Astronomie et Charia : la Oumma peut-elle guérir de ses malaises de Lune ?

Comme tout musulman prĂ©occupĂ© par la marche de la Oumma, j’ai Ă©tĂ© longtemps peinĂ© par la situation qui se prĂ©sente depuis des annĂ©es Ă  la veille et Ă  la fin du mois de Ramadan. Il est vrai que le dĂ©veloppement fulgurant des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) rend les divergences liĂ©es Ă  la dĂ©termination du mois de Ramadan plus audibles et plus visibles au plan mondial.

Dans mon enfance, tout naturellement, je suivais mes parents qui, eux, Ă©taient Ă  l’écoute des dĂ©cisions prises par les autoritĂ©s religieuses pour valider le tĂ©moignage de personnes dĂ©clarant avoir aperçu le croissant lunaire. Je me rappelle l’ambiance communautaire qui rĂ©gnait quand, peu avant la priĂšre du crĂ©puscule, les gens se regroupaient pour scruter le croissant, certains Ă  cĂŽtĂ© de la mosquĂ©e et d’autres ailleurs oĂč le ciel Ă©tait dĂ©gagĂ©. Je me souviens aussi de la joie de ceux qui disaient « il est lĂ , je le vois ! » en tendant le doigt vers le ciel, mais aussi de la frustration de ceux qui ne parvenaient pas Ă  voir ce minuscule et Ă©phĂ©mĂšre croissant de Lune.

Cependant, je me souviens aussi des informations contradictoires et du dĂ©sarroi de la masse quand elle entendait dire que telle ou telle autoritĂ© religieuse demandait d’arrĂȘter le jeĂ»ne, aprĂšs avoir reçu une information sĂ»re selon laquelle le croissant avait Ă©tĂ© aperçu ici ou ailleurs et qu’un autre se dĂ©marquait
et ce, des fois en pleine nuit, des fois en plein jour. À l’adolescence, la scolarisation et la curiositĂ© aidant, je me suis posĂ© des questions comme tous les jeunes de mon Ăąge sur ces divergences. En ce temps, une idĂ©e rĂ©pandue au SĂ©nĂ©gal Ă©tait que le pays devait commencer le jeĂ»ne un jour aprĂšs la Mecque. On ne parlait mĂȘme pas de l’Arabie saoudite, il Ă©tait plutĂŽt fait mention des gens de la Mecque.

A travers ma documentation et mes Ă©changes avec des personnes d’un certain niveau dans les sciences islamiques, je rĂ©alisais la mĂ©fiance qui prĂ©dominait en leur sein Ă  l’égard de l’astronomie. Plus j’essayais d’approfondir ma comprĂ©hension de cette rĂ©ticence Ă  l’égard de l’astronomie pour la dĂ©termination du mois Ramadan, et plus m’apparaissait une idĂ©e importante, Ă  savoir, qu’au-delĂ  du rĂŽle de l’astronomie dans la dĂ©termination du dĂ©but et de la fin de ce mois, c’est toute la question du rapport entre les oulĂ©mas de la Charia, les gouvernants des pays majoritairement musulmans, et la Science moderne qui se pose.

Enfin, je me suis intĂ©ressĂ© de prĂšs Ă  la commission qui s’occupe au SĂ©nĂ©gal de la collecte et de la validation de l’information sur le croissant de Lune depuis les annĂ©es 1999. Lors d’ateliers d’échanges, j’ai pu dĂ©celer combien les choses Ă©taient compliquĂ©es par la comprĂ©hension des uns et des autres Ă  partir de critĂšres dĂ©finitionnels diffĂ©rents, l’ambiance de suspicion, le problĂšme de l’organisation et du fonctionnement de la commission, la relation avec la sous-rĂ©gion et le reste du monde, la prise en compte ou non des donnĂ©es astronomiques, etc. Me vint alors l’idĂ©e de reprendre tout le sujet pour voir de plus prĂšs quels sont, au-delĂ  du mois de Ramadan, les termes de la problĂ©matique de la dĂ©termination des mois lunaires, vu son importance dans le culte et les fĂȘtes des musulmans. Ce sont les rĂ©sultats de ces recherches que j’ai consignĂ©s dans notre ouvrage « Astronomie et Charia, la Oumma peut-elle guĂ©rir de ses malaises de Lune ? ». Nous en proposons une synthĂšse dans les lignes qui suivent.

