L’on croyait oublié le temps où les seigneurs exerçaient leur droit de cuissage, les esclavagistes racistes usaient du bois d’ébène, les bourgeois troussaient sans remords leurs soubrettes, et les musulmans abusaient religieusement de leurs esclaves femmes. Ce n’était là bien sûr qu’une cécité consciente puisque, parmi les sourdes violences faites aux femmes, la prostitution mondialisée est passée à l’échelle industrielle et qu’en tout pays ou presque le viol est un phénomène de société. Or, en ce contexte ou le politiquement correct ne regarde que d’un seul œil la souffrance de ces femmes, la montée en puissance de Daesh a réactualisé l’esclavage sexuel à l’encontre de femmes yézidies, mais aussi occidentales. Il ne manqua point alors de censeurs pour rappeler à la face du monde qu’en Islam l’esclavage sexuel était licite, et de citer le Coran à la barre. En vérité, nul doute que les musulmans ont été horrifiés par de tels faits au point parfois d’en dénier la réalité et de n’y voir qu’un énième complot islamophobe. Cependant, tous savaient aussi que l’Islam avait effectivement légalisé l’abus sexuel des esclaves par leurs maîtres et tous espéraient sans doute que ce n’était là qu’odieuse réminiscence d’un lointain passé obsolète. Schizophrénie obligatoire ou introspection nécessaire, quelle attitude adopter, comment se détourner de l’intolérable et, surtout, de l’indéfendable ?
De notre point de vue, lorsque nous avons abordé la question de l’Esclavage selon le Coran et en Islam nous avons montré que si l’Islam était resté esclavagiste c’était réellement d’avoir refusé et détourné le message coranique programmant l’abolition à terme de l’esclavage. Qu’en est-t-il donc de l’esclavage sexuel en Islam et que dit donc vraiment le Coran ?
• Que dit l’Islam
En l’article cité ci-dessus, et sans ambiguïté aucune, nous avons souligné que si l’esclavage est selon le Coran une violation fondamentale de la liberté et de l’égalité des êtres, l’abus des femmes esclaves par leurs maîtres est alors l’expression la plus inhumaine de cette servitude forcée. Pour autant, puisque les hommes de l’Islam n’ont pas suivi les recommandations coraniques et ont unilatéralement maintenu de facto l’esclavage, il n’est guère surprenant à ce que leurs mâles interprétations aient rendu licite l’esclavage sexuel. Nul ne songea alors à remettre en cause cette ignoble prérogative tant elle était inscrite dans les mœurs et tant la souffrance des femmes était perçue comme une norme évidente. Le machisme, le sexisme, la misogynie étaient la règle commune et non des concepts sujets à discussion. La domination des hommes sur les femmes, les mariages convenus ou forcés, le viol de guerre, l’utilisation sexuelle des esclaves semblait donc chose naturelle en ce monde absolument au service de la mâlitude. Il est vrai que le dominant n’entend pas les cris et les pleurs des dominés.
Ainsi, pour les juristes de l’Islam l’esclave est objet de pleine propriété de son maître, il ne possède aucune autonomie et lui doit obéissance en tout. Notons que cette définition est commune à toutes les situations d’esclavagisme toutes époques et latitudes confondues. Ceci étant rappelé, et comme conséquence directe de la déshumanisation générée par l’esclavage, les esclavagistes semblent avoir toujours abusé sexuellement des femmes esclaves, l’Islam des hommes n’a fait que prolonger cette indignité institutionnelle. Il a donc permis au maître de jouir sexuellement de ses esclaves femmes, et, ce, sans leur consentement et sans limitation de nombre. Peu importe qu’esclaves sexuelles et épouses légales, à des degrés différents, soient ainsi meurtries en leur chair, bafouées. Pour l’homme d’il y a mille ans, états d’âme et sentiments des femmes n’étaient pas même au programme, aussi a-t-il été dit par Ibn Kathîr en son tafsîr de S4.V3 : « Celui qui craint de ne pas être équitable [au sens technique et non en sentiments] envers ses épouses, alors qu’il se contente d’une seule femme ou bien qu’il prenne des esclaves, car leur nombre n’est pas limité et l’équité envers elles n’est pas une condition légale. » Pour inscrire cette profonde injustice dans le marbre de la Loi, en dehors de nombreuses arguties juridiques, l’Islam s’est légitimé du Coran à partir d’un énoncé coranique plusieurs fois répété,[1] ex. : « Bienheureux les croyants […] qui préservent leurs sexes [de tout rapport], si ce n’est avec leurs épouses ou ce que possèdent leurs mains droites, car en ce cas l’on ne peut les blâmer. », S23.V1-6. Le propos est clair, et il ne fait aucun doute pour les exégètes et le lecteur que les croyants peuvent avoir licitement des rapports sexuels avec « ce que possèdent leurs mains droites », c’est-à-dire leurs esclaves. Ce serait même le fait d’en être les propriétaires qui rendrait l’acte licite. Or, la signification du segment-clef « [avoir des rapports sexuels] avec ce que possèdent leurs mains droites » ne fait réellement sens qu’en fonction du passage coranique l’explicitant, S4.V24-25, que nous allons donc analyser. Bien évidemment, ce dernier a fait l’objet d’une intense activité exégétique destinée à harmoniser, non pas l’Islam au Coran, mais le Coran à l’Islam.