Le monde a une essence adventice (c’est-à-dire de nouveauté) et possède une réalité changeante et mobile et il est le mouvement même. Etant mouvement, il possède un sens du changement continu : il est dans un état de création perpétuelle, constamment dans un état alternatif de transformation nouvelle. Il n’est pas un seul instant où le monde ne connaisse pas cette alternative.
Le monde parcourt un trajet de descente puis un trajet où tout revient à lui, le tout de par la Volonté de Dieu. C’est un point de départ et un point de retour. Il possède un parfait système de causalité, de causes à effets. Chaque chose ne sort jamais du trajet qui lui a été prescrit par le système causalité. Celui-ci est matériel dans le monde matériel mais la causalité est immatérielle dans le Royaume divin (les anges, l’Esprit, la Table, le calame, les Livres sont des intermédiaires et des moyens par lesquels l’effusion divine parvient aux êtres. Le monde est construit d’antagonisme : le bien et le mal, les compatibilités et les incompatibilités, la générosité et la rétention, la lumière et l’obscurité … Cela étant, nous allons parler de l’homme dans ce contexte.
La vision de l’homme présentée par le Coran peut sembler paradoxale :
- Il le qualifie tantôt d’injuste (zalûm), faible (da’îf), avare (qatur) et ingrat (kafûr).
- tantôt il est clairvoyant (basîr), savant (‘âlim) et reconnaissant (shakûr).
Si le Coran met particulièrement en relief l’existence de la faculté d’intellection humaine en invitant sans cesse l’homme à la réflexion et à la médiation, il ne le limite pas au statut d’« animal raisonnable » ou de roseau pensant » tel que l’ont décrit les philosophes. Le Coran utilise deux termes principaux pour désigner l’être humain :
- Bashar qui fait référence à l’homme dans sa dimension charnelle et mortelle.
- Insân désigne l’homme dans son aspect corporel et spirituel.
L’homme connaît d’abord une création matérielle : argile molle (tîn), poussière (turâb), ou encore boue desséchée (salsâl) qui est à l’origine de sa dimension corporelle, de l’homme en tant que Bashar (ce terme apparaît dans le Coran 36 fois) La dimension matérielle de l’homme prend forme par étape; celle du monde immatériel de l’ordre divin (‘âlam al-amr). Il est ensuite transformé « en une toute autre création » (les croyants : 23, 12-14) qui fait référence à la dimension immatérielle de l’homme, son âme qui fait de lui in insân (Utilisé 65 fois). Cette présence de l’âme de Dieu dans l’homme constitue le pivot de l’anthropologie coranique.
L’esprit de l’homme est une réalité éternelle. Réalité dans ce monde et réalité après la résurrection et dans l’espace entre les deux, il jouira d’une sorte de vie que l’on appelle la vie isthmique (barzakh, intermédiaire). Dans près de vingt versets du Coran, nous trouvons des preuves de la vie de l’homme, même quand son corps est décomposé.
Les principes fondamentaux de la vie, à savoir les fondements de l’humanité et de la morale sont des principes immuables et éternels. Seules les application sont sujettes à variation.
Les hommes sont créés égaux dans leur complexion humaine. Mais ils se différencient dans trois domaines :
- Ne sont pas égaux ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ;
- Ne sont pas égaux ceux qui combattent et ceux qui ne combattent pas ;
- Le plus noble d’entre vous est le plus pieux.
1 – L’homme éprouve au fond de lui-même une lutte permanente qui l’entraîne tantôt d’un côté, tantôt dans l’autre. Ce tiraillement de l’âme est ce qu’on appelle :
- La lutte de la raison contre l’ignorance
- Ou de l’intelligence contre l’âme charnelle
- Ou de l’esprit et du corps
2 – Il jouit d’une essence spirituelle autonome et sa volonté procède de l’Essence de Dieu. De ce fait, il jouit du libre arbitre et de la liberté. Il est donc responsable de lui- même dans la société.
L’homme est l’un des trois éléments à partir desquels émerge la civilisation humaine. Il en est l’élément influant et agissant. Tout en étant l’axe du peuplement dans cette vie, il est aussi son objectif. Tout ce qui est en dehors de lui n’est qu’un ensemble de causes, dissimilées ici et là, et actionnées pour l’assister dans son activité. Il s’en sert pour réaliser ses espoirs et finaliser sa mission. C’est pourquoi, le Coran lui prête une attention particulière, plus qu’à une autre créature. Le premier verset descendu est orienté vers l’homme et commence par définir son être et expliquer sa provenance.
