Christian Children’s Fund of Canada (CCFC) est une organisation internationale dont le siège est basé à Toronto au Canada. Elle intervient au Burkina Faso depuis 1987 pour améliorer la qualité de vie des enfants et en assurant leurs droits. Dans les lignes qui suivent, Christelle Kalhoule, directrice pays du CCFC, présente davantage la structure.
Quels sont les domaines précis d’intervention de Christian Children’s Fund of Canada (CCFC) au Burkina Faso ?
Christian Children’s Fund of Canada (CCFC) est principalement une organisation qui travaille dans le domaine de l’éducation. Nous avons un programme de prise en charge de la petite enfance. Egalement, nous accompagnons l’éducation primaire et secondaire et la formation professionnelle des jeunes.
CCFC travaille aussi dans la protection de l’enfant en luttant contre toutes les formes de violences. Le mariage d’enfants, le travail des enfants, la maltraitance, les violences physiques et émotionnelles, nous traitons de toutes ces questions.
Ensuite, le CCFC travaille beaucoup dans le domaine de la participation de l’enfant. Nous travaillons à ce que les enfants aient l’occasion de se faire entendre et de faire entendre leur opinion au sujet des questions qui les concernent. Nous travaillons aussi dans la promotion du genre. Notamment, en travaillant à ce que les causes profondes des inégalités soient adressées. Toujours dans le domaine du genre, nous travaillons à ce que les femmes et les jeunes filles soient autonomisées.
Enfin nous travaillons à renforcer les moyens économiques des ménages. On se dit que si les ménages sont bien éduqués, sont bien sensibilisés, et qu’ils ont les moyens, ils vont prendre en charge convenablement les enfants.
Etant acteur sur le terrain, quel est l’état des lieux des droits des enfants au Burkina Faso ?
CK : De façon générale, il y a une évaluation récente qui a été faite sur la situation de violence des enfants. Une étude qui a été commanditée par le ministère en charge de la famille et conduit par un institut de renommée. Les résultats ont montré que de façon globale, même si beaucoup de choses ont évolué, il y a encore pas mal de défis. Et notamment les familles sont interpellées parce qu’il y a beaucoup de violences qui se passent au sein des familles. Il s’agit, entre autres, de l’excision, du mariage d’enfants, etc. Tout part de la famille.
Il y a jusqu’à présent beaucoup de violences physiques. C’est un élément qui est ressorti dans l’étude et qui se voit sur le terrain. Ensuite, c’est vrai qu’il y a d’autres types de violences. Ce que j’ai retenu et ce sur quoi nous travaillons au niveau CCFC, c’est toute les violences qui se passent en famille. Pour nous, c’est dans ce lieu que les enfants doivent être protégés et nous travaillons avec les parents à ce que ce problème soit résolu.
Peut-on avoir un bilan de vos actions sur le terrain au Burkina Faso ?
CK : Ça fait plus d’une trentaine d’années que nous opérons au Burkina Faso. Nous avons beaucoup contribué dans la construction des infrastructures socio-économiques, notamment les écoles, la réalisation des forages.
Nous avons équipé des salles de classe, des centres de santé. Nous avons beaucoup investi dans la formation des acteurs et parties prenantes clés. Nous pensons réellement que l’ignorance est le plus grand problème qu’il faut adresser si on veut atteindre le développement durable.
Nous avons beaucoup fait de renforcement de capacités. Avec les acteurs de l’éducation, les enseignants, les associations de parents d’élèves et les élèves eux-mêmes. Nous avons beaucoup travaillé dans le domaine de l’eau et de l’assainissement à travers la réalisation de forages et de latrines familiales ou publiques dans les écoles, les marchés, etc. Actuellement, nous avons plus de 8000 enfants.
Aujourd’hui nous avons au Burkina Faso des anciens élèves parrainés par CCFC qui sont dans les différentes couches socioéconomiques du pays. On peut se réjouir de ce travail. Nous avons apporté beaucoup d’innovations. Notamment en ce qui concerne l’éducation parentale à travers un projet et une éducation parentale. C’est quelque chose pour laquelle nous sommes fiers.
Nous avons beaucoup travaillé avec les femmes pour renforcer leurs connaissances autour de certaines questions. Leurs droits par exemple et les accompagner à conduire des activités génératrices de revenus. En développant avec elles une approche qui consiste à les aider à s’organiser en groupe de solidarité pour soutenir les micro-projets qu’elles ont.
Un bilan satisfaisant, on va dire. Maintenant, quelles sont vos perspectives pour les années à venir ?
