Sourde à la protestation étudiante qui s’est amplifiée, au fil des jours, contre la tenue de la conférence de Jeff McMahan, un professeur américain de philosophie étroitement lié à la sphère académique israélienne, la direction de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) a pu mesurer combien sa présence était indésirable sur son campus.
Elle a aussi appris à ses dépens, après avoir souverainement méprisé les appels réitérés à annuler sa venue, à quel point les partisans du mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) qui étudient sur les bancs de ses amphithéâtres représentent aujourd’hui une force militante avec laquelle il faut désormais compter au Liban.
Face au mur d’indifférence qui s’est dressé devant ses légitimes revendications, un groupe d’étudiants scandalisés de l’AUB a joué les trouble-fête pour la bonne cause, déterminé à révéler au grand jour les liaisons dangereuses nouées entre Jeff McMahan et Israël (il a enseigné dans plusieurs universités israéliennes, dont celle d’Haïfa, et ses articles sont régulièrement publiés dans Israel Law Review), lors de sa conférence au titre qui laisse songeur : « Repenser l’éthique de la guerre »…
Pas question pour eux d’offrir un boulevard à l’universitaire d’Oxford, et actuel conseiller du Département de philosophie de l’Université hébraïque de Jérusalem, pour qu’il redore insidieusement le blason de l’Etat d’apartheid au pays du cèdre, et qu’il se fasse le chantre, tout aussi sournoisement, de la normalisation des relations avec la chimérique « seule démocratie du Proche-Orient » !
En signe de leur plus vive désapprobation, les étudiants de l’AUB ont brandi des pancartes condamnant un jeu de dupes aussi insupportable que pernicieux, disant « Non à la normalisation » mais oui au « Boycott d’Israël », certains allant même jusqu’à scander « Mort à Israël ».
Après avoir déclaré en préambule qu’il « tenait compte des préoccupations des étudiants », tout en précisant qu’il était hostile au boycott d’Israël, la voix de Jeff McMahan a été rapidement couverte par la clameur de contestation qui a envahi l’amphithéâtre, d’où s’est élevée très distinctement la critique cinglante émise par le porte-parole de différents clubs étudiants, dont le Club culturel palestinien.
Celui-ci n’a pas eu de mots assez forts pour dénoncer une conférence contribuant « à la légitimation d’Israël », avant de fustiger Jeff McMahan pour en être l’un de ses plus redoutables artisans, car drapé dans sa respectabilité universitaire : « Nous tenons à souligner que vous n’êtes pas le bienvenu ici, pas en tant que Jeff McMahan, mais en tant que contributeur à la légitimation de l’entité sioniste qui, pour nous, n’a même pas le droit d’exister », a-t-il lancé.
La contestation étudiante s’est propagée sur les réseaux sociaux, où Gina Barghouti, fraîchement diplômée de l’AUB, a écrit : « Tant que les universitaires palestiniens ne bénéficieront pas du même traitement, des mêmes facilités, des mêmes privilèges que les universitaires israéliens ou les universitaires enseignant dans les institutions israéliennes, le recours au Boycott s’avérera juste et nécessaire pour attirer l’attention sur cette injustice criante ».
Ce n’est pas la première fois que les étudiants de l’Université américaine de Beyrouth s’illustrent par un coup d’éclat retentissant en faveur du boycott d’Israël. En 2016, ils avaient orchestré une grande campagne appelant à fermer le café Nestlé Toll House sur le campus, en raison de « son rôle dans le soutien à l’Apartheid israélien ». En l’occurrence, il semble que la direction de l’Université, arc-boutée sur ses positions concernant Jeff McMahan, ait eu la mémoire courte…