Le thème a dominé la troisième édition de la conférence « Beirut Institute Summit », réunie cette semaine à Abou Dhabi, avec des mises en garde contre les risques d’un conflit ouvert qui pourrait durer de longues années.
La rivalité entre Ryad et Téhéran n’est pas nouvelle mais elle est entrée dans une phase dangereuse ces cinq derniers mois avec des attaques contre des tankers et autres incidents maritimes, et des raids sans précédent contre des installations pétrolières saoudiennes de premier plan, sur fond de tensions accrues entre Washington et la République islamique.
Les deux capitales ne se sont pas résolues, en dépit de ces incidents sérieux, à se parler directement.
« La guerre se produit quand la diplomatie échoue (…) et, dans cette partie du monde, il n’y a pas assez de diplomatie », a constaté Robert Blachwill, ancien ambassadeur américain et chercheur du Council on Foreign Relations.
« Comment cela se fait-il que l’Arabie saoudite et l’Iran, qui sont arrivés le mois dernier au bord de l’affrontement militaire, ne se parlent pas pour réduire leurs divergences? », s’est-il interrogé.
Selon lui, il n’existe qu’une « minorité qui pousse en faveur de la diplomatie » pour atténuer les tensions dans le Golfe.
La rivalité entre l’Arabie saoudite et l’Iran remonte à 1979, année du triomphe de la révolution iranienne.
L’Arabie saoudite, dirigée par une monarchie sunnite, a vu dans le prosélytisme de l’Iran chiite des années 1980 une tentative d’exporter son modèle « révolutionnaire » dans la région.
Les deux pays se sont livré depuis à plusieurs guerres par procuration, que ce soit au Liban, au Yémen, en Irak ou en Syrie, et le risque d’un affrontement direct a été réel après les attaques du 14 septembre contre les installations du géant pétrolier Aramco dans l’est de l’Arabie saoudite.
« Gestion du conflit »
Un mois après ces attaques qui ont réduit momentanément de moitié la production de pétrole de l’Arabie saoudite, les portes de la diplomatie restent désespérément fermées.
Seul le Pakistan a tenté une médiation. Son Premier ministre Imran Khan a eu des entretiens mardi à Ryad après avoir visité Téhéran.
« Comment peut-on parler à un régime qui déclare ouvertement qu’il est notre ennemi? », rétorque le prince saoudien Turki al-Faysal, figure influente à Ryad qui avait dirigé les services de renseignement de son pays et ses ambassades à Washington et Londres.
Ryad accuse Téhéran d’être derrière les attaques du 14 septembre, qui ont été revendiquées par les rebelles Houthis du Yémen, soutenus par l’Iran.
Mais l’Arabie saoudite n’a pas adopté la version américaine affirmant que les attaques avaient été lancées à partir du territoire iranien, en attendant les conclusions d’une enquête qui se déroule avec la participation d’experts de nombreux pays occidentaux.
La position de Ryad semble suggérer que le royaume évite de désigner directement l’Iran pour ne pas se trouver dans l’obligation de riposter militairement à ces attaques.
« Je ne vois dans un avenir proche aucune possibilité d’une résolution du conflit entre l’Iran et ses voisins », a néanmoins noté devant la conférence Mahmood Sariolghalam, qui enseigne les relations internationales à la National University of Iran.
« Je pense que nous devons (dans ce cas) nous concentrer sur la gestion du conflit », a-t-il ajouté.
Selon des spécialistes, l’Iran qui a étendu son influence au Yémen, au Liban, en Syrie et en Irak, ne veut pas d’un dialogue qui pourrait aboutir à réduire cette influence.
« L’Iran n’acceptera jamais l’idée qu’il soit enfermé dans ses frontières. L’Iran tente même d’utiliser la situation actuelle pour accroître son influence » régionale, avance Andrei Fedorov, ancien haut diplomate russe qui dirige actuellement le Fund for Political Research and Consulting.
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