Les trois objectifs majeurs de cet article sont : 1) de mieux comprendre ce qui pose problĂšme et sous-tend les divergences sur la dĂ©termination des mois lunaires au niveau de la Oumma depuis 15 siĂšcles ; 2) d’énoncer des prĂ©conisations pour aller de l’avant ; 3) de proposer une redĂ©finition et une construction d’un calendrier musulman perpĂ©tuel. Au plan mĂ©thodologique, la dĂ©marche a Ă©tĂ© la suivante :

  • La revue des rĂ©fĂ©rences scripturaires relatives au sujet et des comprĂ©hensions y affĂ©rentes ;
  • L’analyse critique des interprĂ©tations et positions des OulĂ©mas et jurisconsultes d’hier Ă  nos jours ;
  • La prise en compte des donnĂ©es actuelles de l’astronomie et des sciences connexes ;
  • L’énonciation de prĂ©conisations Ă  l’échelle de la Oumma ;

De la cause légale du jeûne du mois de Ramadan

Des premiĂšres gĂ©nĂ©rations de musulmans Ă  nos jours, la constatation oculaire du croissant de Lune a Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e par la majoritĂ© des oulĂ©mas comme Ă©tant la cause lĂ©gale (as-sabab ach-char ‘iy) de la prescription du jeĂ»ne du mois de Ramadan et des autres cultes et cĂ©lĂ©brations affĂ©rentes au mois lunaire. Cette opinion ne fait pas pour autant consensus IjmĂą ‘ (Accord, consensus des OulĂ©mas sur la rĂšgle Ă  appliquer Ă  une question donnĂ©e). En effet, d’autres oulĂ©mas, ont eu Ă  considĂ©rer que c’est l’avĂšnement ou l’entrĂ©e du mois lunaire (dukhĂ»luch-chahr) qui en constitue la cause lĂ©gale.  Les oulĂ©mas qui remettent en cause ce « consensus » considĂšrent que c’est la connaissance de la durĂ©e du mois lunaire avec la plus grande prĂ©cision possible qui est l’objectif « hadaf/ghĂąyah » visĂ© par la Charia, et Ă  cette fin, tout moyen fiable et lĂ©gal peut ĂȘtre acceptĂ©.

Comprendre l’insistance du Prophùte (SAWS) sur la constatation oculaire

Certes, il existe de nombreux hadiths du genre « JeĂ»nez si vous le (le croissant de Lune) voyez et cessez de jeĂ»ner si vous le voyez », ou encore « Ne jeĂ»nez pas avant de le voir et ne cessez pas de jeĂ»ner avant de le voir (
) ». Toutefois, les commentaires d’oulĂ©mas du Hadith, tels que At-tirmiziy et Ibn Hajar, nous aident Ă  les comprendre comme ayant pour objectif de dissuader certains qui voulaient anticiper le jeĂ»ne du Ramadan alors que sa cause lĂ©gale, l’avĂšnement du mois de Ramadan, n’était pas advenue. D’oĂč le hadith « N’anticipez pas le Ramadan d’un jeĂ»ne de deux ou un jour (
) ».

Sinon, comment expliquer que le ProphĂšte (SAWS) demande aux musulmans de son Ă©poque de faire ce qu’ils faisaient dĂ©jĂ  avant l’Islam pour dĂ©terminer le mois lunaire, c’est-Ă -dire de recourir Ă  la constatation oculaire ?  DĂšs lors, on peut considĂ©rer que ces hadiths portent sur l’obligation de bien sĂ©parer les mois notamment celui d’avant et d’aprĂšs le Ramadan, par le moyen usuel de l’époque mais ne constituent pas pour autant un argument irrĂ©futable pour justifier le caractĂšre obligatoire de la constatation oculaire en tant que telle.

De la signification de l’estimation et du motif devenu caduc

Les oulĂ©mas qui remettent en cause l’obligation de la constatation oculaire se justifient, d’une part, de l’expression qui renvoie Ă  l’estimation, « faqdurĂ» lahû » (« estimez-le », « dĂ©terminez-le »), mentionnĂ©e dans certains hadiths. D’autre part, ils considĂšrent que le motif pour lequel le ProphĂšte (SAWS) avait mentionnĂ© le recours Ă  la constatation oculaire Ă©tait vraisemblablement l’incompĂ©tence des musulmans de son temps en matiĂšre de calcul astronomique.