« Lis au nom de ton Seigneur qui a tout créé, * qui a créé l’homme d’une adhérence ! » (S.96, 1 et 2)
Observons aussi, selon la disposition des sourates, les premiers versets du Coran. Ces derniers commencent également à parler de l’homme. Ils sont divisés en trois catégories : le croyant, le mécréant et l’hypocrite. Ils s’adressent à chacun d’eux et les décrit selon leur identité. Ils exposent l’état de chacun sur cette terre, les informe comment leur père Adam a été créé, les instruit sur leur position privilégiée par rapport aux autres créatures et sur la faveur qu’Il leur a accordée y compris par rapport aux anges.
C’est ainsi que le Coran débute avant toute chose. Il accorde à l’homme la priorité aussi bien dans la disposition des sourates du livre que dans sa descente dans le temps. Il lui fait connaître la source de sa création, ses particularités, la portée de sa mission et met en évidence les dangers qui l’attendent dans cet univers où il vit. C’est parce qu’il est l’élément le plus important de la civilisation et le plus dangereux. C’est aussi parce qu’il est le pivot autour duquel évoluent et vaguent le mouvement de la plupart des existants. C’est enfin parce qu’il est désigné pour exploiter et gérer les richesses de la terre afin d’atteindre un but aussi grandiose que périlleux. A la suite de ces quelques données, posons-nous la question : Quel est cet homme dans le Coran ? Quelles sont ses particularités et ses caractéristiques ? Quelle est sa grande responsabilité dans la vie ?
Nous constatons que le Coran clarifie tous les aspects des diverses réalités de l’homme et de ses préoccupations dans le monde. Il le conçoit à travers la clarification de deux réalités à l’intérieur de sa stature et de sa composition humaine. Dans cette perspective, il met en évidence ce qui se rapporte à des contradictions.
« Que l’homme considère ce dont il a été créée ! * N’a-t-il pas été créé d’un liquide éjaculé, * jaillissant d’entre les lombes et les iliaques ? » (S.87, 1 à 3)
« Périsse l’homme ! Comme il est ingrat ! * Oublie-t-il d’où son Seigneur l’a tiré ? * C’est d’une goutte de sperme qu’Il le crée et fixe sa destinée ; * après quoi, Il lui trace la voie à suivre. » (S.80, 17 à 20)
« En vérité, Nous avons créé l’homme d’une goutte de sperme aux éléments de vie très combinés. Pour l’éprouver, Nous l’avons doté de l’ouïe et de la vue. » (S.76, 2)
« L’homme oublie-t-il que Nous l’avons créé d’une goutte de sperme au point de s’ériger en véritable adversaire ? » (S.36, 77)
« C’est Nous qui vous avons tiré de terre, puis d’une goutte de sperme, puis d’une adhérence, puis d’un embryon dont une partie est déjà formée et une autre pas encore. C’est ainsi que Nous vous donnons une idée de Notre puissance. Nous maintenons dans les matrices ce que Nous voulons jusqu’au terme fixé, pour vous en faire sortir ensuite à l’état de bébé, et vous atteindrez plus tard votre maturité. Il en est parmi vous qui meurent encore jeunes, tandis que d’autres arrivent jusqu’à l’âge de la décrépitude au point de ne plus se souvenir de ce qu’ils savaient. » (S.22, 5)
La seconde réalité qui compose l’identité humaine dans le Coran est celle qui fait de l’homme la création honorée et placée au-dessus des autres créatures. Dans ce contexte, il a été préparé de sorte que les anges se prosternent devenant lui. Dieu l’a établi comme khalife sur la terre et en fait l’unique animal dot d’une raison, d’une capacité de réflexion et d’une puissance de volonté dans l’exercice de ses affaires. Et voici quelques versets qui éclairent l’homme sur les manifestations de cette deuxième réalité.
