Ils n’osaient plus y croire, tellement l’attente fut longue et jalonnée de déconvenues. Mais aujourd’hui, les hauts dignitaires musulmans d’Athènes peuvent enfin pousser un immense soupir de soulagement devant la matérialisation de leur grand projet : après plus de 180 ans, la première mosquée officielle de la capitale grecque devrait ouvrir ses portes à la rentrée de septembre.
Fébrilement espérée, la réalisation de ce grand projet, maintes fois retardée et remise aux calendes grecques, avait fini par convaincre la communauté musulmane locale qu’ériger un phare de l’islam, au cœur du berceau de la démocratie, équivalait à bâtir des châteaux en Espagne…
Il semble déjà loin le temps où les musulmans d’Athènes étaient en proie au découragement et cédaient même, pour certains d’entre eux, à la résignation. L’heure est venue de savourer le fruit de leur patience, à toute épreuve, puisque plus de trois ans après avoir obtenu le feu vert du Parlement, la mosquée flambant neuve, qui cristallisait tous leurs espoirs, ne sera plus une simple esquisse sur le papier.
« Bientôt, les premières prières seront faites par l’imam. Nous pensons que cela pourra avoir lieu d’ici à septembre », s’est félicité le ministre de l’Education Kostas Gavroglou, en soulignant la portée historique de l’événement. Plusieurs ministères grecs, dont le sien, ont apporté leur pierre à la construction de cette mosquée qui se singularisera par son absence de dôme et de minaret, et qui, avant même de sortir de terre, faisait déjà date.
Ce dernier a par ailleurs fait observer que la future mosquée d’Athènes, contrairement à la plupart des pays européens, est un lieu de culte public et non privé. « Elle n’appartient à personne, car elle appartient à tous et à vous tous », a-t-il insisté, clamant : « Ici, le propriétaire n’est pas un individu, ni une communauté, ni une société, ni un pays étranger ! ».
« Je voudrais commencer par remercier Allah d’avoir enfin une mosquée où nous pourrons nous recueillir dignement, mais aussi nous rassembler et aborder de nombreux sujets, théologiques ou de société », s’est réjoui pour sa part Zaki Mohamed, l’imam des lieux, tandis qu’Ashir Haidar, le représentant de la communauté chiite de Grèce, s’enthousiasmait devant ce « rêve devenu enfin réalité ».
« C’est un grand cadeau de la part de l’État grec à la communauté musulmane d’Athènes. C’est un travail symbolique qui témoigne du respect de l’État grec pour la religion de l’islam », a-t-il déclaré.
Athènes s’est longtemps démarquée des autres cités phares européennes pour n’avoir aucune mosquée en son sein, et ce, depuis que la Grèce s’est affranchie de la tutelle de l’Empire ottoman en 1833. Une anomalie à l’échelle de l’Union européenne qui, jusqu’à ce jour, fut extrêmement préjudiciable aux plus de 300 000 musulmans qui y vivaient.
Ces derniers n’eurent longtemps d’autre choix que de prier dans des lieux de culte de fortune, tels que des sous-sols sordides et des entrepôts lugubres où, pour empirer les choses, des néo-fascistes islamophobes, tapis dans l’ombre de ces véritables coupe-gorge, leur ont fréquemment tendu des embuscades.