C’est en ce sens que nous pouvons comprendre le hadith « Nous sommes une communautĂ© illettrĂ©e, nous n’écrivons pas et nous ne calculons pas (
) », ce qui n’est certes plus le cas de nos jours. En effet, il existe d’innombrables arguments qui rendent intenable la comprĂ©hension selon laquelle ce hadith vise Ă  interdire, catĂ©goriquement et dĂ©finitivement, le recours Ă  l’écriture et au calcul notamment astronomique. Il est fondĂ© de penser que ce hadith mentionne plutĂŽt l’état prĂ©dominant des musulmans de cette Ă©poque, Ă  savoir qu’ils Ă©taient dans une Ă©crasante majoritĂ© illettrĂ©s et non-initiĂ©s en matiĂšre de calcul astronomique. Il n’est pas du tout question de fonder sur ce hadith une interdiction dĂ©finitive et catĂ©gorique du calcul astronomique, le cas Ă©chĂ©ant, il faudra faire de mĂȘme pour l’écriture qui est incluse dans le mĂȘme texte.

L’estimation par le calcul astronomique et la valorisation du savoir-calculer (al hisñb) par le Coran

La possibilitĂ© de la prise en compte du calcul astronomique a Ă©tĂ© envisagĂ©e depuis les premiĂšres gĂ©nĂ©rations par un grand jurisconsulte des TĂąbi ‘ünes (gĂ©nĂ©ration qui a suivi celle des compagnons du ProphĂšte) comme Mutarrif ibn Abdillah ibn Ach-chikhĂźr (m. 87H), qui a rencontrĂ© au moins un compagnon du prophĂšte (SAWS) et plus tard encore par de grands jurisconsultes tels que Qutayba (m. 267H) et Ibn Surayj (m. 306H) qui ont partagĂ© la mĂȘme interprĂ©tation de l’expression « FaqdurĂ» lahû » comme Ă©tant une autorisation de recourir Ă  l’estimation par le calcul astronomique. Il est paradoxal de voir des oulĂ©mas Ă©mettre des rĂ©serves ou mĂȘme interdire le recours au calcul astronomique, alors mĂȘme que le Coran valorise et invite Ă  sa maitrise Ă  travers des versets parmi lesquels :

« C’est Lui (Dieu) qui a fait du Soleil une clartĂ© et de la Lune une brillance, et pour celle-ci a dĂ©terminĂ© des manĂązil (phases) afin que vous connaissiez le nombre des annĂ©es et al hisĂąb (le calcul du temps). Dieu n’a créé cela qu’en toute vĂ©ritĂ©. Il expose en dĂ©tail les signes pour les gens qui savant » (Coran, 10 : 5)

« Ils t’interrogent sur les croissants de Lune – Dis : « Ils servent aux gens pour compter le temps, et aussi pour le Hadji (pĂšlerinage) » (Coran, 2 : 189)

« Le Soleil et la Lune sont soumis à un husbùn (calcul minutieux) » (Coran, 55 : 5)

Des notions coraniques telles que « TaqdĂźr, Qadar » (mesure, proportion), « Falak » (orbite), « ManĂązil » (phases, stations), « HisĂąb, HusbĂąn » (calcul), « MĂźzĂąn » (balance, Ă©quilibre) sont autant d’invitations Ă  dĂ©crypter les signes cosmiques Ă  travers la recherche des lois qui rĂ©gissent les Ă©quilibres cosmiques ainsi que la rĂ©pĂ©tition et la rĂ©gularitĂ© des phĂ©nomĂšnes astraux. Or, les sciences astronomiques et connexes permettent aujourd’hui de faire des prĂ©dictions scientifiquement fiables sur la position et le mouvement des astres notamment le systĂšme « Soleil-Terre-Lune » Ă  un instant donnĂ©. Il suffit de voir ce que disent les anciens commentateurs du Coran des versets « cosmiques » pour voir comment ils Ă©taient dans l’embarras vu leur ignorance de ce que la science astronomique moderne permet de rendre de nos jours intelligible. La question qui se pose par consĂ©quent, c’est acceptons nous d’apporter un supplĂ©ment d’ñme au commentaire du Coran par les nouveaux savoirs ou non ? Si nous faisons l’option du littĂ©ralisme, de la fidĂ©litĂ© naĂŻve et inintelligente aux textes et avis de nos devanciers lesquels sont sacralisĂ©s, au rejet des nouveaux savoirs sans prendre le temps de les comprendre et d’en connaitre les avancĂ©es et les limites, nous serons larguĂ©s par l’histoire.

