Au Sénégal, tous les chemins mènent à Touba

« Dans les lieux secrets du pouvoir » (1/4). Clubs secrets, résidences privées, hôtels mythiques… « JA » vous emmène au cœur de ces « autres » lieux de pouvoir. Aujourd’hui, Touba, berceau du mouridisme, qui entretient de longue date des relations d’influence complexes avec les politiques.

Dans la nuit du 23 au 24 juin 2016, vers 1 ­h 30 du matin, Karim Wade savoure ses premiers instants de liberté après 38 mois passés derrière les barreaux de la prison de Rebeuss, à Dakar. Sur le tarmac de l’aéroport international Léopold-Sédar-Senghor, un jet privé l’attend, affrété par l’émir du Qatar. Le procureur général qatari a fait le déplacement pour l’accueillir.

Avant de partir en exil à Doha, le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, « ministre du Ciel et de la Terre » entre 2009 et 2012, marque une seule halte entre sa prison et l’aéroport, dans le quartier cossu des Almadies, au domicile de Madické Niang.

Plusieurs fois ministre (notamment de la Justice et des Affaires étrangères), cadre influent du Parti démocratique sénégalais (PDS) et homme de confiance d’Abdoulaye Wade, cet avocat discret, très introduit à Touba, est à l’époque l’un des principaux intermédiaires entre le PDS et le khalife général des mourides, Serigne Sidy Mokhtar Mbacké.

LE PASSAGE PAR TOUBA EST INCONTOURNABLE POUR TOUT CANDIDAT À LA PRÉSIDENTIELLE

C’est donc chez ce dernier que Karim Wade reçoit, en toute discrétion, les bénédictions adressées par l’autorité religieuse la plus influente du pays, via le fils du khalife, Serigne Moustapha Mbacké, venu de Touba. Durant son incarcération, Karim Wade avait d’ailleurs bénéficié des berndé du guide spirituel de la confrérie mouride : des offrandes de nourriture pour agrémenter son quotidien carcéral.

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