« Certes, Nous avons honoré les fils d’Adam. Nous les avons portés sur terre et sur mer. Nous leur avons procuré d’agréables nourritures. Nous leur avons donné la préférence sur beaucoup d’autres créatures. » (S.17, 70)
« Lorsque ton Seigneur dit aux anges : Je vais installer un représentant (khalifa) sur terre. » (S.2, 30)
« Lorsque Nous dîmes aux anges : « Prosternez-vous devant Adam ! » Ils s’exécutèrent sauf Iblîs. » (S.2, 34)
« Il apprit à Adam tous les noms, puis les présenta aux anges en disant : « Faites-Moi connaître les noms de tous ces êtres, pour prouver que vous êtes plus méritant que Adam ! » * Et les anges de dire : Gloire à Toi ! Nous ne savons rien d’autre que ce que Tu nous as enseigné. Tu es l’Omniscient, le Sage. » (S.2, 31 et 32)
« Il a enseigné à l’homme ce qu’il ignorait. » (S.16, 5)
« En vérité, Nous avons proposé le dépôt de la foi aux cieux, à la terre et aux montagnes, mais tous refusèrent d’en assumer la responsabilité et en furent effrayés, alors que l’homme, par comble d’ignorance et d’iniquité, s’en est chargé. » (S.33, 72)
En désignant l’homme comme son « kalifat » (son représentant) sur terre, Dieu a fixé son champ d’action qui se résume en ces deux points fondamentaux, à savoir peupler la terre, d’une part, et mettre en valeur ses nombreuses richesses, d’autre part. Dans cette perspective, Dieu a mis à sa disposition les connaissances appropriées à cette lieutenance, lui a confié la responsabilité de ses actes et l’entière liberté de ses choix. Cette noble fonction l’élève à un rang élevé pour remplir sa mission terrestre. Elle occupe une ligne médiane qui se situe au-dessous de son Créateur et au-dessus des autres créatures.
Cette lieutenance de Dieu définit la place de l’homme dans l’univers dans le but de réaliser le pourquoi il a été créé et établi sur terre : il est tout à fait libre de ce qu’il fait mais il doit assumer la responsabilité de ses actes bons ou mauvais. Cependant, cette liberté n’est pas absolue. C’est le cas de toutes les nations contemporaines dont les citoyens sont astreints à respecter leurs constitutions, leurs lois et leurs valeurs.
Il en est ainsi de l’Islâm, la responsabilité de l’homme ne le libère pas du respect des prescriptions édictées par la Loi divine. Il doit s’y conformer dans l’exerce de ses fonctions profanes et religieuses.
Cette conception islamique assigne à l’homme une place privilégiée qui, diamétralement, s‘oppose à celle des philosophies matérialistes de l’antiquité à nos jours. Ces pensées ont divinisé l’homme et humanisé Dieu. En effet, dans l’ancien temps, les grecs ont déifié leur héros. Plus tard, les Romains, en embrassant le christianisme, ont proclamé l’union intime entre Dieu et l’homme, plus précisément entre la nature divine de Jésus Christ et sa nature humaine.
Ces idées de divinisation de la créature humaine et de l’humanisation de son Créateur se situent aux antipodes de la représentation coranique selon laquelle l’homme est bien le lieutenant de Dieu sur la terre et non point le maître de l’univers. Cette déviation renverse de nombreux « garde-fous et ouvre les portes à une liberté qui échappe au contrôle moral. Elle ne respecte pas non plus les normes édictées par la Loi divine et fait fi des interdits religieux qui fixent des bornes au champ d’action de la personne humaine.
Contrairement aux théories matérialistes, qui divinisent l’homme, des doctrines religieuses, œuvres humaines et à tendances mystiques et agnostiques comme le Nirvana, détiennent le monopole de l’extrémisme. Elles dénient à cet homme toute liberté d’action et tout pouvoir d’exécution Elles perçoivent l’homme comme un être faible dont le salut et la délivrance consistent seulement à s’en remettre au destin et à se consumer dans l’Absolu.
Ces tendances qui aspirent à asservir l’homme, alors que Dieu l’a fait naître libre, à le priver de sa liberté, alors que l’Islâm lui confère une responsabilité dans le monde, et à le marginaliser de la société, alors que la religion du Seigneur lui commande d’améliorer constamment son bien-être, tournent le dos à la vision islamiques du « juste milieux ».
