais terrorisée, j’avais peur. Non pas d’accoucher par voie basse, mais de la rupture utérine et de complications. Je l’ai encore et encore répété, sans JAMAIS être écoutée.

La pause de la péridurale a été quasi immédiate dès le départ du déclenchement. Mais n’a pas vraiment fonctionné et la douleur a été insoutenable assez souvent. L’anesthésiste est passé souvent.

Le déclenchement a fonctionné. Le travail s’est accéléré après la rupture de la poche des eaux. Je suis arrivée à dilatation complète. Évidemment, la journée a été longue et je fais un résumé assez rapide.

J’ai senti ce moment où l’enfant s’engage. J’avais mal, je l’ai signalé. C’était « normal ». On a installé les étriers, et j’ai commencé a pousser, dans une douleur insoutenable sans jamais être écoutée. La tête de mon Augustin est restée coincée à mi-chemin. Et d’autres médecins sages-femmes et anesthésistes sont venus prêter main forte.

On a sorti les spatules, trifouillé dans mes entrailles, comme on viderait un poulet en écartant ici ou là. La douleur était encore plus vive. En deux poussées, la tête de mon fils est sortie avec les spatules mais dans une violence et une douleur insoutenables… Puis impossible d’avancer plus, mon fils était bloqué. J’avais mal à droite. Je n’étais que douleurs.

Je les ai entendu chuchoter, je leur ai dit d’arrêter, de ne pas m’ignorer. Je regardais mon mari dans les yeux, et j’y voyais de la peur, de l’angoisse, et son amour. Puis j’ai entendu l’anesthésiste dire que si j’avais encore plus de produits, je risquais d’avoir les jambes paralysées. J’ai commencé à perdre connaissance. Je me suis réveillée le lendemain sous respirateur avec l’impression d’étouffer en réanimation.

On a installé les étriers, et j’ai commencé a pousser, dans une douleur insoutenable sans jamais être écoutée.

La suite me vient du récit de mon mari.

Sédatée, j’ai été conduite au bloc. Opérée et césarisée, enfin du moins le pensait-il. Parce qu’en vrai je n’ai pas subi une césarienne, mais une chirurgie plus complexe. Un premier médecin, celle qui avait tenté l’extraction avec les spatules, en tremblant, lui a annoncé qu’on avait dû retirer mon utérus. Un second (le grand chef) quelques temps plus tard, réveillé en pleine nuit et venu prêter main forte, lui a dit qu’il venait de me sauver la vie, qu’il fallait le remercier.

Mon mari a vu rouge et il a hurlé « BRAVO BEAU TRAVAIL » dans les couloirs, avant de prendre nos affaires en salle de naissance et de quitter l’hôpital pour aller déposer plainte. Le procureur a été réveillé, il était 6 heures, et il a qualifié les faits.

Je ne sais pas comment mon mari a fait pour ne pas craquer, ne pas tout casser… Il ne savait pas où j’étais, ce qu’on m’avait fait exactement, ni si à ce moment là, j’étais vivante.

Pendant ce temps, pour moi, d’après ce que les médecins m’ont expliqué, ce fut chaotique. J’ai été réanimée, transfusée, mise en déchoquage aux urgences, en réanimation, puis en soins intensifs, avant de monter en chambre. Ce fut compliqué, j’ai dû retourner en soins intensifs, faire un blood patch, car la péridurale avait fait un trou et du liquide céphalo-rachidien s’échappait. J’avais une énorme bosse derrière le crane, digne de dessins animés. A quel moment m’ont-ils assommée?

Je me sens mutilée. Un médecin qui rentrait de vacances, qui a pris le dossier en route, qui s’est excusé, a dit que ce que j’avais vécu était aussi violent qu’un attentat

Les dégâts ont été importants, mais j’en parlerai plus tard, quand j’irai mieux…

J’ai perdu mon enfant, mon utérus, et mon mari a failli perdre sa femme, mes enfants leur mère à cause d’un PROTOCOLE, qu’aucun médecin n’a voulu réfuter. Ils se sont tous enfermés dans le « c’est mieux pour le deuil » ou le « on maîtrise », sans se poser une seule fois la question, du poids de mon fils, ou si mes hanches permettaient son passage ou encore si ma cicatrice allait tenir. Non, pas une seule fois…

Je me sens mutilée. Un médecin qui rentrait de vacances, qui a pris le dossier en route, qui s’est excusé, a dit que ce que j’avais vécu était aussi violent qu’un attentat. Mon mari lui, dit qu’il a l’impression d’avoir pris un mur en voiture à 200 km/h. Le corps de mon fils l’a été aussi. Il avait une joue abîmée, et surtout ils lui ont cassé les deux épaules, pour le faire finalement passer en voie basse quand même, avant de m’opérer…

Le plus infâme, c’est qu’ils se sont protégés derrière un PROTOCOLE.

En quoi c’était mieux pour le deuil? Devait-on en arriver jusque là? Pourquoi ne nous ont ils pas écouté? Personnellement, je ne suis pas dans le deuil. J’ai vu mon fils 6 jours après, froid et avec les fluides qui commençaient à couler. Une vision terrible. Mais qu’il était beau.

Je me bats pour marcher, sortir du lit, reprendre une vie normale alors que rien ne va dans mon corps, et que je ne suis que douleurs physiques. Je ne suis pas dans le deuil, mais dans les soins. Il m’ont pris mon deuil. Ils ont arraché les derniers moments avec notre fils, avec autant de violence qu’ils en ont eu pour mon utérus.

Et je crois que le plus infâme, c’est qu’ils se sont protégés derrière un PROTOCOLE; qu’ils ont respecté à la lettre, en oubliant le danger, les risques, ou encore l’humain derrière.

Mon Augustin ne méritait pas cela, Je ne méritais pas cela et mes enfants, mon mari, non plus…

Alors, oui, ils ont fait de notre deuil, une boucherie.

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