Pr KONATÉ Yacouba « l’organisation de la CAN est un moment de construction de la mémoire et de l’histoire nationale»
Depuis le 13 janvier 2024, la Côte d’Ivoire organise la 34e coupe d’Afrique des nations. Dans le cadre de cet évènement, plusieurs activités sont organisées. Yacouba Konaté, professeur de philosophie de profession critique d’art, auteur et directeur de la Rotonde des Arts sis à Abidjan Plateau, a réalisé une exposition sur la CAN de 1983. Entretien avec Islaminfo.
Islaminfo : Professeur, vous avez réalisé une exposition sur les Coupes d’Afrique des nations, pourquoi cette initiative ?
Pr Yacouba Konaté : Je l’ai faite à l’occasion de la CAN qui est en cours actuellement. Mais en vérité, avec ou sans cela, quand l’idée de monter cette exposition m’est venue, nous étions en 2006 et on n’avait aucune certitude que la CAN se tiendrait ici en Côte d’Ivoire. Surtout, je ne pensais pas que je trainerais sur ce projet de 2006 jusqu’à 2023 où il a vu le jour. Heureusement j’en avais parlé à un de mes amis qui se trouve être le patron de la Fondation Noor Al Hayat. Ce dernier était ami avec Idriss Diallo, président de la Fédération ivoirienne de football ainsi qu’avec Fekessé qui deviendra plus tard le président du Comité d’organisation de la CAN en Côte-d’Ivoire. Ce dernier, ayant connaissance de mon projet, me proposa donc d’intégrer le comité dans l’espoir qu’il voie le jour dans un contexte institutionnel. L’idée était que les jeunes, quel que soit leur domaine, puissent connaître les anciens qui les ont précédés, et je pense que psychologiquement on devient plus fort lorsqu’on se remplit de la certitude que nos parents et nos ainés nous poussent pour faire au mieux notre travail. Donc l’idée était que les éléphants peuvent être meilleurs s’ils sentent qu’il y a des forces derrière eux.
Ça c’était l’aspect psychologique, l’autre aspect était structurel. Etant un professionnel des expositions, je suis très préoccupé par la question des espaces d’exposition. Je m’étais dit que si je réussis à faire une exposition monumentale, cela pourrait donner l’envie aux autorités ivoiriennes de construire un musée du football en Côte-d’Ivoire. C’était cela la réelle idée derrière cette exposition. Je me suis dit que même si je n’ai pas les moyens pour financer ce musée, je peux néanmoins donner une partie des contenus qui le constitueront ; c’est l’un des objectifs que je poursuis à l’intérieur de cette construction.
Quelle a été l’affluence ?
L’affluence a été très grande. D’abord avec l’ouverture. Ce jour-là je pense qu’on a eu entre 800 personnes et depuis, l’espace ne désemplit pas. Vous avez pu le voir en rentrant, les personnes viennent, visitent et sortent, cela vous donne déjà une idée de l’ambiance qui règne à l’intérieur. L’autre chose qui nous a beaucoup fait plaisir, est que cette exposition fait partie d’un programme appelé « Abidjan hard to ik », que j’ai monté avec des professionnels de l’exposition des galeries en Côte d’Ivoire. L’ouverture de ce programme s’est faite ici même, à la Rotonde du Plateau d’où l’affluence dont je vous parlais tout à l’heure.
J’ai eu l’attention de beaucoup de professionnels internationaux venus spécialement pour l’occasion, des personnes venues du Sénégal, du Burkina Faso, du Benin, etc. Je peux donc dire que l’audience est bonne. Actuellement nous programmons des visites de groupes des lycées et universités. Le dernier groupe qui nous a approchés était l’université internationale de Grand-Bassam qui doit nous envoyer 100 personnes la semaine prochaine. Parce que cette exposition est aussi faite pour susciter des visites et lorsque nous avons la chance d’avoir une exposition qui est à la limite de l’histoire de la création artistique pure, l’opportunité est bonne pour que les gens qui ne rentrent pas habituellement dans les galeries puissent franchir le pas.
