L’argent doit-il avoir un coût ?

La finance a toujours reposé sur l’idée que l’argent a un coût. L’argent doit faire de l’argent avec le temps qui passe.

L’argent est donc considéré comme un privilège qui doit rapporter de l’argent à son détenteur, quand celui-ci se décide à le prêter. Dans cette vision du monde, un possédant peut faire de l’argent sans rien faire, pour la simple raison qu’il possède un excédent de richesse qu’il peut faire “fructifier” en le prêtant avec intérêts.

Avec le temps, la création de la monnaie est devenue si ingénieuse que les banques n’ont pas eu besoin de posséder la totalité de l’argent pour la prêter, mais juste une infime partie.Les banques commerciales se sont données le pouvoir de créer de l’argent à partir de rien pour le prêter et pour toucher des intérêts au détriment de la collectivité, en faisant payer aux plus fragiles des intérêts plus élevés comparativement aux plus aisés.

La logique bancaire a sa raison : un pauvre a plus de probabilité de faire faux bond qu’un riche, il doit donc payer plus d’intérêts bancaires pour compenser sa fragilité.

Résumons les règles sur lesquelles repose la finance :

– posséder de l’argent est un privilège qui doit rapporter de l’argent même sans rien faire

– pour posséder de l’argent, les banques se sont octroyées le pouvoir de le créer à partir de rien

– une fois cet argent créé, les banques le prêtent plus facilement aux riches (50 milliards d’euros pour un seul homme, Drahi). Et quand elles se décident à le prêter aux plus fragiles, les banques demandent aux pauvres des intérêts plus élevés.

– et comme si ce n’était pas assez, les banques font payer aux plus fragiles des pénalités élevées pour les punir de leur incivilité bancaire : en 2016, ce racket a rapporté 6.5 milliards d’euros, soit un quart des profits bancaires.

Avec ces quatre règles qui sont le fondement de la finance, on comprend mieux les raisons du malaise social qui touche notre société.

Pourtant, la finance n’a pas toujours été acceptée dans notre société, et sa forme ancienne, l’usure, était fortement critiquée par des philosophes comme Aristote, et même interdite dans les Livres monothéistes.

Une autre vision de l’argent existe, avec des règles simples :

– l’argent n’est pas un privilège mais une responsabilité

– l’argent ne peut faire de l’argent sans rien faire : l’usure est interdite.

– l’argent en excès (au-delà d’un coussin de confort raisonnable), et détenu depuis assez longtemps (1 an) sans être utilisé ou investi, doit être légèrement taxé (2,5%). De nos jours, on parlerait de taux négatifs, ou de monnaie fondante.

– les revenus de cette taxe doit revenir aux plus fragiles

Pour résumé cette vision de l’économie :

– le surplus de richesse est une responsabilité qui doit être investi dans l’économie réelle.

– un taux d’intérêt négatif pénalise l’inaction économique, et le fruit de ces intérêts sert à l’action sociale. La manne issue de cette inaction des possédants peut être qualifiée de dividende social.

– le but de cette pénalisation est de stimuler la circulation dans l’économie du superflu de richesses accumulées, soit par l’investissement, soit par un prêt sans intérêt à l’État ou aux entreprises.

Ces deux visions de l’économie qui viennent d’être exposées sont aux antipodes l’une  de l’autre : la finance profite aux accumulateurs de richesses et exacerbe les inégalités sociales ; l’alternative à la finance est un monde sans usure, qui responsabilise la richesse, et qui tend à réduire les inégalités sociales.

Cette voie sans usure a été délaissée, et le capitalisme financier comme les autres alternatives économiques de ces deux derniers siècles nous ont menés dans des impasses. Notre économie doit continuer de reposer sur ce qui fait son dynamisme : commerce, entrepreneuriat, recherche et innovation. La propriété privée doit être protégée. Il faut simplement extirper de notre économie le cancer qui la ronge : le crédit avec intérêts.

Une étape préalable est tout de même indispensable : repenser notre monnaie qui par une ingéniosité bancaire sans limite est devenue la coquille du crédit à intérêts.

L’économiste français Maurice Allais, prix Nobel d’économie, préconise une monnaie émise à 100% par la Banque Centrale, et non pas une monnaie créée par les banques commerciales au moment de l’octroi d’un crédit comme c’est le cas en ce moment de 90% de la masse monétaire. Il écrit même : “En fait, sans aucune exagération, le mécanisme actuel de la création de monnaie par le crédit est certainement le « cancer » qui ronge irrémédiablement les économies de marchés de propriété privée.” (1)

La prise de conscience doit être collective, et la transition de notre économie hyper-financiarisée vers une économie épurée de l’usure, doit être réfléchie et se faire par étapes. La nationalisation de la création monétaire doit être la première étape de cette transformation économique.

 

(1) La Crise mondiale d’aujourd’hui. Pour de profondes réformes des institutions financières et monétaires., Maurice Allais, éd. Clément Juglar, 1999, p. 74

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