En Islâm, l’homme n’est ni un dieu sur terre, ni un être asservi. Il est considéré comme une noble créature mais, en même temps, il est un humble serviteur de Dieu. S’il est le lieutenant de Dieu sur terre, il n’en est pas moins tenu de se conformer à des obligations divines, d’ailleurs liées à sa lieutenance. Le chaykh ‘Abdou (1849)1905) donne une définition précise, concise et explicite de l’homme dans le monde : « Il est le serviteur de Dieu, mais maître de tout ce qui est en dehors de Dieu. ». C’est la philosophie de l’équilibre entre les extrêmes.
Chargé d’exploité les richesses de la terre, il reste conditionné dans sa gestion des biens terrestres parce qu’il n’en est que le dépositaire. Dieu, qui en est le Seul propriétaire, l’a désigné comme le gérant. C’est une responsabilité inhérente à son pacte du vicariat qui lui accorde la gestion mais, au Jour du Jugement, il doit rendre compte de son activité au Créateur et au Maître effectif de toutes les richesses de l’univers.
Ainsi, Dieu a mis tous les dons de la nature au service de l’homme en vue de les faire prospérer. Et comme tout intendant, il dispose relativement à sa guise de tous ces biens mais il est tenu de rendre des comptes au véritable propriétaire qui lui définit la politique commerciale à suivre. Comme tout mandataire, il jouit des biens placés sous sa responsabilité mais il applique les directives de son propriétaire, à savoir Dieu, dans le cas des richesses de ce monde.
A présent, détaillons, selon la conception de Fazlu ar-Rahmân, les principes fondamentaux concernant l’origine, la nature, la finalité et la destinée de l’homme.
L’homme, un être créé : « Mais l’homme ne se rappelle-t-il pas qu’en le créant la première fois, Nous (Dieu) l’avons bien tiré du néant, » (S.19, 67)
L’homme, un être évolutif possédant une finalité : Sa finalité est ainsi affirmée : « Penseriez-vous que Nous vous avions créés sans but et que vous ne seriez jamais ramenés vers Nous ? Exalté soit Dieu, le vrai Souverain !… » (S.23, 115-116)
Quant au caractère évolutif de la personnalité humaine, il a été affirmé, entre autres versets, dans celui qui suit :
« Certes, Nous avons créé (lors de la phase terrestre) l’homme d’un extrait d’argile dont Nous avons fait ensuite une goutte de sperme déposée dans un réceptacle ; puis Nous avons transformé cette goutte en une adhérence dong Nous avons fait un embryon où s’est dessiné le squelette que Nous avons recouvert de chair, pour en faire , en fin de compte, un nouvel être, bien différencié (- un être qui n’est pas un simple animal mais un être doté de facultés intellectuelles, esthétiques, morales, spirituelles et capables de poursuivre des idéaux). Béni doit donc Dieu, le Meilleur des créateur ! Après quoi, vous êtes appelés à mourir, pour être ressuscités au Jour du Jugement dernier. » (S.23, 12-16)
« En vérité, Nous avons créé l’homme d’une goutte de sperme aux éléments de vie bien combinés. Et pour l’éprouver, Nous l’avons doté (des présents) de l’ouïe et de la vue (doté d’une responsabilité), en lui indiquant le chemin à suivre (du Bien contre le Mal), libre à lui ensuite de choisir la voie de la reconnaissance ou celle de l’infidélité (selon sa volonté). » (S.76, 2-3). « … alors qu’Il vous a créés par phases successives (selon différents stades, de la forme originale jusqu’à ce que vous acquériez la pleine stature de la personnalité humaine. » (S.71, 14)