Pourquoi pas un livre ?
Le livre viendra. Quand on fait une exposition on fait aussi ce qu’on appelle un catalogue. Mais la charge de travail était telle que je n’ai pas eu le temps matériel ni les moyens financiers pour sortir le livre. Je pense aussi que le livre va être enrichi par la CAN qui est en cours, parce que le propre de cette exposition, c’est de rappeler les principales CAN auxquels la Côte-d’Ivoire a participées, ainsi qu’une petite histoire ou un petit récit sur l’histoire du football en Côte-d’Ivoire, ses grands moments, etc. D’où le titre de cette exposition « Histoire de CAN : mémoire d’éléphants ». Ces mémoires-là peuvent être tristes ou bonnes. En gros, voici un peu la trame théorique du livre sur lequel je travaille actuellement et j’espère que cela donnera à tous ceux qui aiment le livre, un instrument qui leur permettra d’approfondir la réflexion non seulement sur le football mais également sur le loisir dans le temps moderne et contemporain.
Dans quel contexte la CAN 84 a-t-elle été organisée ?
Il faut savoir que cette CAN est une compétition que la Côte-d’Ivoire n’a pas demandée explicitement à organiser et c’est vraiment la différence entre elle et celle de 2023. De base, c’est le Malawi qui était pressenti pour l’organiser mais il a fait défaut. À ce moment, le président de la Confédération africaine de football d’alors s’est approché du président Houphouët Boigny et lui a demandé d’organiser cette CAN. Nous l’avons donc organisée et est resté dans la tête des populations, dans leur souvenir comme un grand moment, mais bordé d’amertume puisque nous sommes sortis au premier tour. Selon les aveux de feu Felix Houphouët Boigny, lorsque la Côte d’Ivoire organisait la première CAN, il n’avait pas vraiment compris les enjeux réels du football car étant lui-même plutôt un passionné de la boxe. Lorsque nous avons perdu, évidemment tout le pays était triste mais le président a su faire preuve de grande sagesse en réconfortant le peuple.
Pour faire cette exposition, j’ai eu la chance de faire pas mal d’interviews et l’une des personnes ressources de cette époque était Gadji Celi, qui était déjà capitaine en 1984 et à qui on donna un mandat pour qu’il prenne au sérieux la parole du président d’alors, FHB. On lui donna en quelque sorte la longévité en tant que capitaine de l’équipe nationale avec la responsabilité de mettre en place ce qu’il faut pour que la Côte-d’Ivoire arrive un jour à remporter la CAN. Il fait partie de ceux qui font la charnière entre cette CAN qu’on a perdue en 1984 et celle qu’on va gagner en 1992 avec l’éclosion des talents tels que Abdoulaye Traoré. Cette CAN de 1984 s’est faite aussi dans un contexte de crise au niveau de la fédération. Les résultats n’étant pas bons vu que nous avions pris l’organisation de manière extrémiste. Et donc les malentendus au niveau de la FIF n’étaient pas très sereins. C’est à ce moment-là qu’un comité d’organisation verra le jour et sera d’ailleurs chapoté par le grand chancelier de l’époque.
Quelles sont les infrastructures qui ont été construites pour la CAN 1984 ?
D’abord il faut savoir que c’est essentiellement le stade de Bouaké qui en a profité ; le stade Félix Houphouët Boigny venait d’être rénové, et dans la foulée il y a eu le Palais des Sports de Treichville. C’est vraiment dans cette période que les infrastructures se sont mises en place. Mais la grosse infrastructure dont on peut se souvenir est le stade de Bouaké qui, avant cette période, était vraiment une petite chose. Donc cela fait partie des acquis qui comptent, mais on n’avait pas eu le temps de faire tous les grands travaux que le président Ouattara a engagé parce que la Can que nous sommes en train de faire a été acquise depuis au moins 2014-2016. La Can de cette année a contribué à changer positivement le visage du pays. Cela a été vraiment une sorte d’opportunité d’aménagement du territoire en profondeur, les villes de l’intérieur en ont profité, les aéroports, les hôpitaux ; les routes n’en parlons pas. Mais ce n’est pas le même type d’investissements qu’on a eu en 1984.
