Trump limoge son ministre de la Justice, premier acte post-élections

Au lendemain des élections de mi-mandat, le président américain a limogé son ministre de la Justice. Jeff Sessions était attaqué de manière récurrente par Donald Trump pour s’être récusé dans l’enquête russe. Cette décision de la Maison Blanche a immédiatement tendu les relations avec le camp démocrate qui a remporté la majorité à la Chambre des représentants.

Comme toujours, le président américain a pris tout le monde de court et impose son tempo sur la vie politique. Il n’a pas soufflé un mot de ce remaniement lors de sa conférence de presse, mais l’a annoncé comme d’habitude, sur Twitter dans les heures qui ont suivi. En revanche, il a évoqué le travail du procureur spécial : « J’en reste éloigné, mais vous savez je laisse faire. Ils gâchent beaucoup d’argent mais je la laisse continuer, parce que je ne veux pas faire cela, mais je pourrais y mettre un terme n’importe quand. Je pourrais dire cette enquête est terminée. »

Le limogeage de Jeff Sessions a immédiatement changé le ton des échanges entre la nouvelle majorité démocrate de la Chambre et la Maison Blanche. « Il est impossible de voir dans le limogeage du ministre de la Justice autre chose qu’une nouvelle tentative flagrante de mettre un terme à l’enquête du procureur Mueller » a réagi Nancy Pelosi avant d’appeler au vote immédiat d’une loi pour protéger « la capacité du procureur à déterminer les faits ».

Les démocrates veulent enquêter sur le limogeage

La veille, après la victoire de son camp à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi avait évoqué la nécessité d’unité. « Les Américains en ont assez des divisions » avait-elle lancé. Le président avait lui aussi souligné son intention de travailler en bonne entente avec les démocrates.

Les démocrates, qui ont déclaré vouloir jouer le rôle de contre-pouvoir, vont certainement lancer une enquête sur le limogeage du ministre dès qu’ils auront pris la tête de la commission judiciaire de la chambre en janvier. Et ils ont prévenu : toute révocation du procureur Mueller entraînerait une crise constitutionnelle.

S’il est brutal, le départ de  Jeff Sessions n’est pas une surprise. Le ministre de la Justice était constamment conspué par le président pour s’être récusé dans l’enquête sur les ingérences russes.

Donald Trump a annoncé qu’il serait pour l’instant remplacé par Matthew Whitacker, l’actuel chef de cabinet du ministre. Il avait écrit un éditorial dans lequel il estimait que l’enquête du procureur Mueller allait trop loin.

L’idée chimérique d’une procédure en destitution

Donald Trump a promis de « retourner au travail » après les élections qui ont conforté sa majorité républicaine au Sénat. Mais le basculement de la Chambre des représentants dans le camp démocrate augure de deux années de dur combat politique.

A partir de l’entrée en fonction du prochain Congrès, le 3 janvier 2019, le président américain ne pourra plus faire adopter ses lois sans transiger avec les démocrates. Ceux-ci ont désormais un droit de veto sur le budget de la nation. Le mur à la frontière mexicaine, qu’il n’a pas réussi à faire financer avec le Congrès sortant, a toutes les chances de rester virtuel.

Même si Nancy Pelosi, la chef des démocrates à la Chambre, a expliqué qu’elle voulait avoir une approche constructive, certains élus démocrates veulent en découdre avec le président : lancer des enquêtes parlementaires sur les conflits d’intérêts, les finances personnelles et les interventions de Donald Trump.

Certains démocrates rêvent même de déclencher la procédure de destitution, alors qu’ils ne sont maîtres que de la Chambre des représentants. Ce serait « suicidaire », selon Vincent Michelot, professeur d’histoire politique des États-Unis à Sciences Po-Lyon :

« Je pense que ça serait une catastrophe pour le Parti démocrate. Il faut tout simplement rappeler la réalité. Il faut déjà une majorité simple à la Chambre des représentants pour voter les articles d’accusation. Ce qui n’est pas complètement automatique au vu des réticences d’un certain nombre de démocrates à s’engager dans une procédure que je qualifierai quasiment de suicidaire. Et puis ensuite, même si cette majorité pour les articles d’accusation est acquise, on sait que pour destituer le président, il faut une majorité qualifiée des deux tiers au Sénat, c’est-à-dire 67 sénateurs. Pour un Parti démocrate qui vient de perdre 4 voire éventuellement plus de sièges au Sénat, arriver à ce chiffre de 67, c’est tout simplement inimaginable, impossible. Il ne faut jamais dire jamais. Si bien sûr, comme le disent les Américains « the smoking gun », ce « pistolet encore fumant », apparaît dans le domaine public, il faudra voir comment il peut détacher un certain nombre de Républicains de leur président. Et il est très peu probable par exemple que l’enquête du procureur Mueller nous livre des résultats aussi flagrants. »

RFI