Le guide religieux est aujourd’hui dans plusieurs sociétés musul- manes, une notion galvaudée, voire dévoyée. Quand ce ne sont pas de fieffés incompétents qui endossent la tunique de guide re- ligieux, c’est des mercenaires qui profitent du chaos ambiant et du vide pour s’arroger ce titre.
Le constat alarmant et saisissant dans la plupart des communau- tés musulmanes est ce flou qui règne au sommet. Générale- ment, on a affaire à des commu- nautés profondément balkanisées en de petites com- munautés ayant à leurs têtes des guides qui revendiquent à cor et à cri leur autonomie. Malgré le capharnaüm qui est la marque de fabrique de certaines communau- tés musulmanes qui ne connais- sent pas une organisation de type clérical, le poste de guide reli- gieux demeure un poste convoité pour la notoriété qu’il confère et les prérogatives qui en découlent. Il fait souvent l’objet d’une âpre bataille, loin, mais alors, très loin de la Chourâ (concertation) qui devait y propulser la crème de la crème en matière de connais- sance religieuse et de rectitude morale. Le guide religieux est la figure de proue, la tête de pont de toute so- ciété. Le jeu de voyelle sur les termes Imam (guide) et Amam (devant) montre à suffisance, la position qui est celle d’un guide : Devant. Il mène les troupes et tient le flambeau. Pour ce faire, il doit jouir d’un confort intellectuel irréprochable, il doit être un pa- rangon de la vertu. Il doit avoir sa- tisfait tous ou du moins la grande partie des critères rigoureux éta- blis par les jurisconsultes pour le choix d’un guide. Car, c’est le destin de toute une communauté qui est en jeu. Il s’agit de la res- ponsabilité d’un berger vis-à-vis de son troupeau. Responsabilité pour laquelle on rendra compte. Le guide religieux, dans la cité, n’est pas un moine reclus et per- clus dans une tour d’ivoire, dé- connecté des réalités de ses ouailles. Il est un homme d’ac- tion, à l’écoute de tous. Il n’est pas non plus, un homme lige, une marionnette, une girouette qui va dans le sens du vent des intérêts. Il est la voix de la communauté, la voix des sans voix, le repère et le repaire des opprimés.
La carence des guides religieux dignes de ce nom a donné lieu à l’émergence d’une génération de
guides autoproclamés, mal for- més ou formatés, qui, sans vision aucune, enferment leurs ouailles dans le carcan de la monotonie des eaux stagnantes. Ils ne leur proposent rien, hormis le prémâ- ché insipide qui « n’engraisse ni ne met à l’abri de la faim. » D’au- tres par contre, adeptes du prêt à penser importé d’ailleurs, lisent tout avec des lunettes faciles et déformantes et s’évertuent à classer les bons musulmans et les moins bons, dressant ceux-ci contre ceux-là.
Pour une réappropriation de la chose religieuse dans sa dimen- sion globale et universelle, nos sociétés ont besoin des guides. Il s’agit de ces hommes et femmes nés pour être guidés et formés à la bonne école. Ce sont ceux-là qui, conscients de la lourde mis- sion qui est la leur, s’emploient à être des modèles en tout point de vue. Car, si aujourd’hui, la disso- lution des mœurs est la chose la mieux partagée dans nos socié- tés, c’est parce que les modèles se recrutent parmi ceux qui incar- nent moins la vertu.
Qu’Allah nous donne la bonne compréhension !