L’homme, un être moral : Le fait que l’homme a été créé dans le but de mener un combat moral est ainsi affirmé : « … Que (Dieu) a créé la mort et la vie pour vous éprouver et connaître ceux d’entre vous qui se conduisent le mieux … » (S.67, 2). Ailleurs ; il est précisé que la finalité même du monde est la recherche du combat moral de l’homme : « C’est Lui qui a créé les Cieux et la Terre zen six jours (cosmiques), alors que Son Trône reposait sur l’eau (à partir de la vie a évolué) pour vous mettre à l’épreuve et (pour ainsi) reconnaître ceux d’entre vous qui agiraient le mieux … » tS.11, 7)
L’homme, suprême dans la création :
1 – L’homme est une créature honorée et honorable : « Certes, Nous avons honoré les fils d’Adam. » (S.17, 70)
2 – L’homme a été fait vicaire de Dieu sur terre et, à ce titre, il détient la suprématie sur toutes les créatures de la terre : « Puis vint le jour où ton Seigneur dit aux anges : Je vais installer un représentant (khalifat) sur la terre … » (S.2, 30)
3 – Les anges se montrèrent obéissants envers Adam, témoignant ainsi de la supériorité de l’homme dans la création : « Et lorsque Nous dîmes aux anges : « Prosternez-vous devant Adam ! », ils se prosternèrent tous … » (S.2, 34)
4 – Tout sur terre a été créé pour l’homme : « C’est Lui qui a créé pour vous (pour votre service, î humanité !) tout ce qui existe sur la terre … » (S.2, 29)
5 – Tout ce qui est dans les cieux et sir la terre a été créé pour être soumis à l’homme : « Et Il vous a soumis (ô humanité !) tout ce qui est dans les cieux et tout ce qui est dans la terre, car tout procède de Lui. N’y a-t-il pas en cela des signes pour des gens qui réfléchissent ? » (S.45, 13)
L’homme, un être cultuel : Le besoin que l’homme a besoin de Dieu naît de ses faiblesses et de ses lacunes, que l’on retrouve en lui comme faits concrets de son existence.
1 – L’homme est faible et sujet à l’erreur : « Dieu a voulu alléger certaines de vos obligations, sachant bien que l’homme a été créé faible (faible dans sa chair, faible dans son jugement et faible quant au dépassement du désir). » (S.4, 28)
A cet égard, l’homme a besoin de la Grâce divine, la référence au manquement d’Adam est significative (S.20, 115)[1]. Le Coran relate ailleurs qu’immédiatement, Adam a acquis une parfaite fermeté dans sa résolution (S.20, 122)[2] à travers le repentir (S.6, 23)[3]. Il y a là une gouverne pour tous les êtres humains afin qu’ils exercent leur volonté en se dédiant à des idéux plus élevés, en cultivant la patience et la constance à cet effet, et à travers la communion avec Dieu. Le Coran dit : « Ô croyants ! Cherchez du réconfort dans la patience et la salât (communion avec Dieu) ! Dieu est, en vérité, avec ceux qui savent s’orner de patience. » (S.2, 153)
2 – L’homme est porté à l’impatience (‘ajal)[4]; il désire le succès facile : « L’homme a été créé impatient par nature. » (S.21, 37)
3 – L’homme souffre de sentimentalisme : « Faisons-Nous goûter un bienfait de Notre part et l’en privons-nous ensuite, il est alors livré au désespoir et plein d’ingratitude ! Lui faisons-Nous goûter un bienfait de Notre part alors qu’un malheur l’a frappé, alors aussitôt il s’écrie : « C’en est fini de mes malheurs ! », plein de joie et de gloriole. Seuls ceux qui patientent et pratiquent de bonnes œuvres obtiendront pardon et belle récompense. » (S.11, 9-11)
Au regard du 2 et du 3 ci-dessus, la personnalité humaine un paramétrage de soumission à la Volonté divine afin d’éviter l’échec, ainsi que l’expriment les précédents versets.
4 – L’homme est porté à la controverse : « … mais la controverse reste leur passion dominante. » (S.18, 54)
Considérant cette faiblesse, l’homme a besoin d’un Code Moral fondé sur des lois universels, et délivré par l’Autorité Suprême, Dieu, afin qu’un arbitrage valide lui soit fourni, ainsi que l’harmonie conséquente et la paix dans les relations humaines.
