« Et que vous jeûniez est certes meilleur pour vous, si seulement vous saviez ! » (Coran 2 : 184)
Le jeûne comme stimuli de la reconnaissance envers Dieu (chukr) et comme catalyseur d’une solidarité agissante.
La pratique du jeûne apprend au fidèle à éprouver dans sa chair, au-delà d’une simple émotion, la faim et la soif, ce qui doit le rendre conscient de sa dépendance vis-à-vis de Dieu et de Ses bienfaits et l’inciter à rompre avec l’ingratitude banalisée envers Lui
« Alors qu’il y a peu de Mes serviteurs qui sont reconnaissants » (Saba : 13) ; « Et si vous comptez les bienfaits d’Allah, vous ne saurez pas les dénombrer. Car Allah est Pardonneur, et Miséricordieux » (Coran 16 : 18).
La faim et la soif ainsi ressenties par le jeûneur doivent le pousser aussi à témoigner sa solidarité agissante à ses prochains et lointains qui sont privés de tout ou presque, partout dans le monde. Dans ce cadre, on comprend que le prophète (saws) redoublât de largesses dans la charité durant le mois de Ramadan.
Quand 1 vaut plus de 29 000
Le Coran nous dit que le mois de Ramadan contient la nuit de Qadr (laytalul qadr) qui vaut plus de 1000 mois d’adoration (environ 29 000 nuits ou 83 ans) :
« Nous l’avons fait descendre la nuit de Qadr. Qui te fera savoir ce qu’est la nuit de Qadr ? La nuit de Qadr vaut mieux que mille mois. En cette nuit, descendent les Anges et l’Esprit (l’Ange Jibrîl) avec la permission de leur Seigneur (et avec les ordres) pour toutes choses. Paix elle est jusqu’à l’aube » (Coran 97) ; « Nous l’avons fait descendre en une nuit bénie, Nous sommes en vérité Celui Qui avertit » (Coran 44 : 3)
Cette nuit d’une valeur cultuelle unique réservée à la Oumma du Coran et du prophète Muhammad (saws) est à chercher, selon les hadiths, dans les impaires de la dernière décade. Elle n’advient qu’une fois dans l’année lors du mois de Ramadan, d’où l’importance d’y être particulièrement attentif par la prière, les invocations et la demande de pardon. Lorsque notre mère Aïcha, qu’Allah l’agrée, demanda au prophète (saws) quoi dire si on est en nuit de Qadr, ce dernier répondit : « Tu dis : Ô Allah ! Tu es certes Celui qui pardonne et tu aimes le pardon alors pardonne-moi » (allahumma innaka ‘afuwwun tuhibbul ‘afwa fa ‘fu ‘annî)
Jeûner pour ne plus jamais avoir soif
Il existe une boisson qui étanchera à jamais la soif des jeûneurs : « Il y a certes dans le paradis une porte que l’on appelle ‘Ar Rayan’[1]. C’est par elle que les jeûneurs vont entrer le jour du jugement et personne d’autre qu’eux ne rentrera par cette porte. Lorsque le dernier d’entre eux sera rentré, cette porte sera fermée. Celui qui y entre boira et celui qui boira n’aura plus jamais soif » (Ibn Khouzeima)
Un secret entre Dieu et le jeûneur
Pour avoir « jeûné les mauvais penchants de la chair et le clinquant du monde », la rétribution devient un secret que Dieu garde entre Lui et le jeûneur : « Toutes les bonnes œuvres du fils d’Adam sont démultipliées du simple au décuple, jusqu’à sept cents fois, dit Allah — Exalté soit-Il —, sauf le jeûne, qui M’appartient et J’en octroie la rétribution ; (le serviteur) abandonne son désir, sa nourriture et sa boisson pour Moi. » ; « Le jeûneur éprouve deux joies, une première lors de la rupture du jeûne, et une seconde lorsqu’il retourne à son Seigneur. L’haleine du jeûneur est plus parfumée auprès d’Allah que le musc. » (Mouslim)
Il existe une relation entre le jeûne et l’invocation. En effet, les hadiths nous disent que le mode d’acquisition (licite ou non) de la nourriture et de la boisson influe sur la suite que Dieu accorde à l’invocation du fidèle. Si le concerné s’est procuré ce qu’il consomme par des moyens illicites comme le vol, la corruption, toutes sortes de tromperies et d’usurpation, un gain indu, l’usure, le trafic de stupéfiants ou de personnes, la prostitution, etc., alors Dieu n’exauce pas ses invocations. En d’autres termes, on ne peut pas agir contre l’agrément de Dieu et bénéficier de Sa sollicitude sans une demande de pardon ou un repentir entre les deux :
« Et quand Mes serviteurs t’interrogent à Mon sujet… Alors, Je suis tout proche : Je réponds à l’appel de celui qui M’invoque quand il M’invoque. Qu’ils répondent à mon appel et qu’ils croient en Moi afin qu’ils soient bien guidés » (Coran 2 : 186)
On comprend alors que le cœur et la langue de quiconque agit de sorte soient maculés de taches qui forment un écran entre lui et son Seigneur. Que dire alors du jeûneur qui est dans un état de dé-consommation voire d’a-consommation ? De ce fait, il est entendu de Dieu car pour consommer de l’illicite, il faut d’abord consommer, ce qui n’est pas son cas. Voici des hadiths qui parlent de l’état privilégié du jeûneur en rapport avec ses invocations du début à la fin du jeûne : « Voici trois invocations qui sont exaucées : l’invocation du jeûneur, l’invocation de l’opprimé, et l’invocation de voyageur » (al bayhaqi) ; « Le jeûneur a pour lui une invocation exaucée au moment où il rompt son jeûne » (Ibn Mâjah) ; « Et tout musulman dispose, de jour comme de nuit, d’une invocation exaucée » (al Bazzâr)
Jeûner le jour et prier le soir, un gage d’expiation et de pardon des péchés d’avant le Ramadan
Les péchés antérieurs au Ramadan sont expiés et pardonnés au jeûneur eu égard à l’acte du jeûne et aux prières surérogatoires du soir : « « Les cinq prières, le vendredi jusqu’au suivant et le Ramadân jusqu’au prochain expient ce qui est commis entre eux, si les péchés majeurs sont évités » (Muslim). Les oulémas expliquent que ce qui est dû à autrui doit être restitué autant que faire se peut et les péchés majeurs (al kabâ-ir) requièrent le repentir. Deux autres hadiths peuvent être cités dans ce même registre : « Quiconque jeûne le mois de Ramadan avec foi et dans l’espérance de la rétribution (de Dieu) verra ses péchés antérieurs pardonnés » (Bukhari et Muslim) ; « Quiconque accomplit les prières du soir durant le Ramadan avec foi et dans l’espérance de la rétribution (de Dieu) verra ses péchés antérieurs pardonnés » (Bukhari et Muslim)
En ce mois, il est recommandé d’accomplir les prières du soir (tarawih) en communauté derrière un imam qui récite soigneusement le Coran, mais il est également permis de les faire seul ou en famille.