Un compagnon du prophÚte (SAWS) qui jeûne le lendemain du 29e jour par estimation

Il a Ă©tĂ© rapportĂ© de façon jugĂ©e authentique par les oulĂ©mas que le compagnon du prophĂšte (SAWS, Abdullahi Ibn ‘Umar, avait l’habitude de jeĂ»ner le lendemain du 29e jour du mois de cha ‘bĂąn (le mois qui prĂ©cĂšde celui du Ramadan) en cas de ciel nuageux. Pourtant, la pratique la plus partagĂ©e chez les oulĂ©mas est de jeĂ»ner le surlendemain en complĂ©tant Ă  30 jours le mois de Cha ‘bĂąn si le ciel est nuageux. Or, cette façon de faire indique que Ibn ‘Umar procĂ©dait Ă  un « taqdĂźr », donc, une estimation qui suppose que le croissant de Lune est prĂ©sent au soir du 29e jour du mois de Cha ‘bĂąn et qu’il n’est pas visible Ă  cause de l’état du ciel. L’école hanbalite suit cette option et ne tient pas compte du « jour du doute ».

Pour une détermination commune du mois lunaire

Le Coran et les hadiths invitent Ă  une dĂ©termination commune du mois lunaire dont le rĂ©fĂ©rentiel doit valoir pour tous les musulmans, ce qui disqualifie toute attitude sectaire, nationaliste ou autre et doit pousser Ă  prendre d’abord en considĂ©ration l’intĂ©rĂȘt (maslaha) de toute la Oumma. En effet, le verset 185 de la sourate 2 qui prescrit le jeĂ»ne du mois de Ramadan parle de tout musulman qui a l’information sur le dĂ©but de ce mois et les hadiths aussi parlent Ă  tous les musulmans « JeĂ»nez quand vous le voyez ».

A quoi correspond la notion de « levant » ?

Les notions de « levant unique » (wahdatul matĂąli ‘) et « levants diffĂ©rents » (ikhtilĂąful matĂąli ‘) ont toujours Ă©tĂ© marquĂ©es par un flou, relativement Ă  la distance requise (dĂ©limitation gĂ©ographique) et Ă  l’espace politico-administratif (l’étendue du territoire oĂč s’exerce l’autoritĂ© du Calife) Ă  prendre en considĂ©ration. La dĂ©finition actuelle de zones de visibilitĂ© du croissant de Lune grĂące au calcul des Ă©phĂ©mĂ©rides est plus prĂ©cise et permet de savoir quels sont les pays concernĂ©s par la premiĂšre visibilitĂ© du nouveau croissant de Lune pour chaque mois.

Des arguments de rejet du calcul astronomique devenus anachroniques

Les arguments d’anciens oulĂ©mas comme de contemporains supposĂ©s justifier l’obligation de la constatation oculaire et le rejet du calcul astronomique (exigence de simplicitĂ© pour le culte, Ă©gal accĂšs de tous, prĂ©vention des divergences, risque de verser dans l’astrologie, non fiabilitĂ© des prĂ©dictions astronomiques
) sont devenus anachroniques en raison de l’évolution du contexte et des savoirs Ă  laquelle la Oumma de notre temps ne peut ĂȘtre indiffĂ©rente. Malheureusement, quand il se dĂ©veloppe depuis des siĂšcles la posture de suivisme aveugle et de culte de personnalitĂ©, la pertinence et l’esprit critique laissent place Ă  « Un tel grand savant a dit  » En effet, de nos jours, penser que l’observation Ă  l’Ɠil nu est plus fiable, plus simple et prĂ©cis que le calcul astronomique ou Ă©voquer des hadiths qui parlent d’astrologie alors que l’astronomie moderne s’en est nettement distinguĂ©e avec des mĂ©thodes et outils scientifiques, c’est faire le choix de l’anachronisme.