Nous avons souligné plus haut qu’il est possible de remédier à la situation qui naît des faiblesses et des lacunes de l’homme à travers la Gouverne et la Grâce divine. Le Coran l’a maintes fois affirmé. En fait, cela forme la clé de voute de son enseignement. Il nous suffit ici de citer qu’un seul verset :
« Ô vous qui croyez ! Si vous craignez Dieu, Il vous accordera la faculté de discerner entre le Bien et le Mal, absoudre (tous) vos péchés ( qui pourront vous affliger, y compris vos faiblesses et vos lacunes), et vous recevra en Sa grâce, car Il est le Détenteur de la grâce infinie ! » (S.8, 29)
Or, la Gouverne et la Grâce divine ne peuvent venir à l’homme sans sa croyance en l‘existence de Dieu. Et cette croyance ne doit pas être une simple nécessité logique, comme le dirait Kant, mais elle doit être ancrée dans sa nature même – dans ce que l’on nomme son Inconscient. Le Coran évoque ce fait en termes de « Profession Monothéisme » que tous les êtres humains ont faite dans le monde spirituel à l’époque de la Création. Dieu dit :
« Et lorsque son Seigneur tira des lombes des fils d’Adam leurs descendants et (après les avoir doté d’une intelligence et d’une compréhension suffisante) les fit témoigner contre eux-mêmes, en leur demandant : « Ne suis-je pas votre Seigneur ? » Et ils répondirent : « Oui, nous en témoignons ! (C’est ainsi que la croyance en Dieu fût inscrite dans l’Âme de l’homme) ». Et ce, afin que vous ne puissiez plus dire le Jour de la Résurrection (pour excuser l’athéisme, le polythéisme ou l’idolâtrie). Nous avons été pris au dépourvu. » (S.7, 172)
Il nous est également demandé dit que rechercher l’Aide divine en période de besoin est enraciné dans la nature humaine : « Lorsqu’un malheur frappe les hommes, ils invoquent leur Seigneur et reviennent à Lui, pleins e repentir … » (S.30, 33)
« Et lorsque des vagues, aussi sombres que les ténèbres, recouvrent leur vaisseau, ils (ceux qui ne se souviennent pas de Dieu) invoquent Dieu avec ferveur et une foi ardente. » (S.31, 32)
Il nous est dit plus loin que les êtres humains sains d’esprit se souviennent de Dieu à tout moment : « … pour des gens doués d’intelligence qui, debout, assis ou couchés, ne cessent d’invoquer Dieu … » (S.3, 190-191)
Ensuite, le Coran entreprend de souligner que le cœur de l’homme ne trouve une paix réelle que dans la confiance dans le Secours divin, qui lui vient par l’instauration d’une relation d’intimité avec Dieu à travers le Souvenir (adh-dhikr) : « … ceux qui croient et qui s’apaisent (trouvent une tranquillité sereine et la paix e l’esprit) au souvenir de Dieu. N’est-ce pas que c’est u souvenir de Dieu que s’apaisent les cœurs ? » (S.13, 28)
S’agissant de Dieu Lui-même et de Son rôle par rapport à l’homme, le Coran proclame qu’Il (Dieu) est Bienfaisant, Miséricordieux, Absoluteur et Pourvoyeur de Grâce, et toujours prêt à l’aider. Les faits de la nature humaine et de l’existence humaine étant ce qu’ils sont, le Coran exhorte l’homme de cultiver les aspects cultuels de sa nature à travers la communion avec Dieu et de maintenir une attitude d’adoration constante dans son combat moral. Voici certains versets qui vont dans ce sens :
« Votre Seigneur a dit : Implorez-Moi. Je vous exaucerai ! Mais ceux qui, par orgueil, refusent de M’adorer, entreront tête basse en Enfer. » (S.40, 60)
« Si Mes serviteurs t’interrogent à Mon sujet, qu’ils sachent que Je suis tout près d’eux, toujours disposé à exaucer les vœux de celui qui M’invoque. Qu’ils répondent donc à Mon appel et qu’ils aient foi en Moi, afin qu’ils soient guidés vers la voie du salut. » (S.2, 186)
« Une fois la prière achevée, répandez-vous sur le terre, à la recherche des bienfaits de votre Seigneur, sans oublier d’en invoquer le Nom ! » (S.62, 10)
« En vérité, Je suis Dieu. Il n’y a d’autre dieu que Moi ! Adore-Moi donc et accomplis la,prière en souvenir de Moi. » (S.20, 14)
L’homme, un être social : « Vous créer tous et vous ressusciter tous est aussi aisé pour Dieu que s’il s’agissait de créer un seul homme et de le ressusciter … » (S.31, 28)
Cette affirmation implique que tous les individus constituent l’humanité du passé, du présent et du futur, possèdent entre eux un lien d’unité intime tels que les bénéfices et les souffrances d’un individu devraient être moralement considérés comme les bénéfices et les souffrances de tous les autres. En d’autres termes, l’homme est une créature sociale dans son origine, sa nature, sa finalité et sa destinée.
