De sa formation, elle a tiré une passion et d’une passion, elle en a fait un travail. Elle, c’est Corina Amani, docteur en pharmacie, directrice de la fabrique de four traditionnel et propriétaire d’une boutique de produits cosmétiques, également amoureuse de l’écriture. Cette semaine, dévorez le parcours motivant d’une brave femme qui nous a livré son quotidien depuis Bamako.
De la pharmacie à la confection de four
A l’origine, elle part de son pays, la Côte d’Ivoire pour le Mali en vue de poursuivre sa formation en pharmacie en 2012. Mais, Corina Amani a vite fait d’effleurer un terrain lucratif à exploiter. De nature débrouillarde, bosseuse et de fonceuse, comme elle-même l’a souligné, elle ouvre un restaurant sur la faculté, avec sa sœur, tout en suivant normalement les cours. En plus des plats du restaurant, Corina fait du poisson et poulet braisés sur des fourneaux ou des barils d’huile surmontés de grille. Mais, son idée de créer un four traditionnel est partie de son manque de moyens à s’offrir un four à gaz, avec son statut d’étudiante lorsque l’envie de faire du gâteau lui vint. ‘‘Un jour je voulais faire un gâteau à la maison. J’ai essayé avec un fourneau, la terre, la marmite, les cailloux et autre’’ explique notre brave femme. Alors, elle se souvient alors de l’expérience de sa grande mère, ‘‘ma grand-mère a un four traditionnel au village, c’est elle qui fait le pain au village. C’était dans la terre cuite bien renfermé’’. Ce faisant, notre brave femme raconte : ‘‘C’est là je me dis mais pourquoi ne pas essayer un truc en fer’’ se dit-elle avant de se rendre au marché expliquer son projet dessiné à un ferronnier. C’est après plusieurs tentatives qu’elle réussit à trouver un qui comprenait son idée. Bien que n’épousant pas réellement son idée, Amani accepte d’essayer le modèle proposé par le ferronnier, ‘’ au début, j’étais un peu septique parce que je me suis dit, et si ça ne passe pas et si ça n’était pas bon’’. Mais, après plusieurs essais, finalement le résultat était là, Corine Amani a réussi à faire sortir de son four traditionnel un gâteau digne d’un four à gaz, ‘’ Mes amies étaient toujours surprises quand elles venaient chez moi et voyaient les plats que je faisais sans forcément avoir un four à gaz, moi, étant toujours étudiante’’.
Et là c’est le déclic pour la commercialisation de ce qui, à l’origine était pour lui faciliter la confection de gâteau. Les premiers modèles ont été appréciés par plus d’un client, ‘‘on avait de très bon retour. Les gens étaient étonnés parce qu’il prenait très peu de charbon. On arrivait à faire du poulet, des gâteaux, des lasagnes, des pizzas etc’’.
Cette première expérience a su lui donner confiance et la motiver à s’investir encore plus. Une page Facebook ‘’ FOUR MERVEILLE’’ est mis en place pour agrandir la clientèle. ‘‘On a commencé à vendre les fours à travers l’Afrique. Quand je dis à travers l’Afrique ce n’est pas abuser puisqu’on en a vendu à Dakar, Guinée, Togo, Benin, au Maroc, en Côte d’ivoire où il y a une filiale’’ témoigne notre docteur en pharmacie.
Et comme toute nouvelle idée d’entreprenariat qui se met en place, Corine Amani a connu des difficultés. Elle nous explique la piraterie dont ses modèles de four ont été victime, ‘‘il y a quelques personnes qui voulaient voler l’idée. J’ai vu mes fours qui se sont présentés sur une autre manière dans certains pays’’. Cette mauvaise expérience lui a donné plus que jamais l’envie d’avoir son brevet pour sa création. Corine n’est nullement contre le fait que d’autres personnes s’inspirent de son modèle parce que dit-elle ‘‘l’ampoule, c’est quelqu’un qui l’a créé, certains ont fait des lampes, d’autres ont fait des lampadaires. Je suis totalement d’accord avec cette idée. Et je ne serai pas déçue de les voir améliorer par quelqu’un d’autre’’. Avant d’ajouter que ‘‘Mais cette conception-là, ces détails-là, ce sont des efforts, c’est du chemin qui m’a permis d’arriver où je suis’’.
Une journée avec Corine Amani
Entre la formation en pharmacie, le travail au Département de Médecine Traditionnelle, la boutique de vêtements et de cosmétique, également la boutique des fours et articles de cuisines, on pourrait penser que notre brave femme est à bout de force. Mais, non, parce qu’en plus de toutes ses tâches, elle fait la garde à la pharmacie, ce n’est pas sans avoir fait les comptes. Et en tant que passionnée de l’écriture, elle se met à l’écriture de son livre une fois rentrée de sa garde. ‘‘Matin, le DMT de laboratoire, l’après-midi les boutiques et le soir je suis à la garde. Je descends souvent à 00h, 01h du matin. Quand je rentre, le temps de manger je dors souvent à 02h et le lendemain je me réveille à 08h00. Voilà comment se passe l’une de mes journées. Et quand j’ai un bout de temps, je suis sur le téléphone à répondre aux messages des clients et à ceux de mon assistant de la boutique’’
Mes journées sont super chargées car je suis une couche très tard et le matin le réveil est difficile. Ça, je l’avoue.