Jeûne et gestion du temps
Le fidèle devra être vigilant en évitant tout ce qui peut annuler son jeûne, pour ne pas en tirer que la soif et la fin notamment de perdre son temps dans des activités sans valeur cultuelle ou tout simplement inutiles. C’est un mois qui ne doit pas être un prétexte au gaspillage, à la gourmandise, au sommeil excessif, à la paresse, au non-respect des horaires de travail, etc., même s’il reste légitime de réduire le temps de travail (de production) si possible, pour mieux se consacrer au jeûne et autres cultes y associés.
Quand donner vaut jeûner
Donner un repas de rupture ou son équivalent vaut au bienfaiteur la rétribution associée au jeûne de la personne bénéficiaire du don : « Celui qui nourrit un jeûneur pour la rupture du jeûne aura la même récompense que lui sans que cela n’enlève rien à la récompense du jeûneur » (Tirmizi)
Se retirer du monde pendant 10 jours pour mieux revenir
Les 10 derniers jours du Ramadan, le prophète (saws) pratiquait une retraite spirituelle dans sa mosquée et incitait sa famille à redoubler d’efforts dans le culte, étant donné que la nuit de Qadr est à rechercher dans la dernière décade, la meilleure de ce mois et de tous les autres. Après son rappel à Dieu, les épouses du prophète, mères des croyants, ont perpétué cette pratique du prophète (saws).
Jeûner pour être libre d’être au service de Dieu
C’est un mois durant lequel le jeûneur s’efforce d’éviter toute forme d’ostentation manifestée par une attitude, un comportement ou un propos, de fermer tous les « canaux » du ventre, du bas-ventre, de la vue, de la langue, de l’ouïe, qui incitent l’âme charnelle au mal, et tout comportement contraire aux exigences du jeûne. Car il s’agit d’apprendre à consacrer résolument toute son énergie à ce qui rapproche de Dieu et de résister à tout ce qui est susceptible de nous en détourner.
Hygiène alimentaire du jeûneur
Il est recommandé de prendre le repas du soir tardivement, au plus tard une dizaine de minutes avant la prière de Subh, et de rompre dès le coucher du Soleil avec des dattes (riches de nombre d’éléments bénéfiques à la santé du jeûneur sans rien exagérer) si disponibles ou un équivalent alimentaire, sinon avec de l’eau. Il est utile de tenir compte des conseils des diététiciens qui sont les oulémas de la bonne alimentation pour savoir comment se nourrir et boire durant le mois de Ramadan, tout en gardant des équilibres nécessaires à la bonne santé du corps en temps de jeûne.
Autres manifestations des attributs divins de compassion et de sagesse
Les deux attributs de compassion Rahmah et de sagesse hikmah ressortent encore dans le temps légal du jeûne de l’aube au coucher du soleil, et un mois entier sur 12. En effet, le jeûneur a l’occasion de « reprendre son souffle » après la rupture et de se voir autoriser à nouveau la nourriture, la boisson et les relations conjugales.
A noter aussi que le jour « musulman » étant variable en durée, le jeûneur expérimente différentes durées dans le mois et dans l’année, et il est de même pour les saisons. Il faudra aussi réfléchir à la sagesse qui se cache derrière la prescription du jeûne d’abord pour la partie diurne du jour, ensuite pour un mois entier et aussi pour une fréquence de 1/12 ! La prescription coranique du jeûne est telle, que compte est tenu de la vulnérabilité et de la fragilité des êtres que nous sommes, et prévoit des situations critiques où le corps ne pourrait supporter le jeûne ou le faisant serait exposé à de graves dangers pour sa santé.
On ne jeûne pas pour mourir, mais pour se donner les moyens spirituels d’être au service de Dieu et non de ses mauvais penchants. D’où les compensations prescrites au fidèle dont la situation ou l’état de santé sont difficilement conciliables avec les exigences du jeûne : le voyageur, le malade, la personne âgée, etc. Si nous étions à même de savoir tout ce que la pratique du jeûne recèle de bienfaits de toutes sortes, nous aurions souhaité le faire tout le temps de notre petite vie sur terre. (à suivre)
[1] Les oulémas expliquent que c’est le nom que les arabes donnent à une personne qui a bu à satiété
Source: https://oumma.com/le-jeune-comme-remede-a-la-ruine-de-lame-3eme-partie/