Mondiaux 2018 : La victoire après le drame Michael Woods, le champion qui s’est relevé de tout

MONDIAUX D’INNSBRUCK – Ses rêves de hockey et de course à pied se sont effondrés. Son année 2018 a été marquée par un terrible drame personnel. Mais Michael Woods a surmonté les épreuves pour se frayer un chemin tortueux jusqu’au podium des Championnats du monde.

Sacré destin que celui de Michael Woods. Sur le podium des Mondiaux, le grimpeur venu d’Ottawa a dû partager l’affiche avec Alejandro Valverde et Romain Bardet. Ces deux étoiles majeures du peloton ont alors attiré l’essentiel de la lumière. L’affirmation du Français sur les grands rendez-vous d’un jour et la leçon de pugnacité du vétéran espagnol ne doivent pourtant pas laisser dans l’ombre le parcours unique en son genre et la résilience exceptionnelle du Canadien, arrivé dans les pelotons professionnels à 26 ans passés et dont l’année 2018 a épousé des montagnes russes émotionnelles plus ardues encore que les terribles difficultés du parcours d’Innsbruck.
Commençons par le chemin improbable arpenté par ce poids-léger qui, gamin, se rêvait un futur parmi les brutes du hockey, a un temps émergé parmi les grands espoirs nord-américains de la course à pied et est finalement devenu champion cycliste sur le tard. Drôle de destin ? « Le concept de destinée est une connerie », écrivait Woods à la fin d’année 2015 dans un excellent article de blog pour Cyclingnews. « Beaucoup de gens m’ont dit que j’étais destiné à faire de l’argent en courant, et accomplir de grandes choses dans ce sport, mais cela, comme ma carrière de hockeyeur, ne s’est jamais réalisé. »Pour le hockey, c’est simple : le jeune Mike n’avait pas les prédispositions physiques nécessaires et il a fini par s’en rendre compte (douloureusement) à 14 ans.

Pour la course à pied, son talent semblait au contraire devoir rendre son ascension évidente : à 18 ans, il courait le mile (1 609m) en moins de 4 minutes et le 3 000 en moins de 8. Las, une fracture de fatigue récurrente au pied gauche a enterré le second « destin » de Woods, qui a tourné le dos au sport pro à seulement 20 ans. Diplômé de l’université de Michigan, il travaille notamment dans un magasin de chaussures puis dans la banque, avant que le destin frappe pour de bon à sa porte, sous la forme d’un vélo.

Ses qualités sont naturelles et évidentes, mais là encore, Woods est ambitieux (il s’est très tôt fixé l’objectif d’intégrer le World Tour) mais échaudé : « Quand j’ai commencé à rouler, et même lorsqu’on a commencé à me dire que j’avais une chance de devenir un cycliste professionnel, mes efforts passés m’avaient appris, malgré ma folle ambition, à être pour le moins sceptique. »

Passé pro en 2013, avec l’équipe Garneau-Québecor, Woods a heureusement trouvé quelqu’un de moins sceptique en la personne de Jonathan Vaughters. Après des performances intéressantes sur le circuit américain (et de sévères chutes qui l’ont également refroidi), le grimpeur canadien rejoint la Cannondale pour la saison 2016, à 29 passés. Au même âge, Valverde avait déjà remporté la Doyenne deux fois et fini à trois reprises sur le podium des Mondiaux, avant une suspension de deux ans. À chacun son destin

Woods ne se construira jamais le palmarès de Valverde. Il ne sera peut-être jamais champion du monde et espérons qu’il ne sera jamais impliqué dans une affaire de dopage. Dimanche, il s’est vu décrocher le maillot arc-en-ciel. Troisième, il ruminait une occasion dont il sait qu’elle ne se représentera peut-être pas, avant de réaliser la portée de ses exploits : premier Canadien sur le podium de Liège, il est seulement le deuxième médaillé sur un Mondial, 34 ans après Steve Bauer.

Woods ne se construira jamais le palmarès de Valverde. Il ne sera peut-être jamais champion du monde et espérons qu’il ne sera jamais impliqué dans une affaire de dopage. Dimanche, il s’est vu décrocher le maillot arc-en-ciel. Troisième, il ruminait une occasion dont il sait qu’elle ne se représentera peut-être pas, avant de réaliser la portée de ses exploits : premier Canadien sur le podium de Liège, il est seulement le deuxième médaillé sur un Mondial, 34 ans après Steve Bauer.

Trois semaines plus tôt, il était également le deuxième coureur venu du grand Nord américain à lever les bras sur la Vuelta. Ce jour-là, au moment de retranscrire ses déclarations de vainqueur dans le brouillard du Balcon de Bizkaia, je frissonnais et ce n’était pas à cause de la fraîcheur qui régnait cet après-midi-là. Ce n’était pas non plus lié aux supporters basques, immenses de ferveur et auxquels Woods a rendu un bel hommage.

À cet instant, j’écoutais un homme de 31 ans sangloter. Les larmes étouffaient la voix du grimpeur mais traduisaient mieux que n’importe quels mots ce que cette victoire pouvait représenter, au bout de la souffrance physique et mentale. « Je n’en pouvais plus », expliquera-t-il, « mais j’ai pensé à mon petit Hunter et je m’en suis servi comme d’une inspiration. » Hunter, le petit garçon que la compagne de Woods attendait, est mort après 37 semaines de grossesse. Deux mois plus tard, le Canadien imposait un silence douloureux et respectueux à tous ceux qui venaient de le voir s’arracher sur les terribles pentes basques.

Ce jour-là, plus que face à n’importe laquelle des épreuves qui l’ont mené aux sommets cyclistes, Michael Woods a montré qu’il était plus fort que le destin.