Depuis 10 jours, 77 migrants refusent de débarquer à Misrata après avoir été secourus en mer Méditerranée par un navire commercial, le Nivin. Les organisations internationales continuent de négocier avec les autorités libyennes mais redoutent que la situation dégénère. “Pour l’instant, on ne voit pas de sortie de crise”, déclare une source internationale.
“Les Libyens vont finir par perdre patience”, signale une source au sein d’une organisation internationale à InfoMigrants. Plus les jours passent, plus la situation se tend au port de Misrata. À quai depuis 10 jours après avoir été secourus en mer par un navire commercial le 8 novembre, les 77 migrants à bord du Nivin refusent toujours de débarquer en Libye. “Pour l’instant, on ne voit pas de sortie de crise”, précise encore cette source qui souhaite rester anonyme.
Les organisations internationales, comme l’Organisation internationale des migrations (OIM), le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et Médecins sans frontières (MSF), redoutent l’éventualité de l’utilisation de la force pour faire sortir ces migrants. “On continue de demander une solution pacifique”, répète à InfoMigrants Paula Esteban du HCR en Libye.
Les autorités libyennes veulent envoyer les migrants en centre de détention – comme ils le font déjà quand ils récupèrent des embarcations en mer. Or, “les renvoyer en centres de détention n’est pas une solution acceptable, insiste Julien Raickman, chef de mission MSF en Libye. Il faut trouver des alternatives”. L’ONG a en effet, à de nombreuses reprises, alerté sur les conditions de vie des migrants dans les centres officiels libyens, où la “situation est intenable”.
Toutefois, selon les agences onusiennes sur place, une solution alternative semble envisageable : envoyer les migrants dans le centre de transit de Tripoli, nouvellement construit et qui compte 1 000 places vides. Contrairement aux centres de rétention, depuis ce lieu, les migrants auront plusieurs choix : profiter du retour volontaire avec l’aide de l’OIM ou être évacués vers des centres d’urgence gérés par le HCR dans d’autres pays. “Ce centre est vide et opérationnel mais les Libyens ne veulent pas en entendre parler”, assure une source internationale sans préciser les raisons. Les migrants, eux-aussi, refusent catégoriquement cette proposition qui les ramène en Libye.
Les migrants du Nivin sont retranchés à l’intérieur du bateau. Crédit : DR
“C’est soit l’Europe, soit la mort”
Ces derniers campent sur leurs positions et assurent qu’ils ne quitteront le navire qu’à condition d’être déposés en Europe. “Plutôt mourir que de retourner en Libye. C’est soit l’Europe, soit la mort”, déclare à InfoMigrants Victor*, un jeune Soudanais à bord du Nivin.
Chaque jour, des membres d’organisations internationales apportent de la nourriture et des soins médicaux aux 77 migrants, dont 28 mineurs, qui sont désormais barricadés à l’intérieur du navire commercial. “Personne n’ose sortir du bateau, on a trop peur”, précise Victor.
À tel point, que les entrées se font désormais au compte-gouttes, au gré des autorisations des migrants. Selon Victor, des membres d’une ONG libyenne ont tenté de monter à bord lundi 19 novembre, mais ils ont été refoulés par les migrants. Même chose pour les officiels libyens qui restent à quai. “On ne leur ouvre pas la porte car on n’accepte pas leur présence, à moins qu’ils soient accompagnés par des organisations internationales. On ne fait pas confiance aux Libyens”.
C’est la première fois que les migrants mènent une telle action pour ne pas retourner en Libye. Selon un humanitaire, “ce genre de situation va se reproduire à l’avenir donc on négocie à court mais aussi à long terme”.
En effet, depuis que l’Union européenne (UE) a élargie et confiée la zone de recherche et de sauvetage – la SAR zone – aux autorités libyennes, les migrants ont plus de risques d’être renvoyés dans ce pays même dans le cas où sont secourus par un navire commercial. “Et ce alors que l’UE ne considère pas la Libye comme un ‘port sûr’. Ce n’est plus de l’hypocrisie mais de la schizophrénie”, souffle un humanitaire.
*Le prénom a été modifié
infomigrants.net