Abdourrahman ibn Awf est né en l’an 580 de notre ère et vécut environ 75 ans. Il est né au sein d’une famille faisant partie du clan de Banou Zouhoura, lequel faisait partie de la grande tribu de Qouraysh. La mère du prophète Mohammed (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui), Aminah, avait elle aussi fait partie de ce clan et c’est pourquoi les généalogistes affirment qu’Abdourrahman était le quatrième cousin du Prophète. Au moment de sa mort, il laissa derrière lui une fortune considérable. En dépit de sa fortune, il ne laissa jamais celle-ci contrôler sa vie. Sa seule motivation était son amour pour Dieu, pour le prophète Mohammed et pour l’islam et c’est pourquoi il utilisa sa fortune avec discernement, s’assurant ainsi que Dieu serait satisfait de lui.
Abdourrahman était l’un des plus proches compagnons du prophète Mohammed et l’histoire de sa vie est certainement exemplaire et vaut la peine d’être étudiée. Il fut l’une des huit premières personnes à accepter l’islam[1], deux jours après qu’Abou Bakr l’eût fait lui-même. Il est également une des dix personnes à qui le Prophète a lui-même annoncé la bonne nouvelle du Paradis.[2]
Et son caractère remarquable continua d’en inspirer plus d’un, longtemps après la mort du Prophète. Il fut l’une des trois premières personnes à prêter serment d’allégeance à Abou Bakr lorsque celui-ci devint le leader de la nation musulmane et l’un des six choisis par Omar ibn al-Khattab pour faire partie du conseil destiné à choisir un nouveau leader après sa mort.
Nous avons peu d’information sur les premières années d’Abdourrahman. Il est né environ dix ans après le prophète Mohammed et sa famille était très à l’aise. Au moment de sa conversion à l’islam, c’était un homme d’affaires qui voyageait régulièrement au Yémen. Lors d’un de ses voyages dans ce pays, il fit la rencontre d’un vieil homme qui lui parla d’une prophétie au sujet d’un homme qui allait appeler les gens à abandonner l’idolâtrie. Alors quand il revint à La Mecque et qu’il entendit Abou Bakr parler de Mohammed en affirmant que cet homme était prophète et qu’il disait aux gens de laisser tomber les idoles, il se convertit sur-le-champ.
À cette époque, très peu de gens connaissaient la nouvelle religion et, la Maison d’Arqam, où le prophète Mohammed enseignait secrètement aux nouveaux croyants, n’avait pas encore été établie. Abdourrahman eut la chance de parfaire sa foi dès le départ et c’est à cette époque que Mohammed changea son nom, Abdou Amrou (un nom païen) pour Abdourrahman (serviteur du Très Miséricordieux). Abdourrahman était un homme à la peau claire, grand, avec une épaisse chevelure, qu’il attachait en un nœud derrière sa tête, comme beaucoup faisaient, à l’époque.
Bien qu’il fût un commerçant prospère, Abdourrahman souffrit des graves persécutions qu’imposa l’élite mecquoise sur les premiers croyants. Alors quand Mohammed envoya un groupe de croyants chercher refuge en Abyssinie, il envoya Abdourrahman avec eux. Après avoir entendu dire que la situation des croyants s’était améliorée à La Mecque, Abdourrahman y retourna, mais découvrit que l’oppression et les persécutions étaient toujours présentes. C’est alors qu’il décida de suivre les musulmans qui migraient à Médine. Comme il devait partir rapidement, pour ne pas éveiller les soupçons, il quitta avec pour seuls bagages les vêtements qu’il portait et quelques effets personnels.
Une fois à Médine, le prophète Mohammed s’attela à unir les deux groupes de musulmans, i.e. ceux qui venaient d’émigrer et les natifs de Médine. Il les jumela, deux par deux, un de La Mecque et l’autre de Médine, et ils devinrent aussi proches que de véritables frères. Ils partagèrent tout et, comme ceux de Médine, n’ayant pas eu à tout quitter, possédaient plus que leurs frères de La Mecque, on leur donna le surnom d’auxiliaires. Abdourrahman fut jumelé à Saad ibn ar-Rabi. Saad était un homme très riche, qui alla jusqu’à offrir à Abdourrahman la moitié de son empire financier, qui incluait de nombreux vergers. Abdourrahman le remercia et fit de nombreuses invocations en sa faveur, mais refusa. Il demanda plutôt qu’on l’amène au marché public.[3] En peu de temps, il devint un marchand prospère et dit, un jour, que s’il soulevait une pierre au hasard, il ne serait pas étonné de trouver de l’or ou de l’argent au-dessous.
Il ne fallut que peu de temps avant qu’Abdourrahman ne devienne un homme très riche. Mais il ne laissa pas cette fortune corrompre son âme. Comme il était proche du prophète Mohammed, sa compréhension de l’islam était très profonde. Il était généreux à l’excès et savait qu’en partageant ses richesses, il faisait une chose qui plaisait à Dieu. En suivant l’exemple du Prophète, il aida les gens en secret et en public. Il savait que ses habiletés commerciales étaient un don de Dieu et il était heureux de pouvoir partager sa fortune avec ceux qui en avaient le plus besoin.
On rapporte qu’il donna, par ailleurs, 2000 dinars pour financier une expédition et, à d’autres moments, par amour pour Dieu et pour l’islam, il donna sans compter. Il finançait aussi l’affranchissement d’esclaves et donna 400 dinars à chacun des survivants de la bataille de Badr. Mais ses activités commerciales ne lui firent jamais négliger ses autres devoirs. Il participa à toutes les batailles et échauffourées et fut l’un des hommes sérieusement blessés à la bataille d’Ouhoud, après quoi il marcha en boîtant jusqu’à sa mort.[4] La dernière bataille à laquelle participa le prophète Mohammed fut celle de Tabouk et c’est là qu’Abdourrahman reçut un honneur que personne n’avait reçu précédemment. C’était l’heure de la prière et le Prophète n’était pas là pour les mener en prière. Les croyants choisirent alors Abourrahman pour le remplacer. Le Prophète arriva durant la prière et prit place derrière Abdourrahman.
Après la mort du Prophète, Abdourrahman continua de faire fructifier sa fortune et prit sur lui-même de pourvoir aux besoins des mères des croyants (i.e. des veuves du Prophète). Il finança leurs pèlerinages à La Mecque et leur laissa, à sa mort, un verger valant 400 000 dinars.[5] À la fin de sa vie, même si le Prophète lui avait annoncé la bonne nouvelle du Paradis, Abdourrahman continuait de s’inquiéter d’avoir peut-être reçu sa récompense en cette vie plutôt que dans l’au-delà. C’était un homme généreux et désintéressé, dévoué à Dieu, à Son prophète et à l’islam. Il gardait toujours à l’esprit que la fortune, lorsque mal utilisée, peut facilement mener à la corruption et à la damnation éternelle.