Adama Bictogo, proche du président Alassane Ouattara, est la cible d’une plainte de victimes du Probo Koala, le navire qui avait illégalement déversé des produits toxiques dans la périphérie d’Abidjan en 2006. L’ex-ministre avait joué les bons office pour le compte des victimes, dont certaines l’accusent de détournement de fonds.
Rebondissement dans l’affaire des déchets toxiques en Côte d’Ivoire. Après plusieurs années de tractations, des victimes réunies au sein du Réseau national pour la défense des droits des victimes des déchets toxiques de Côte d’Ivoire (RENADVIDET-CI) ont porté plainte contre l’ex-ministre Adama Bictogo, qu’ils accusent de détournement de fonds. Les proches de ce cadre du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, mouvance présidentielle) dénoncent une « action à visée politique », alors qu’un nouveau gouvernement est attendu dans les prochains jours.
Jeudi 21 février, le RENADVIDET-CI, qui revendique parler au nom de plus de 842 victimes, a introduit une « action en restitution d’indu et en dommages et intérêts » à l’ encontre d’Adama Bictogo. Une audience doit se tenir le 4 avril prochain, au tribunal de première instance du Plateau.
Déversements toxiques et « bons offices »
Au cœur du contentieux, l’affaire « Probo Koala », du nom du navire qui avait déversé 500 m3 de déchets toxiques et nauséabonds dans plusieurs endroits de la périphérie d’Abidjan – sulfure d’hydrogène, d’organochloré et d’autres substances toxiques venus d’Europe. Le déversement toxique avait provoqué au moins 17 décès et des milliers d’intoxications.
En février 2007, un premier accord avait été trouvé avec la société hollando-suisse Trafigura, ayant affrété le Probo Koala, portant sur le versement de 100 milliards FCFA (152,67 millions d’euros). Deux ans plus tard, en septembre 2009, un second accord avait été passé entre le gouvernement ivoirien et la société hollando-suisse, portant cette fois sur un montant de 22,5 milliards de francs CFA, en échange de l’abandon des poursuites par l’État.
Le Collectif national des victimes des déchets toxiques de Côte d’Ivoire (CNVDT-CI, la plus importante des associations de victimes) avait alors saisi Adama Bictogo pour qu’il mène une « mission de bons offices » facilitation entre des victimes et Trafigura, selon l’association. Une mission qui, à en croire les avocats de l’homme d’affaires, a été rémunérée et a abouti à la conclusion d’un accord transactionnel entre les associations de victimes et Trafigura.
Mais en mai 2012, alors qu’il était ministre de l’Intégration africaine, Adama Bictogo avait été limogé par le président Alassane Ouattara, deux mois après une plainte des victimes, qui l’accuszaient d’avoir détourné une partie des 4,65 milliards FCFA (plus de 7 millions d’euros) destinés aux indemnisations.
Plusieurs procédures pour détournement de fonds
Adama Bictogo n’a pas été visé ou cité par ladite plainte. À sa demande, il a été entendu en tant que témoin
La justice avait par la suite ouvert une enquête pour « faux, usage de faux, détournement de fonds, recel et complicité » à l’encontre de Claude Gohourou, ex-leader étudiant alors proche du pouvoir de Laurent Gbagbo qui avait créé une association de victimes, et de l’avocat Cheick Oumar Koné, devenu plus tard président de l’Africa Sports, l’un des clubs de foot les plus célèbres de Côte d’Ivoire. Au terme du procès, ils ont tous deux été condamnés à vingt ans de prison, mais la peine d’avait pas été assortie d’un mandat de dépôt. Ils continuent donc de jouir de leur liberté.
Les victimes ont également porté plainte contre la Société Générale Côte d’Ivoire (ex-SGBCI, filiale de la Société Générale), banque qui a hébergé le virement des fonds d’indemnisations. « Nous souhaitons un audit judiciaire sur le compte des victimes ouvert par LEIGH DAY&CO [cabinet agissant pour le compte de la société Trafigura] à la SGBCI en vue de la manifestation de la vérité sur le nombre exact de victimes indemnisées à ce jour », explique Hanon Charles Koffi, président du RENADVIDET-CI.
L’affaire tombe mal pour l’homme d’affaires Adama Bictogo, qui, depuis sa disgrâce de 2012, s’est à nouveau rapproché du président ivoirien. Cheville ouvrière du congrès du RHDP, son nom revient dans les couloirs du palais présidentiel, comme potentiel futur membre du gouvernement du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly.
« C’est une action à visée politique certaine», dénonce l’un de ses proches. « Adama Bictogo n’a pas été visé ou cité par ladite plainte. À sa demande, il a été entendu en tant que témoin, à titre de renseignements, par le juge du premier cabinet d’instruction du tribunal de première instance d’Abidjan », assure par ailleurs une source juridique proche de l’homme d’affaires.
Par jeuneafrique