Valider le témoignage visuel par le calcul astronomique

Au VIIIe siĂšcle de l’HĂ©gire, un Ă©minent jurisconsulte, TaqyuddĂźn As-Subky, une rĂ©fĂ©rence Ă  son Ă©poque, plaidait pour le rejet de tout tĂ©moignage oculaire en contradiction avec des prĂ©dictions astronomiques fiables. Il a beaucoup dissertĂ© sur les limites de l’observation oculaire. A la mĂȘme Ă©poque, un autre grand jurisconsulte du nom de Ar-ramli, soutenait que le mois lunaire, au sens astronomique, est aussi celui de la charia, Ă  savoir la durĂ©e entre deux conjonctions (instant d’alignement Soleil-Lune-Terre qui marque le dĂ©but et la fin du cycle lunaire). Ar ramli a donc considĂ©rĂ© comme sans fondement la position qui consiste Ă  dire qu’il y a un mois lunaire qui est celui calculĂ© par les astronomes et celui de la charia qui ne dĂ©pend que de la constatation visuelle, et le cas non Ă©chĂ©ant du comptage de 30 jours le mois en cours.

Des propositions de zonages inabouties

Des efforts importants ont Ă©tĂ© faits par des astronomes et astrophysiciens musulmans, ainsi que des institutions islamiques, notamment en Europe et en AmĂ©rique du nord, dans une logique de conciliation de la prĂ©diction de l’instant de conjonction et de la constatation oculaire du croissant de Lune ou de son observabilitĂ© (possibilitĂ© de le voir Ă  l’Ɠil nu ou avec l’aide d’instruments optiques). Dans cette optique, des propositions de zonage du monde ont Ă©tĂ© faites sans pour autant aboutir Ă  des rĂ©sultats satisfaisants et suffisamment consensuels en raison des Ă©carts notĂ©s entre les observations et les prĂ©dictions astronomiques.  

Sortir de la logique de conciliation entre calcul astronomique et constatation oculaire

D’éminents oulĂ©mas contemporains, comme l’égyptien Muhammad Ahmad ChĂąkir (m. 1958) et le libanais Faysal Al Mawlawiy (m. 2011), ont plaidĂ© pour que les musulmans acceptent de faire de la prĂ©diction, par le calcul, de l’instant de la conjonction le dĂ©but et la fin du mois lunaire. Toutefois, Ahmad ChĂąkir a maintenu le critĂšre « coucher de la Lune aprĂšs celui du Soleil », alors que Qaradawi et des rĂ©solutions de rencontres intergouvernementales considĂšrent que le calcul astronomique devrait juste servir Ă  connaĂźtre la possibilitĂ© ou non pour un observateur sur terre de voir le nouveau croissant de Lune. C’est Al Mawlawiy qui, dans un ouvrage publiĂ© en 2008, va plus loin en prĂ©conisant la sortie de la logique de conciliation entre calcul astronomique et constatation oculaire. Dans ce cadre, il soutient sur la base d’un raisonnement puisĂ© dans le Fiqh et les donnĂ©es astronomiques actuelles la dĂ©finition suivante :

« Pour nous, il est obligatoire de recourir au calcul scientifique pour dĂ©terminer les dĂ©buts et fins de mois lunaire. A cette fin, nous devons tenir compte du court instant (lahzah) de la naissance de la Lune et le considĂ©rer comme le dĂ©but du nouveau mois lunaire. Selon cette option, le premier jour du nouveau mois lunaire est le jour qui commence au coucher du soleil aprĂšs la naissance de la Lune mĂȘme si c’est pour un court instant (lahazĂąt). Dans le cadre de cette option, il n’est pas tenu compte de la condition obligatoire dĂ©fendue par certains, de l’apparition de la Lune aprĂšs le coucher du soleil »

Al Mawlawiy ajoute ce commentaire :

 « Ainsi, on considĂ©rera que le premier jour du mois est celui qui suit le coucher du soleil aprĂšs la naissance de la lune. Si on s’en tient Ă  cela, tous les musulmans auront le mĂȘme rĂ©fĂ©rentiel et les musulmans qui vivent en minoritĂ© dans certains pays pourraient s’aligner sur ce mĂȘme rĂ©fĂ©rentiel »

Il dĂ©coule de ce qui prĂ©cĂšde que les critĂšres principaux d’Al Mawlawiy sont les suivants :

  • L’instant de la conjonction
  • Le coucher du Soleil

Cette définition rejoint celle de Mc Naughton de 1977 :

