Le nouvel an hégirien est là. Contrairement au nouvel an grégorien, la nouvelle année dans la communauté musulmane semble ne pas susciter beaucoup d’engouement de la part des concernés. Votre hebdomadaire, Islam Info a bien voulu trouver réponse au silence qui règne autour du changement de cap en islam. Le calendrier islamique est-il connu de la communauté musulmane ? Quelle en serait les causes et bien entendu quelle alternative mettre en place afin qu’un plus grand nombre de mu- sulmans puisse s’approprier cette référence temporelle et lunaire qui est la leur ? Suivez notre enquête afin de trouver quelques éléments de ré- ponses.
La population ivoirienne vivant dans un pays laïque se base essentiellement sur le calendrier grégorien pour se situer dans le temps. Mais, en plus de cette réfé- rence, celui assigné à l’islam reste important pour la communauté musulmane. Mais bon nombre de musulmans ne semblent pas avoir beaucoup d’informations. Koné Abdul commerçant et père de 2 enfants, a les yeux rivés sur le plafond de son magasin de confection de coussins, lorsqu’on lui demande le mois hégirien qui correspond ce jour au calendrier grégorien, avant de dire ‘‘je me réfère géné- ralement au calendrier musulman que j’ai à la maison’’. Et c’est fièrement qu’il ajoute que ‘‘ et même que c’est à moi que mes voisins demandent la date hégi- rienne lorsqu’ils sont dans le besoin’’. Bien qu’ayant fait une école coranique, monsieur Koné avoue ne pas avoir une grande notion de l’écoulement des mois en islam. Mais il ne manque pas de mentionner qu’il existe quatre mois sacré, ‘‘ chaabane, ramadan, seriba calo et muharram’’. Et d’ajouter que ‘‘ avant, nos pa- rents se référaient à la notion du temps appelée farafi calo et les décomptes avoi- sinent ceux du calendrier islamique’’. Même son de cloche pour Diomandé Noudalé, colonel major qui indique tant bien que mal que ‘‘ le calendrier hégi- rien comporte des mois lunaires et on nous a dit que il y’a des mois pour Allah, d’autre pour le Prophète (saw) et le reste pour nous les humains’’. Elle continue en signifiant que ‘‘ nous sommes dans le 10ème mois de ce calendrier qui est zoul hijja’’. Tout en s’éloignant, elle finit par refuser de répondre aux autres questions, parce que dit-elle, ‘‘ne pas avoir de notion sur la question n’est pas trop honorable pour un musulman’’. Quant à Konaté Bakari, chef d’une famille de 5 enfants ancien étudiant d’une université en Egypte, après un calcul mental à haute voix, il finit par dire ‘‘ nous sommes en fin du calendrier hégirien, zoul hijja’’. Mais pas évident de lui faire donner le jour hégirien correspondant à celui du calendrier grégorien. Bamba Langé, président de la communauté musulmane de l’armée de terre, lui sans hésitation avoue ne pas avoir d’information sur la question. Il n’est pas fier de cette méconnaissance de cette identité islamique de sa part mais aussi chez bien de musulman. A la question de savoir les causes de cette ignorance, Koné Abdul, tout comme Konaté Bakary de même que Bamba Langé et Diomandé Noudalé, avance l’argument de l’omniprésence du calendrier grégorien dans toutes les transactions, les papiers administratifs et tous les cir- cuits qui nécessitent une datation. Néanmoins tous restent unanimes quant à la responsabilité en tant que musulman de s’approprier le calendrier lunaire. Bamba Langé, président de la communauté musulmane de l’armée de terre, pour sa part s’engage auprès de sa communauté à faire instaurer des cours pour amener ses membres à mieux connaitre leur religion sur tous les plans. Konaté Bakary, pro- pose la stratégie adoptée en Egypte, ‘‘ la sensibilisation est faite au quotidien à
travers tous les médias, les deux dates sont données concomitamment. Et beau- coup de structure le font aussi ’’. Pour Koné Abdul, ‘‘ la responsabilité revient d’une part aux imams et d’autres part aux musulmans qui se désintéressent de leur religion tout en ignorant de mettre en pratique les enseignements dispensés par les guides religieux’’. Avis partagé par l’imam Dolé Mohammed d’Akouédo ‘‘ à cause du calendrier grégorien, les musulmans ont tendance à oublier le leur donc il faut faire un rappel au quotidien parce que l’être humain ne retient que ce qui est en sa présence’’
Si le nouvel an grégorien suscite des festivités, une ambiance qui frise l’illicite et même précédé par des offres de cadeaux aux enfants, celui des musulmans ne doit pas être coloré de fête grandiose, indique Savané Afsa, prédicatrice à la LIPCI. Elle exhorte les musulmans à faire beaucoup d’invocation et d’adoration parce que ‘‘le calendrier islamique débute avec un mois plein de bénédiction et de mérites’’. Pour Savané Afsa, ‘‘ le premier Muharram est l’occasion pour les parents d’expliquer le fonctionnement du calendrier aux enfants’’ et pour elle, ‘‘les parents peuvent le faire autour d’un bon repas dans la gaité et surtout ne pas oublier de remercier Dieu pour cette toute autre année’’. Dolé Mohammed, imam à Akouédo, ‘‘ ce début d’année peut-être une occasion pour les parents de donner des cadeaux et des enseignements aux enfants’’. Mais, il ajoute que cette célébra- tion ne doit pas ressembler à celui du nouvel an grégorien.
Contrairement au calendrier grégorien qui peut-être prévisible et établie au préa- lable, le calendrier hégirien, répond à une correspondance lunaire. Cette réfé- rence lui impute des décalages d’un jour sur le nombre de certains mois, en fonction de l’apparition de la nouvelle lune. Ce baromètre est utilisé également par bon nombre d’africains d’où son nom de ‘‘farafi calo’’ ou ‘‘ mois des noirs’’ comme indiqué par Koné Abdul. Mais l’imam d’Akouédo de relever que ‘‘ le fa- rafi calo reste différents du calendrier islamique, parce que nos parents tenaient compte de bien plus que la lune pour faire les datations’’.
Le calendrier musulman ou hégirien repose sur le principe d’une année lunaire, il correspond à 12 mois de 29 ou 30 jours constituant ainsi une année hégirienne. Bien que méconnu par un grand nombre de musulmans ivoiriens et de toutes les couches sociales, il n’en demeure pas moins que le calendrier lunaire mériterait d’être mieux connu. Il reste la référence principale en islam pour les grandes fêtes musulmanes, les mois sacrés, le mois de Ramadan et du hajj. Aussi, des jours de jeûnes surérogatoires et méritoires y sont prescrits. Les musulmans ga- gneraient à s’approprier ce calendrier qui est un héritage du Prophète (saw) pour que sa communauté y trouve un grand bien.
SIRA