Le verset suivant est de portée similaire : « Ô hommes ! Craignez votre Seigneur (dans les rapports que vous entretenez) qui vous a créés d’un seul être et qui, ayant tiré de celui-ci son épouse, fit naître de ce couple tant d’êtres humains, hommes et femmes ! Craignez Dieu au nom duquel vous vous demandez mutuellement assistance ! Respectez les liens du sang (les liens familiaux). En vérité, Dieu vous observe en permanence. » (S.4, 1)
Il nous a également été dit : « C’est Lui qui a fait de vous sur terre les successeurs de vos devanciers, et qui a établi entre vous des hiérarchies, afin de vous mettre à l’épreuve dans les tâches que vous êtes appelés à assumer. Et si ton Seigneur est prompt à sévir, Il est aussi Clément et Miséricordieux. » (.6, 165)
Ce verset indique que la structure même de la société humaine, édifiée, comme c’est le cas, sur la base des talents et des fonctions, a été créées par Dieu, dans sa nature propre, de façon à former le socle du combat moral mené par les individus, quelle que soit la proportion des différents dons divins qu’ils aient reçus. Le Coran affirmer donc que la moralité et la vie sociale sont interdépendantes. Et parce que l’homme est un être moral dans sa création même, il a été conçu comme un être social par Dieu.
La nature fondamentale bonne de l’homme : « En vérité, Nous avons doté l’homme, en le créant, de la forme la plus parfaite (fî ahsani takwîn[5])… » (S.95, 4)
Ce verset affirme la bonne nature fondamentale de l’homme, par contraste avec la culture idéationnelle, où l’homme est considéré comme étant né avec les stigmates du péché ou bien entravé par les chaînes de la réincarnation ; et il prouve la capacité humaine à rencontrer le succès dans la recherche du bien à combattre le mal sur les plans individuel et collectif.
L’histoire d’Adam peut aussi être citée dans ce contexte. Le fait que les anges, qui sont saints et purs, se soient prosternés devant lui, tandis qu’iblîs, l’incarnation du mal, a refusé de le faire, indique que, de par sa création même, l’homme a une affinité avec les anges et donc avec le bien, alors que le mal se pose en disharmonie avec lui, et par conséquent, avec sa nature.
En bref, l’homme est le meilleur spécimen de l’ouvrage de Dieu, né dépourvu de péché et doté d’une nature fondamentalement bonne.
Le conflit inhérent à la nature humaine : Cependant, aussi bonne que soit la nature humaine, l’homme a été créé pour rechercher le combat moral, et, ainsi, alors qu’il est capable d’atteindre les hauteurs les plus nobles de la perfection qui sied à sa nature, il peut aussi chuter au plus bas e la Création, ainsi qu’il nous est dit :
« … pour (en conséquence des opportunités et du mauvais usage du libre-arbitre) le ravaler (Nous, Dieu, en tant qu’Auteur du Plan Universel) ensuite au plus bas de l’échelle (étant donné qu’il a lui-même détruit sa pureté originelle et sa bonne nature), excepté ceux qui croient, font œuvre pie, et qui recevront une récompense qui ne sera jamais rappelée ! » (S.95, 5-6)
Cette double attitude – pour le succès moral et pour l’échec moral – est ancrée dans le conflit qui a été enchâssé dans la nature humaine, ainsi que le dit le Coran ;
« Par le soleil et son (glorieux) premier éclat, par la lune quand elle lui succède, par le jour quand il éclaire (par la gloire du soleil) le monde, par la nuit quand elle l’obscurcit, par le ciel et son édification (merveilleuse), par la terre et son nivellement, par l’âme et Celui qui l’a façonné harmonieusement et Qui lui a inspiré son libertinage (qui vient à travers le diable et qui se développe en un acte e responsabilité humaine à travers le libre-arbitre de l’homme) ! En vérité, l’homme qui purifie son âme sera sauvé et celui qui la corrompt sera réprouvé ». (S.91, 1-10)
Le conflit entre le mal et la piété de l’âme humaine, coté ci-dessus, est réel ; – et il ne pouvait en être autrement, car la situation morale ne peut advenir que s’il existe une situation de confit. Ce conflit se développe de la façon suivante :
D’une part, il existe un amour excessif des désirs instinctifs dans la nature humaine, réalité qui a été mise en exergue par ces paroles :
« Les hommes sont irrésistiblement attirés, dans leurs passions trompeuses (sous l’impact des pulsions instinctives), par les femmes, les enfants, les amoncellements d’or et d’argent, les chevaux de race, les troupeaux et les champs. C’est là une jouissance éphémère de la vie d’ici-bas ; mais c’est auprès de Dieu que se trouve le meilleur séjour. » (S.3, 14)
D’autre part, la recherche d’idéaux est enracinée dans l’âme humaine – le plus élevé d’entre eux étant l’idéal de réalisation de la proximité avec Dieu, auquel il est fait référence à la fi du verset précédent. Le choix de mener une vie de recherche des idéaux nobles a été magnifiquement mis en lumière par les versets qui suivent immédiatement.