« Le mois musulman, qui traditionnellement commence au coucher du soleil et non pas Ă  minuit comme c’est le cas pour les mois solaires (internationaux), est dĂ©crĂ©tĂ© le soir si la conjonction (le passage de la Lune Ă  travers le plan Terre-Soleil, (c’est-Ă -dire le dĂ©but d’une nouvelle orbite) se produit durant ce jour-lĂ , Ă  savoir depuis le coucher de soleil prĂ©cĂ©dant. »

Ce que nous proposons

  1. Notre Définition

« Le calendrier musulman perpĂ©tuel est un calendrier lunaire, civil et religieux, basĂ© sur le calcul astronomique, qui indique les jours et les mois d’une annĂ©e (de 12 mois lunaires) et qui informe des dates du culte et de l’histoire des musulmans » 

  1. Objectifs et exigences
  • Faire accepter aux musulmans que le cycle de la Lune est un phĂ©nomĂšne astral Ă©tudiĂ© par les oulĂ©mas de l’astronomie et des sciences connexes ;
  • Promouvoir la recherche pour amĂ©liorer thĂ©ories et calculs astronomiques et les confronter avec les observations en droite ligne des enseignements du Coran ;
  • Favoriser un consensus au sein de la Oumma autour d’un calendrier perpĂ©tuel ;
  • Construire un calendrier musulman perpĂ©tuel valable et pour les dates du culte musulman et pour la vie civile et administrative ;
  • Formuler les rĂšgles de correspondance avec les autres calendriers utilisĂ©s dans le monde actuel
    1. CritĂšres
  • La rĂ©fĂ©rence historique de ce calendrier est l’HĂ©gire ;
  • L’instant de la conjonction vraie prĂ©dit par le calcul astronomique est la rĂ©fĂ©rence universelle pour le dĂ©but et la fin du mois musulman ;
  • Le jour musulman commence au coucher du Soleil ;
  • Le premier jour de la semaine correspond au dimanche et le dernier au Samedi ;
  • Le rĂ©fĂ©rentiel temporel (ligne de datation internationale) sera le Temps Universel CoordonnĂ© (UTC) qui a remplacĂ© la rĂ©fĂ©rence GMT ;
  • Vu son statut symbolique pour les musulmans et la nĂ©cessitĂ© d’avoir une ville rĂ©fĂ©rence pour les besoins du calendrier, les coordonnĂ©es (longitude, heure lĂ©gale) de la Mecque serviront de repĂšre gĂ©ographique pour le reste du monde.
  • Notre dĂ©finition du nouveau mois musulman

« Le nouveau mois musulman commence, aux coordonnĂ©es de la Mecque – UTC+ 3H –, au coucher du Soleil qui suit l’instant de la conjonction vraie prĂ©dit par le calcul. Ce mĂȘme mois prend fin au coucher du Soleil qui suit l’instant de la conjonction prochaine. Le reste du monde dĂ©finit le dĂ©but du mois lunaire en fonction de sa position par rapport Ă  la Mecque

Conclusion

Au total, la question du calendrier musulman perpĂ©tuel peut ĂȘtre rĂ©glĂ©e Ă  condition que la science et le Fiqh, au sens originel de comprĂ©hension, soient mis au-devant et que les crispations nationalistes, les volontĂ©s de leadership politique, ainsi que les prises de positions nourries par le sectarisme de toutes sortes, le culte de personnalitĂ©s, le littĂ©ralisme, la peur de l’ijtihĂąd (Effort intellectuel pour trouver une rĂ©ponse Ă  une question religieuse inĂ©dite), le rapport de mĂ©fiance et instrumental Ă  la science moderne soient revus. En effet, au-delĂ  de la question du calendrier lunaire musulman et donc des rapports entre astronomie et charia, se pose celle de l’approche appropriĂ©e Ă  adopter dans les relations entre Islam, Science et Politique.

Cheikh Faysal Al Mawlawy, As-sabab ach-char ‘y liwujĂ»bi siyĂąmi ramadzĂąn, hal hua dukhĂ»luch-chahri am ru-yatul hilĂąl ? (La cause lĂ©gale de la prescription du jeĂ»ne du Ramadan : est-ce l’avĂšnement du mois ou la constatation du croissant de Lune ?), 18e sĂ©minaire de Duban, p.60, 1429H/2008

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