La start-up allemande BioNTech n’avait encore jamais commercialisé de vaccin, mais c’est sa technologie qui fait la course en tête contre le Covid-19.
Le feu vert du Royaume-Uni, premier pays à autoriser mercredi le vaccin Pfizer/BioNTech, consacre dix mois de recherches menées par la surprenante alliance entre ce laboratoire de pointe et le géant américain de la pharmacie.
Pionnier contre le cancer
Basée à Mayence, capitale du Land de Rhénanie-Palatinat, BioNTech a pour spécialité la recherche sur les immunothérapies pour le traitement du cancer et des maladies graves ou héréditaires.
La société, qui emploie quelque 1 500 salariés, a été fondée en 2008 par un couple de chercheurs allemands d’origine turque, Ugur Sahin et Özlem Türeci, et s’est notamment spécialisée dans le développement de thérapies individuelles.
À ce titre, la PME allemande travaille sur la technologie de l’ARN messager (ARNm), une molécule permettant au corps humain de créer des protéines virales qui vont déclencher une réponse immunitaire.
C’est cette technologie, qui présente notamment l’avantage de pouvoir être développée rapidement, sans croissance cellulaire, qui est à l’oeuvre dans son vaccin.
Réactivité
Ugur Sahin, 55 ans, a raconté en novembre à l’AFP comment il a été frappé, en janvier, par un article scientifique décrivant la propagation fulgurante du virus apparu en Chine.
« Le fait que des personnes asymptomatiques puissent également transmettre la maladie m’a alarmé », a-t-il confié.
Le risque de pandémie mondiale n’était alors pas évoqué, mais BioNTech décide dès ce moment de travailler sur ce virus. Nom du projet : « Vitesse de la lumière ». Avant même que la planète entre en confinement au début du printemps, la PME avait déjà mis au point vingt candidats-vaccin.
Parmi ces projets, BioNTech a retenu la formule dite BNT162b2, la plus prometteuse, pour lancer ses essais.
La force de frappe Pfizer
La PME allemande et Pfizer, géant américain aux presque 100 000 salariés, avaient déjà noué un partenariat de recherche et développement en 2018 pour la conception de vaccins à ARNm destinés à la grippe. Cet accord avait abouti au développement d’un candidat-vaccin.
Pour BioNTech, qui n’a pas encore commercialisé de traitements médicaux, s’adjoindre la force de frappe de Pfizer est un atout.
Leur alliance, annoncée mi-mars, permet « d’associer les capacités de développement ainsi que les capacités réglementaires et commerciales de Pfizer, à la technologie et à l’expertise du vaccin ARNm de BioNTech », note le communiqué.
« C’est notre technologie », rappelle toujours M. Sahin, parlant aussi d’une « coopération idéale ».
Production sur les rails
Le duo table sur la fabrication de 50 millions de doses cette année et jusqu’à 1,3 milliard en 2021.
En septembre, BioNTech avait annoncé l’acquisition d’un site du groupe suisse Novartis située à Marbourg, dans le centre de l’Allemagne, pour augmenter ses capacités de production.
Marbourg s’ajoute aux deux sites de BioNTech, qui ont produit les vaccins pour les essais cliniques, ainsi qu’à au moins quatre usines de Pfizer aux États-Unis et en Europe.
Plusieurs pays ont déjà réservé des millions de doses en attendant les possibles autorisations de mise sur le marché attendues d’ici la fin de l’année en Europe et dès la semaine prochaine aux États-Unis.
Mi-mars, BioNTech a également signé un accord de coopération avec le chinois Fosun Pharmaceutical basé à Shanghai, distributeur exclusif du vaccin en Chine.
Notoriété d’une « Dream team »
Ugur Sahin et Özlem Türeci se sont toujours montrés discrets sur leur trajectoire personnelle : lui, fils d’un ouvrier de l’industrie automobile, arrivé de Turquie à l’âge de 4 ans ; elle, fille d’un médecin ayant quitté Istanbul pour le nord de l’Allemagne.
La célébrité a désormais rattrapé ceux que la presse qualifie de « Dream team ». Alors que la capitalisation de BioNTech, côté au Nasdaq, s’est envolée cette année, le couple a fait son entrée dans le club des milliardaires et des cent Allemands les plus riches.
Ugur Sahin préfère insister sur le travail d’équipe de tous les chercheurs. « Nous avons toujours voulu devenir scientifiques, a-t-il expliqué à l’AFP. Il est important que les gens, quelle que soit leur région d’origine, aient la possibilité de se développer et de réaliser leurs rêves ».