Riyad a expulsé ce lundi 6 août l’ambassadeur canadien et suspendu les échanges commerciaux entre les deux pays, à la suite de critiques sur des arrestations de défenseurs des droits de l’homme.
L’Arabie saoudite, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Adel al-Jubeir, a annoncé lundi matin l’expulsion de l’ambassadeur canadien de la capitale saoudienne Riyad. L’ambassadeur saoudien à Ottawa a également été rappelé. Les échanges commerciaux entre les deux pays ont été suspendus, alors que l’Arabie saoudite est le deuxième marché d’exportation du Canada dans la région (derrière les Émirats arabes unis).
Cette crise inédite entre les deux pays survient après un communiqué publié le 3 août sur le compte Twitter du ministère des Affaires étrangères canadien.
« Le Canada est gravement préoccupé par les arrestations supplémentaires de militants de la société civile et des droits des femmes, y compris Samar Badawi. Nous exhortons les autorités saoudiennes à les libérer immédiatement ainsi que tous les autres militants pacifiques. »
Arrestations de militants des droits de l’homme
Le 2 août, la ministre des Affaires étrangères canadienne Chrystia Freeland avait déjà fait part de ses préoccupations sur le réseau social.
« Très alarmée d’apprendre que Samar Badawi, la sœur de Raif Badawi, a été emprisonnée en Arabie saoudite. Le Canada se tient aux côtés de la famille Badawi en cette période difficile, et nous continuons d’appeler fortement à la libération de Raif et Samar Badawi. »
Samar Badawi et Nassima al-Sadah ont été arrêtées le 1er août. Elles sont toutes deux des militantes pour que les femmes puissent conduire, un droit désormais accordé en Arabie saoudite depuis le 24 juin. Samar Badawi, qui a ensuite été assignée à résidence, n’est autre que la sœur du blogueur Raif Badawi, emprisonné depuis 2012 en Arabie saoudite et condamné en 2014 à dix ans de prison et à 1 000 coups de fouet pour ses écrits jugés insultants à l’égard de l’islam.
L’épouse et les trois enfants du blogueur saoudien vivent au Canada. Samar a obtenu en 2012 le prix international du courage féminin, remis par Hillary Clinton, alors chef du département d’État américain, et Michelle Obama. Elle a depuis été plusieurs fois arrêtée par les autorités saoudiennes. Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, avait en avril fait part au roi Salman de ses préoccupations sur le sort du blogueur au cours d’un entretien téléphonique.
Une fermeté surprise
L’insistance du Canada sur le sujet a visiblement irrité à Riyad. Dans un contexte de tensions commerciales entre Ottawa et Washington, liées à la renégociation des traités de libre-échange au sein de l’Alena, l’Arabie saoudite s’est vraisemblablement sentie libre d’adresser une sèche fin de non-recevoir au Canada, à la faveur de sa relation privilégiée avec le président américain Donald Trump. La réaction saoudienne, par son inédite fermeté, a en effet surpris les observateurs.
Certains internautes protestent contre « l’ingérence » canadienne dans les affaires intérieures saoudiennes
Sur les réseaux sociaux, les réactions ne se sont pas faites attendre, plusieurs comptes saoudiens affichant leur soutien à la cause indépendantiste québécoise, pour protester contre « l’ingérence » canadienne dans les affaires intérieures saoudiennes.
« En Arabie saoudite, nous nous inquiétons du fait que le Canada commet un génocide culturel contre les autochtones. Nous soutenons également le droit du Québec de devenir une nation indépendante. »
Des pénuries à venir ?
Aux twittos canadiens qui se félicitent de la fermeté de leur gouvernement et de la cessation des échanges commerciaux avec l’Arabie saoudite, certains internautes saoudiens ont répondu en ironisant sur la « pénurie de sirop d’érable à venir dans le royaume ».
Mais l’Arabie saoudite n’importe pas, loin s’en faut, que du sirop d’érable du Canada. Un contrat de 15 milliards de dollars portant sur la livraison de blindés légers à l’Arabie saoudite, conclu sous le gouvernement de Stephen Harper, et avalisé par le gouvernement Trudeau, fait l’objet de vives critiques au Canada. Notamment de la part du professeur de droit Daniel Turp, qui conteste la validité des licences d’exportation accordées par le ministère canadien des Affaires étrangères.
Lors de l’été 2017, dans un autre contrat de véhicules blindés entre le Canada et l’Arabie saoudite, la ministre des Affaires étrangères canadiennes Chrystia Freeland avait suspendu les permis d’exportation pendant près de 4 mois après la révélation de l’utilisation de matériels canadiens dans la répression de militants chiites saoudiens dans l’est du pays.
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