Les résultats du premier tour de la présidentielle tunisienne de ce dimanche 15 septembre ne sont que partiels, mais ils sont déjà un message très clair envoyé à la classe politique au pouvoir.
Ce lundi 16 septembre, à la mi-journée, l’instance de surveillance des élections (Isie) a publié les résultats de ce premier tour après 39% des bulletins dépouillés – les résultats définitifs tomberont au plus tard ce mardi 17 septembre. Et les chiffres sont très proches de la précédente mise à jour. L’universitaire conservateur sans parti politique Kaïs Saied est en tête avec 18,9% des voix. Suivi par l’homme d’affaires Nabil Karoui (15%) et le candidat soutenu par Ennahdha, Abdelfattah Mourou (13,1%).
Ce premier tour aura été marqué par une offre inédite de candidats – plus d’une vingtaine – et de choix « antisystème ». Les représentants des partis traditionnels, anciens ministres ou sympathisants de partis ont été balayés, à l’exception du candidat soutenu par Ennahdha, le parti d’inspiration islamiste qui a toujours pu compter sur un réservoir de votants disciplinés.
La participation, très faible à 45,2%, est à relativiser, car avec la hausse des inscriptions sur les listes électorales, le nombre de votants est quasiment égal (trois millions) avec la présidentielle de 2014 qui avait vu une participation de 63%.
Réactions politiques
Rapidement, Youssef Chahed a reconnu sa défaite et a repris son poste de Premier ministre, sans donner de consignes de vote. Idem pour Moncef Marzouki, l’ancien président. D’ailleurs, les candidats défaits consultent leurs bases en ce moment pour savoir s’il est opportun ou non d’appeler à voter pour l’un ou l’autre des prétendants.
L’homme en tête du scrutin, Kaïs Saied, a plusieurs fois commenté sa première place, sans marque particulière d’enthousiasme, évoquant le bien de la Tunisie. Kaïs Saïed a été le le candidat le plus discret au cours de la campagne électorale où il a séduit les jeunes : il n’a quasiment pas fait de déclaration auprès des médias et a organisé très peu de meetings. Il a d’ailleurs mené cette campagne électorale avec ses moyens personnels, et sillonné le pays dans sa propre voiture.
Du côté de Nabil Karoui, le style est différent. La fête, à son QG de campagne, a duré une bonne partie de la nuit malgré l’absence du candidat, actuellement en cellule à la Mornaguia.
Une longue campagne pour Karoui
La situation est inédite en Tunisie et n’est pas prévue par le code électoral. Ce vide juridique est en fait géré directement par le juge d’instruction en charge de l’affaire. Doit-il être libéré indépendamment du dossier qui pèse sur lui ? Doit-on lui assurer des moyens de communiquer malgré sa détention ? Des magistrats planchent en ce moment sur ces questionnements.
En attendant, son épouse Salwa Smaoui assure la campagne. Elle a pris le relais de son mari depuis son incarcération en août en multipliant les meetings partout dans le pays. Les citoyens ont découvert une femme battante, militante qui donne de la voix pour défendre les idées de son époux.
Nabil Karoui a commencé cette campagne avant tout le monde. Cela fait trois ans qu’il sillonne l’intérieur du pays, où l’État n’a pas investi. Sur place, il distribue des vivres, rencontre les classes populaires. Ses actions caritatives lui ont forgé l’image d’un homme généreux. « C’est quelqu’un d’humain, contrairement à toute la classe politique », confiait à RFI une veuve sans revenu, lors de son meeting de clôture.
L’échec d’Ennahdha
Du côté du camp arrivé troisième, Ennahdha, on préfère attendre les résultats définitifs avant de réagir même si on relativise déjà cet échec. D’abord parce que la priorité d’Ennahdha, ce n’est pas la présidentielle, mais les législatives du 6 octobre.
La disparition du président Béji Caïd Essebsi, en juillet, a totalement chamboulé le calendrier électoral, conduisant à organiser une présidentielle avant ces législatives. Or le parti ne pouvait pas se permettre d’être hors course, Abdel Fattah Mourou a donc été désigné il y a quelques semaines seulement.
rfi