Comment était l’engouement avant la CAN et la grande amertume après ?
En 1984, l’engouement était très fort parce que, le foot est un sport populaire qui soulève des passions et puis la Côte d’Ivoire a déjà une certaine histoire de différentes participations à plusieurs CAN. On n’avait jamais gagné, mais on avait de grands champions, Laurent Pokou, par exemple. Ce dernier était déjà allé en France mais ne pouvait pas jouer à cette époque car ce n’était plus sa génération. Aussi, c’était une période où 80% des joueurs de l’équipe nationale jouaient dans les équipes locales. Ils n’étaient pas très nombreux à l’époque. Aujourd’hui c’est l’inverse. Nous sommes aujourd’hui dans une sorte de mondialisation du sport, c’est pour cela que la CAN, il faut la saluer ici comme un moment de retour en Afrique de tous les champignons du foot africain qui évoluent dans les grands ou petits clubs en Europe et dans le monde.
C’est l’occasion pour eux de revenir à la maison, de jouer et d’afficher leur nationalité, de contribuer aussi à l’animation de la scène publique non seulement en Côte d’Ivoire, mais aussi dans toute l’Afrique et dans le monde. L’amertume quant à elle est venue du fait qu’on soit sortis trop top en 1984. En 2000 lorsque la Côte d’Ivoire va à une coupe qui a eu lieu avec le Nigeria, au Ghana, le président Guei emmenait les joueurs à Zampakro à cause de la grande défaite que l’équipe a subie. Il les y a emprisonnés, et cela a permis à Zampakro d’avoir la popularité qu’on lui reconnait aujourd’hui.
Quelles sont les anecdotes autour de la CAN 1984 ?
Je ne pourrai pas vous en dire autant. Ce sont les personnes qui peuvent vous le dire avec la note qu’il faut. Ce sont des gens comme Eugène Kakou, mais l’une des choses dont je me souviens c’est qu’il n’y avait pas de mascotte en tant que telle à l’époque. Cette année, nous avons une mascotte qui faisait le tour. On avait construit un gros éléphant à l’intérieur du stade Felix Houphouët Boigny pendant la cérémonie d’ ouverture. Après le petit défilé qu’il y a eu, on a fait barrir un éléphant et à chaque barrissement il y avait des gens qui étaient à l’intérieur de l’éléphant qui lâchaient des oiseaux qui sortaient des oreilles et des trompes. L’éléphant était gros si bien qu’il a barré la vue aux spectateurs, non seulement le jour du match mais pendant des années aussi jusqu’au jour où on décide de le casser parce qu’on ne savait pas comment le sortir de là.
Parlez-nous un peu du rôle du président Félix Houphouët Boigny dans cette CAN?
Le président s’intéressait passablement au foot, mais à un moment bien précis. Le président Houphouët a accepté d’organiser in extrémis cette coupe pour ne pas que la CAF soit complètement en panne après la défection du Malawi. Il a dit qu’il ne s’intéressait pas assez au foot et c’est à partir de notre défaite de 1984 désormais que le feeling nait.
Comment est-ce qu’il a réagi après la défaite ?
Il a réagi avec sagesse. Il a avoué qu’on les a appelés trop tôt les éléphants. Pour lui, les joueurs n’étaient que des éléphanteaux. Laissons-les le temps de grandir, aimait-il à dire, pour qu’ils nous ramènent la coupe quand ils seront de vrais éléphants. C’était très sympathique. Et c’est un peu ce que Ouattara a dit aussi le jour où l’on était pratiquement éliminés. Il a dit pour sa part que l’équipe était jeune donc il ne faudrait pas se décourager, il fallait leur laisser le temps de grandir, de murir et le meilleur est pour plus tard.