« Dis (Ô Muhammad) : Nous annoncerai-je quelque chose de bien plus précieux que tout cela (les objets des désirs instinctifs mentionnés dans la sourate 3, verset 14) et qui est destiné à ceux qui craignent leur Seigneur ? En effet, ces derniers trouveront auprès de leur Seigneur des Jardins baignés de ruisseaux, où ils vivront éternellement avec des épouses exemptes de toute souillure (et saintes) et bénéficieront de la grâce divine. Car Dieu est toujours Bienveillant envers Ses serviteurs (c’est-à-dire ceux) qui disent « Seigneur ! Nous croyons en Toi ; fais-nous remise de nos péchés et préserve-nous du châtiment de l’Enfer ! » ; qui font preuve de patience (persévérance et contrôle de soi), de sincérité et de piété ; qui pratiquent la charité (envers leur prochain) et implorent le pardon du Seigneur à la pointe de l’aurore. » (S.3, 15-17)
Nous pouvons remarquer que, selon le Coran, l’attraction qu’exercent les objets des désirs instinctifs n’est ni condamnable en soi ni inconséquente aux exigences de la « forme la plus parfaite » qui a été conférée à l’homme. La gouverne morale coranique oriente vers la satisfaction équilibrée, appropriée et juste des deux aspects de la nature humaine – le sensible et le rationnel[6]– qui lui ont été attribués par son Créateur, ce à quoi le verset suivant fait référence à travers son insistance sur la nature humaine idéale :
« Consacre-toi à la religion en monothéiste sincère ! C’est Dieu qui a voulu que cette croyance soit inhérente à la nature de l’homme. Et l’ordre (des lois) établi par Dieu ne saurait être modifié. Telle est la religion de la rectitude (qui contient la philosophie du comportement humain), mais la plupart des hommes n’en savent rien. » (S.30, 30).
On doit cependant noter que, selon le Coran, le soi humain comporte, tel que nous l’avons établi, trois étapes et trois états de développement :
1 – le nafs al-ammârah
2 – le nafs al-lawwâmah
3 – le nafs al-mutmaïnnah
Or, c’est le nafs al-ammarah ou le soi impérieux qui rend la recherche des besoins instinctifs contestables.
[1] Nous avions fait une recommandation à Adam avant sa chute, mais il ne il’ ne l’a pas observée, faisant ainsi preuve d’un manque de résolution.
[2] Puis son Seigneur le ramena à Lui, accepta son repentir et le remit sur le droit chemin.
[3] Alors, dans leur désarroi, ils ne pourront que dire : « Par Dieu, notre Seigneur ! Nous n’avons jamais été des associationnistes.
[4] Le mot ‘ajal, traduit par impatience et aussi par hâte, ce qui signifie « la recherche, la poursuite ou l’effort en direction de quelque chose, avant son terme ou sa saison. » (Lexicon de Lane). Dans un autre verset (S.17, 11) il est dit ‘ajûl : « Car l’homme, par nature, est toujours pressé. »
[5] Notez que takwîn signifie fabrication, modelage, symétrie, forme, nature ;, constitution.
[6] Le conflit entre ces deux aspects de la nature humaine peut poser un problème difficile à ceux – comme les chrétiens, les bouddhistes et les hindous – qui considèrent que ce n’est pas la mauvaise manière d’assouvir les instincts vitaux qui et vile mais les instincts vitaux eux-mêmes.