Zakat al-Fitr : Peut-on la verser en argent liquide ? IslamInfo
La question du paiement de la Zakat al-Fitr en argent liquide suscite un débat parmi les savants musulmans. Alors que certains estiment que cette aumône doit être exclusivement versée sous forme de denrées alimentaires, d’autres jugent que son paiement en espèces peut être plus approprié aux réalités actuelles.
Trois opinions majeures sur la question
Les savants musulmans ont formulé trois avis principaux sur la possibilité de payer la Zakat al-Fitr en argent :
1.L’interdiction du paiement en espèces : Cette opinion est défendue par les écoles malikite, chaféite et hanbalite. Elle repose sur une lecture littérale des hadiths qui mentionnent l’obligation de verser la Zakat al-Fitr sous forme de denrées alimentaires comme les dattes, l’orge ou le blé.
2.L’autorisation sans restriction : L’école hanafite, ainsi que des figures comme Al-Hassan Al-Basri, Sufyan Ath-Thawri et le calife Omar ibn Abdelaziz, autorisent le paiement en argent. Cet avis est également rapporté dans l’école chaféite et dans une version du madhhab hanbalite. Ceux qui le défendent estiment que l’objectif principal de cette aumône est d’aider les pauvres, et que l’argent pourrait mieux remplir cette mission.
3.L’autorisation conditionnelle : Certains savants hanbalites, dont Ibn Taymiyyah, admettent le paiement en argent en cas de nécessité ou d’intérêt avéré. Cette opinion s’appuie sur le principe que la règle de base est le versement en nature, mais que l’argent peut être utilisé si cela s’avère plus bénéfique.
Les arguments en faveur du paiement en argent
Plusieurs éléments historiques et contextuels soutiennent l’idée que la Zakat al-Fitr peut être acquittée en argent liquide :
•Un usage ancien : Dès l’époque des Tabi’ines (successeurs des Compagnons), des musulmans versaient déjà la Zakat al-Fitr en monnaie. Abou Ishaq As-Sabi’i témoigne : “Je les ai vus donner des dirhams en Zakat de Ramadan, équivalents à la valeur des denrées.” (Rapporté par Ibn Abi Shayba avec une chaîne authentique).
•Absence d’interdiction explicite : Aucune source authentique ne rapporte une interdiction claire du Prophète (ﷺ) ou de ses Compagnons concernant le paiement en argent.
•Équivalence de valeur : À l’époque du califat de Mu’awiya, les Compagnons ont accepté de payer un demi-sâ’ de blé à la place d’un sâ’ de dattes ou d’orge, considérant qu’ils étaient équivalents en valeur.
•Une meilleure efficacité pour les bénéficiaires : Aujourd’hui, l’argent est souvent plus utile que des denrées alimentaires, car il permet aux nécessiteux d’acheter ce dont ils ont réellement besoin. De plus, certains bénéficiaires sont contraints de revendre les denrées reçues à un prix inférieur à leur valeur réelle, réduisant ainsi leur bénéfice.
•Une adaptation aux réalités économiques : À l’époque du Prophète (ﷺ), le troc était dominant et la rareté des pièces de monnaie justifiait l’aumône en nature. Aujourd’hui, l’argent est le principal moyen d’échange, rendant le paiement en espèces plus adapté aux besoins actuels.
Conclusion : une approche pragmatique
Au regard des objectifs de la Zakat al-Fitr, qui visent avant tout à soulager les plus démunis, l’avis le plus pertinent dans le contexte actuel semble être celui qui autorise son paiement en argent. Cette flexibilité permet une meilleure prise en compte des besoins des bénéficiaires et une adaptation aux réalités économiques modernes.
Toutefois, chaque musulman doit s’efforcer de respecter l’esprit de la législation islamique en veillant à ce que la Zakat al-Fitr atteigne véritablement son but : permettre aux plus pauvres de célébrer l’Aïd dans la dignité.
Allah est plus savant.
DIANÉ MOUSSA