Avez- vous reçu des soutiens privés ou institutionnels pour cette exposition ?
Oui. J’ai reçu le soutien privé de la Fondation Noura Rayât puisque c’est elle qui m’héberge, me donne un peu d’argent pour toutes les expositions que je fais. Mais les soutiens institutionnels que j’attendais sont toujours en cours. Je n’ai pas reçu de soutiens institutionnels jusqu’à ce jour.
Pouvez-vous nous parlez des caractéristiques principales de cette CAN 2024 ?
En 1984, je ne sais pas si on avait reçu cinq cents personnes de l’étranger. Mais aujourd’hui, on reçoit plus d’un million de participants du monde entier. Autre chose, en 1984, on a organisé la CAN au pied levé donc les infrastructures qu’on a mises en place étaient modestes alors que cette fois-ci, c’est une vraie politique d’aménagement du territoire qui a été mise en place.
Comment expliquez-vous cet engouement international exceptionnel ?
Je pense que cela est lié au contexte global de la mondialisation. Aujourd’hui, la communication de masse produit des effets qui sont puissants. En plus de cela, la Côte d’Ivoire a su confiner sa réputation de terre non seulement d’hospitalité mais de terre d’accueil des grands évènements. On a fait l’Afro basket, les jeux de la francophonie, la CAN des Juniors et surtout on a un pays de champions, et on a été deux fois champions d’Afrique. Donc il y a le leadership économique, politique et global même de la Côte d’Ivoire dans la sous-région de l’Afrique de l’ouest et la région Afrique qui compte. Indépendamment de cela, il y a la qualité de l’organisation incluant aussi toute la politique de communication qui s’est mise en place. Une autre chose qu’il faut prendre en compte, c’est que désormais plus que jamais, le foot est devenu l’une des plus grandes tribunes des loisirs. En termes d’audience, il faut savoir que l’échelle qu’occupe la CAN dans le classement des grands évènements est très élevé.
Donc tout cela mis ensemble avec le contexte de la mondialisation et avec le fait aussi que désormais le Foot est beaucoup médiatisé tous les jours, il y a des matchs de foot, les Ivoiriens voient des matchs de foot à la fois en France, en Allemagne et maintenant dans les Émirats. Tout cela est donc mis ensemble, je pense que ça fait que l’audience ne pourrait être que magnifique. Mais le facteur qui est déterminant, reste quand même la qualité de l’organisation et la sagesse que nous avons eu d’insister sur la destination Côte d’Ivoire.
Pourquoi, selon vous, le président Alassane Ouattara s’est-il impliqué dans l’organisation de cette CAN ?
C’est sa responsabilité puisque c’est la coupe des nations. C’est lui qui est le premier citoyen du pays organisateur. Il est le premier concerné et il ne s’est pas seulement impliqué seulement dans l’organisation. Il s’est impliqué aussi dans l’initiative de dire qu’on veut organiser la CAN. Au Cocan, je suis conseillé culturel du président. J’ai vu toutes les démarches qui ont été faites depuis le temps où la candidature était en négociation jusqu’au moment où on valide les thèmes, les dates et tout cela. Donc, c’est sa première responsabilité parce que les enjeux de l’organisation de la CAN sont énormes. Ça peut renforcer le pouvoir de bien organiser la CAN, mais peut aussi affaiblir les légitimités d’un leader politique si la CAN.
Il a gagné à tout prix. On peut très bien avoir une organisation parfaite et ne pas la gagner parce que c’est deux choses différentes. La question de l’organisation ne peut être réussie que si l’État s’en mêle et s’implique parce que les fédérations de foot en Côte d’Ivoire ou disons en Afrique en général, n’ont pas les moyens de l’organisation d’une CAN. Mais la CAN, c’est une manifestation qui appartient à la CAF. La CAF elle-même, qui est une structure de la Fifa. Donc, ce sont des associations qui ne rentrent pas directement sous l’autorité directe de l’Etat.