Concilier profession et passion
‘’ Effectivement ce n’est pas facile parce qu’au-delà de la cuisine j’ai également une passion qui est l’écriture. Quand je rentre tard, souvent je suis sur mon roman, une corde qu’elle ajoute à son arc de bosseuse. Mais, elle a su conjuguer profession et passion de sorte à faire pleinement ce qu’elle veut et aime. Corine explique alors que d’une part ‘‘ ma profession, c’est pharmacienne et ma passion dans cette profession, ce sont les plantes d’où la mise en place d’une boutique de cosmétique. Et dans la boutique de cosmétique, vous y trouverez profession et passion parce que quand j’arrive à ma boutique, à donner des conseils, à les comprendre, et surtout à les écouter’’.
Et, elle continue en disant que ‘‘ma passion pour la cuisine va également avec mon projet de four à charbon’’.
Au final, notre brave femme pense que son boulot et ses différentes passions communes se rejoignent quelque part parce que ce sont des choses qu’elle aime. Alors dit-elle, ‘‘je ne me sens pas en train de travailler’’.
Pour le moment, Corine ne se pose pas trop de questions ‘‘je vis au Mali et ma vie de famille est à Abidjan’’, alors pour le moment, elle s’adonne pleinement à toutes ses occupations sans trop grande pression. La question sera sur la table lorsqu’elle va rejoindre le bercail.
Les grands projets de Corine Amani
Bientôt le retour au pays natal, donc il est impératif pour la créatrice des fours traditionnels d’avoir non seulement un brevet mais également de mettre en place une grande maison de production et un entrepôt aussi bien en Côte d’Ivoire que dans les pays voisins, afin d’étendre sa production et la commercialisation. Elle voit au-delà de sa personne ‘‘ je veux pouvoir créer de l’emploi avec un centre de formation dans la conception du four et puis instaurer l’utilisation de mes fours dans les habitudes de chaque foyer’’. La brave femme de la semaine espère avoir des partenariats, les sponsorings, et même des aides financières à travers un accompagnement, parce que dit-elle ‘‘ce four peut révolutionner carrément la consommation de tout Africain’’. Corine rêve grand ‘‘mon rêve le plus fou c’est de pouvoir faire une industrie, une société qui sera spécialisée dans la production c’est-à-dire depuis la conception jusqu’à la commercialisation des fours à charbon’’. Faire également un centre de formation pour les jeunes pour apprendre le métier, les faire sur place et les faire emballer dans des cartons pour pouvoir faciliter l’expédition à travers l’Afrique et pourquoi pas le monde.
Son avis sur l’entreprenariat féminin
On a grandi très souvent en se disant qu’il faut être mariée, que le premier mari de la femme c’est son boulot. Mais, moi je dirais que le premier mari d’une femme reste son homme. Mais la première fierté d’une femme doit être son boulot, le travail qu’elle fera. La fierté, c’est ce qu’il y a de plus fort c’est ce qu’elle va léguer à ses enfants. Quel que soit le domaine d’activité dans lequel on exercera, quel que soit le domaine dans lequel on exerce, il faut être fier de ce qu’on fait.
Je pense qu’une personne qui est fière est une personne qui a tout gagné. Et lorsque tu te sens fière d’avoir accompli tes enfants eux seront fiers de t’avoir comme maman.
Donc ce que je peux dire à toute femme c’est d’être fière de l’éducation qu’elles reçoivent, d’être fière des projets qu’elles mettent en avant. Elles n’ont pas besoin de s’accaparer le titre des hommes, elles sont déjà toutes des femmes. Elles sont déjà gagnantes à être des femmes, elles sont déjà leaders à être des femmes. Elles vont devoir léguer une éducation à leurs enfants. Qu’elles fassent d’elles des femmes fières, fières de leurs parcours, fières de leur avenir. On tombe souvent sur la route, on prend des coups. Mais il ne faut jamais rester sur la route sans avancer. Il y a des moments dans ma vie où j’ai pris d’énormes coups, je pense que ma force a été de continuer d’avancer. Ça été de ne pas rester assise et même si j’étais à genoux, j’ai continué d’avancer même à quatre pattes. Donc la fierté viendra de là, la fierté viendra de ce qu’on peut faire, ce qu’on arrive à réaliser et ce qu’on arrive à procurer comme fierté à nos enfants. C’est ce que je peux conseiller en entreprenariat féminin. Et lorsque tu te sens fière d’avoir accompli certaines choses, des enfants eux sont fières de toi, de t’avoir comme maman. Là, ta vie change.
Son adresse à toutes les femmes
A toutes les femmes qui auront l’occasion de me lire, on peut allier passion, famille et profession. Il faut savoir donner la part à toute chose, il faut vraiment prôner la communication dans ce qu’on fait. C’est vrai qu’être femme leader ce n’est pas évident, souvent on a tendance à modifier les choses, à changer certaines choses, en disant, c’est une femme. Souvent cette expression est un peu trop péjorative ; mais c’est à nous de montrer qu’on peut être des femmes de demain, des femmes d’avenir et nos filles seront également des femmes d’avenir.