Les ados ont en moyenne 14 ans et 5 mois quand ils visionnent pour la première fois de la pornographie.
- Marion Haza Psychologue clinicienne, fondatrice et Présidente de l’Association de Recherche Clinique sur l’Adolescence
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« Si vos enfants et ados regardent du porno, ne paniquez pas, mais parlez-en avec eux ! »
De plus en plus d’ados et d’enfants ont accès à la pornographie en ligne, volontairement ou involontairement. S’il convient de ne pas s’alarmer qu’un adolescent visionne du X, il faut à tout prix protéger les plus jeunes, qui peuvent souffrir de graves conséquences, sur le moment ou plus tard.
La pornographie n’a rien d’un phénomène nouveau. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est la facilité d’accès aux films pornographiques, particulièrement de la part des plus jeunes: téléphones portables, tablettes, consoles et ordinateurs de bureau sont désormais partout, du salon à la chambre des enfants, en passant par leurs poches et donc la rue ou la cour de l’école. Le développement d’Internet, et singulièrement de l’Internet portable, fait que le porno est désormais accessible partout, tout le temps.
Un phénomène en expansion
Les études se suivent et se ressemblent. Près d’un enfant sur deux aurait été confronté à des contenus pornographiques apparaissant notamment sur les sites de streaming illégal qu’ils – et leurs parents – affectionnent. Selon une étude réalisée par l’IFOP en 2017, la moitié des adolescents âgés de 15 à 17 ans aurait déjà surfé sur un site pornographique, une proportion en nette hausse (+14%) en quatre ans. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les filles représentent 37% des utilisateurs de ces sites, majoritairement gratuits (à 96%).
On constate également un rajeunissement de l’accès à la pornographie: les ados ont en moyenne 14 ans et 5 mois quand ils visionnent pour la première fois de tels contenus, contre 14 ans et 8 mois en 2013.
Deux ados sur dix affirment même avoir regardé leur premier film pornographique entre 11 et 12 ans, et un sur dix avant 11 ans. Une expérience que plus de la moitié (55%) des premiers concernés juge prématurée et choquante (à 52%), bien qu’ils estiment à 45% que ces vidéos participent de leur « apprentissage » de la sexualité.
Accompagner les ados dans leur découverte de la sexualité
Faut-il s’inquiéter de cet accès de nos ados à la pornographie? Je crois qu’il convient, tout d’abord, de différencier le visionnage volontaire de pornographie des images vues de manière non souhaitée. Ces images ou vidéos apparaissent, le plus souvent, via des sites ou plateformes non-X, comme les sites de streaming illégal ou de jeux en ligne qui visent surtout les enfants et ados.
Générant plusieurs centaines de millions de dollars de recettes publicitaires de par le monde, ces contenus s’imposent de manière intempestive et peuvent confronter les plus jeunes à des images violentes et inadaptées.
Il ne faut pas s’alarmer outre mesure de ce que son ado regarde du porno. La question de la sexualité fait partie des interrogations qui, de tout temps, ont intéressé les jeunes, particulièrement à l’âge de la puberté. Regarder du X est une manière comme une autre de découvrir la sexualité et ne conduit pas nécessairement à de graves conséquences, comme des comportements pervers ou violents. Toutefois, il faut décrypter ces images, avec et pour les jeunes. Il est donc important que les parents acceptent l’idée que leur adolescent visionne du porno, et qu’ils ne s’immiscent pas dans sa sexualité. Ne pas s’immiscer ne signifie pas ne pas parler, mais dédramatiser et accompagner son ado dans sa découverte de la sexualité.
L’important est de faire comprendre à l’ado que le porno n’est qu’une représentation parmi d’autres de la sexualité: son environnement, ses parents, ses amis, d’autres couples, des films, l’infirmière scolaire ou des sites spécialisés comme Fil Santé Jeune, participent également de son éducation sexuelle.
Il convient aussi d’insister sur le caractère fictionnel de la pornographie, qui est une industrie cinématographique avant tout, avec ses montages et ses ficelles: de la même manière qu’un film de guerre ne représente pas fidèlement la guerre, avec ses clichés et ses stéréotypes de genre ou de performance, un film porno ne représente pas la richesse de la sexualité dans son ensemble.
Protéger les jeunes enfants
S’il ne faut pas s’alarmer de ce que les ados regardent du porno, il n’en va évidemment pas de même pour les jeunes enfants. Avant la puberté, la sexualité est irreprésentable. Elle ne correspond à rien. L’enfant visionnant du X ne peut comprendre ce qu’il voit.
L’enfant confronté à de telles images peut ne pas réagir sur le coup, intérioriser son mal-être, qui ressortira par exemple au moment de l’adolescence.
Ne comprenant pas ce qu’il voit, il peut aussi culpabiliser, avoir l’impression d’avoir transgressé un interdit, et le cacher par peur d’être grondé. Peuvent apparaître des symptômes comme des troubles du sommeil, de l’alimentation, des problèmes à l’école ou de l’irritabilité, qui doivent alerter les adultes. Aux parents d’expliquer à l’enfant qu’il peut voir des choses qu’il ne devrait pas sur sa tablette ou son portable, et qu’il peut leur en parler sans avoir peur d’être puni.
Les parents doivent accepter d’évoquer la sexualité et la pornographie avec leurs enfants. Sans jamais être intrusifs, ils doivent se faire éducateurs, les prévenir, comme ils le feraient en leur interdisant de monter dans la voiture d’un inconnu, des risques d’Internet.
Enfin, il faut que les instances publiques assument leurs responsabilités en la matière et mettent fin à cette hypocrisie, en limitant la prolifération de sites illégaux — pornographique ou de streaming — en libre accès sur le Web ; c’est ce que la ministre Rossignol, avait tenté de faire avec son groupe de réflexion sur l’exposition des enfants à la pornographie. Il est temps de prendre ces dangers vraiment au sérieux, parce que le numérique participe aujourd’hui à la construction de la future génération d’adultes et de parents.
Source : www.scoopnest.com