Mais, comme cela s’organise dans un État et que la Fédération n’a pas les moyens de l’organiser, c’est-à-dire de la financer, il a fallu que l’État monte en première ligue pour mettre en place un comité d’organisation. Et le président de la République est le premier responsable de cette organisation via le Premier ministre qui est le maître d’œuvre de toute l’architecture.
Quelles sont ou quelles seront les retombées sportives, artistiques, intellectuelles, économiques et sociales de cette CAN 2023 ?
Les retombées sportives, c’est d’abord qu’il y a des infrastructures. Il faut savoir que chaque équipe qui est venue, les 24 équipes avaient chacune, un stade d’entraînement et vous pouvez croire que ce n’est pas des champs de patates. C’était des stades énormes et sur ce point de vue il y a les lycées de Bingerville, d’Abidjan, de San Pedro. On n’a pas seulement construit dans les lycées. Des stades ont été construits et des stades qu’on a mis aux normes internationales. Tous ces stades d’entraînement, restent pour la jeunesse. Donc, déjà au plan sportif, ceci est un acquis. L’autre chose est qu’il y a plusieurs jeunes qui ont été formés pour encadrer l’événement. Il y a plusieurs jeunes de l’Injs, plusieurs élèves qui ont été pris pour travailler dans le comité d’organisation et il y a plusieurs étudiants et même des gens qui étaient sans emplois, qu’on a engagé aussi comme volontaire, et qui ont appris à organiser les grands événements comme cela.
Donc cela les qualifie pour diriger les évènements comparables. L’autre aspect sportif c’est qu’évidemment, la Fédération elle-même a appris à connaître que l’entraîneur qui était là n’était pas bon. Donc, elle a appris à réagir très vite et a ajusté. J’espère qu’on va en tirer les bonnes leçons pour faire confiance à notre jeunesse pour confier cette équipe-là définitivement à des Ivoiriens, des professionnels Ivoiriens quitte à ce qu’ils prennent conseil où ils voudront. Mais je pense que vraiment il est grand temps que l’équipe nationale soit dirigée par des gens, par des nationaux ou parmi les meilleurs que nous avons.
Alors donc, tout cela constitue des enjeux sportifs. Au niveau artistique ?
Au niveau artistique, vous avez vu la grande fresque qui a été faite à la cérémonie d’ouverture. Ce sont des artistes qui l’ont réalisées. Le chorégraphe c’est GEORGE MANBOW qui est quelqu’un de mondialement connu mais qui n’avait pas réalisé directement quelque chose de cette envergure-là ici. Mais, il était déjà impliqué dans la coupe du monde en Afrique du sud en 2010 et ça, c’est une chose, mais, il faut penser à tous ces artistes qui, tous les jours, ont sorti des morceaux qu’on écoute depuis un moment et donc, certains vont rester et vraiment comme la bande son de 2023, 2024. Cela permet d’avoir une mémoire de ces événements.
Les retombés artistiques aussi c’est que moi j’ai fait cette exposition. J’espère que très modestement, cela pourra compter, que les gens vont comprendre qu’on peut construire des expositions autour d’un événement sportif. Je pense aussi qu’au plan de l’animation des espaces, vous savez que tous les soirs, il y a un grand concert sur cet espace lagunaire : Laguna Show. Cela révèle un promoteur qui a montré qu’il peut prendre des initiatives concurrentes. J’espère que cela va lui donner l’idée de construire quelque chose. C’est aussi tous ces maquis qui s’ouvrent, qui font des animations pour que les gens viennent voir les matchs chez eux et qu’après, il y ait des animations culturelles. Nous gagnons énormément en termes de retombées artistiques.
Et au niveau intellectuel ?
Le niveau intellectuel va avec le culturel. Voilà, donc à partir du moment où tu montes une exposition, hier j’étais à une conférence je ne sais pas si c’est CAN tan CAN il faut le dire. Je pense qu’au plan intellectuel, je pense que les intellectuels comprennent à partir d’un moment comme celui-là, que le foot ce n’est pas juste un divertissement et que c’est une activité, c’est un sport de masse qui mérite qu’on l’interroge. On essaie de comprendre les ressorts et notamment de comprendre il y a telle engouement par exemple l’interview que vous faites, toutes les questions que vous posez, qui nous amènent à réfléchir. Je pense que cela fait partir des retombées intellectuels.
Et au niveau économique ?
Economique c’est évident. Je vous ai parlé des plus d’un million, des chiffres officiels disent 1 million cinq cents visiteurs. Ce sont des hôtels. Moi j’ai reçu des amis. C’était pratiquement impossible d’avoir des hôtels. Il y a eu plusieurs particuliers qui ont loué leurs chambres. Ils sont partis dormir chez d’autres personnes qui ont pris leurs chambres. Il faut savoir que les chauffeurs de taxi ont gagné davantage d’argent, les restaurants aussi. Les avions sont tous remplis. J’ai vu quand il y a des matchs à Yamoussoukro, les gens vont le matin et reviennent le soir. Le petit commerce est florissant, les ventes de maillots y compris les maillots trafiqués, ça n’arrête pas et les gens font la fête. Ils se lâchent. Ils font plus de dépenses. Ils reçoivent aussi davantage parce que quand vous avez des amis qui sont arrivés pour la CAN. Vous ne pouvez pas seulement les laisser se débrouiller.
Vous êtes obligés de les recevoir. Donc, vous faites à manger. Vous avez acheté un peu de viande chez le boucher, etc., des tailleurs aussi. Donc c’est énorme. Il faut savoir vraiment. Sans compter que les infrastructures qu’on a mises en place, coûtent beaucoup d’argent. Mais cela accélère le rythme social et par voie de conséquence le rythme économique dans la vie. Il est évident que toutes les routes qui ont été ouvertes ont permis aussi aux automobilistes d’économiser un peu de carburant, un peu de temps, et puis d’avoir une adhésion plus forte, d’avoir une estime plus forte, une meilleure estime des quartiers comme Abobo que personne n’osait traverser, que certains n’osaient jamais visiter. Maintenant, la route est ouverte. Il suffit de la traverser et il faut s’arrêter parce que ça c’est énorme.
Et au niveau social ?
Au niveau social, je pense qu’on reçoit des gens et qu’on s’organise pour qu’ils passent de bons séjours et évidement tout ce qui est culturel, toutes les sorties qu’on fait, comptent aussi.
Quel est le lien entre la politique et le sport ?
Si c’est mal organisé, c’est la faute des organisateurs. C’est la faute aussi des premiers responsables : le président. Quand je dis mal organisé, je ne dis pas gagner parce que le président, c’est pas lui qui va chausser les crampons pour aller jouer. Mais la responsabilité du ministre, c’est que les infrastructures du ministère des Sports soient opérationnelles et là-dessus, il est aidé par le Comité d’organisation.
La responsabilité de la Fédération de foot, c’est de mettre les gens qu’il faut, qu’ils fassent les meilleures sélections pour qu’on gagne. Mais le sport c’est une activité. Lorsque malheureusement, cela ne se passe pas bien, on est tous tristes en même temps. Donc c’est une forme de cohésion qui est très forte et comme on l’a dit, c’est un sport qui est passionnant et qui fait que le sentiment d’appartenance à la nation ivoirienne se trouve ramifié et cela donne aussi à nous tous une mémoire commune.
En effet, une nation c’est la vie qu’on mène ensemble, ce sont les épreuves qu’on traverse, ce sont les souvenirs bons et mauvais qu’on traverse ensemble, et il est évident que sous ce rapport-là, la CAN, l’organisation de la CAN, est un moment de construction de la mémoire et de l’histoire nationale.
Propos recueillis par Binta Noura, Mariam Doukouré et Awa Traoré pour le compte d’Islaminfo