Quand on regarde sur le terrain, l’immensité des besoins, je dois dire que chaque fois on se demande si on a assez fait. Nous travaillons actuellement à amener les populations elles-mêmes dans les zones où nous intervenons à prendre en charge leur propre développement.
Les Organisations internationales sont là pour un temps. Nous accompagnons, mais chacun doit prendre en charge sa destinée. Nous travaillons avec les communautés à déceler les potentialités qu’elles ont et à pouvoir exploiter ces potentialités pour le bien de leurs enfants et de leurs communautés.
En termes de perspectives, nous avons élaboré un plan stratégique que nous sommes en train de mettre en œuvre actuellement. Dans lequel nous accordons beaucoup d’importance à la participation des enfants. Aider les enfants, les jeunes à savoir se faire entendre. A savoir s’impliquer dans le processus de développement de leur communauté, à apprendre au côté des adultes, parce qu’après tout, c’est à eux que nous laissons le pays.
Il faut apprendre dès maintenant à bien gérer. Nous sommes dans un contexte où c’est plus que nécessaire de travailler à renforcer l’éducation de la jeunesse au développement local.
Le Burkina Faso traverse une crise sécuritaire. Quel est l’impact que l’insécurité joue sur vos activités sur le terrain ?
Cette crise sécuritaire, tout le monde est véritablement touché. Au début, on pensait que c’était quelque chose qui allait passer très rapidement et on se rend compte que ça dure.
Nous avons dû réajuster notre manière de travailler avec les communautés. Nous prenons des précautions pour que notre personnel soit protégé et aussi pour ne pas mettre en danger les personnes que nous servons. Les regroupements sont devenus dangereux dans certaines régions. Nous avons changé notre manière de travailler mais nous avons gardé le même engagement à accompagner les communautés dans ces zones-là.
L’un des grands impacts, c’est que beaucoup d’élèves n’ont pas pu passer les examens comme il se devait, dans la région de l’Est où nous avons beaucoup de programmes. Nous sommes directement affectés. Nous travaillons au côté des autorités pour que les enfants puissent avoir la session de rattrapage et nous espérons que l’année qui va commencer va mieux se passer.
Ce que j’ai oublié de dire par rapport au changement dû à la situation humanitaire, c’est que nous nous sommes plus investis dans la prise en charge dans la fourniture de service aux personnes déplacées. Essentiellement les enfants parce que nous travaillons avec l’UNICEF et le ministère en charge de l’action humanitaire pour la prise en charge des enfants déplacés, notamment dans la région de l’Est et dans la région du Centre-Nord.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez sur le terrain ?
Il faut dire que le grand défi à mon sens, c’est que les populations n’ont toujours pas compris que le développement doit venir d’elles-mêmes. Les populations pensent toujours que c’est quelqu’un d’autre qui va venir faire le développement à leur place.
Au CCFC, nous travaillons véritablement à renforcer les capacités des communautés, des organisations locales parce que le développement doit venir d’abord de l’intérieur. Quand en tant qu’organisation internationale, vous arrivez dans une zone, les gens ne font que vous présenter les problèmes, les défis, les besoins, etc. Sans parler des potentialités qui existent, de ce qu’elles-mêmes peuvent faire. Alors que nous, notre principe c’est de travailler avec les populations sur la base de leurs potentialités et de nous fonder sur ce levier pour que le développement puisse advenir.
C’est un travail de changement de mentalité, d’éducation pour que les gens arrivent à croire qu’eux-mêmes sont capables de changer et de faire de leur communauté ce qu’ils ont comme rêve. C’est un défi énorme, qui n’est pas propre à nous, mais qui nous interpelle tous.
L’autre défi, c’est la durabilité des actions que nous avons. C’est lié au premier point que j’ai mentionné. Les populations voient seulement les ONG, le gouvernement et d’autres acteurs qui doivent faire leur développement. Elles ne s’impliquent pas et à la fin du projet, il faut toujours recommencer.
Il y a aussi des résultats, parce que certaines communautés ont bien compris que le devenir de leur communauté leur appartient. Et je donnerai l’exemple d’une communauté, où nous travaillons, où les femmes se sont organisées à travers des groupes de solidarité que nous avons mis en place, pour construire un logement pour une infirmière afin que l’infirmière réside dans le village pour pouvoir prendre en charge leurs enfants. Ça veut dire alors qu’on se fait entendre quand-même, même si ce n’est pas évident.
Votre mot de fin
Je dirai que nous sommes dans une situation assez difficile et que tout le monde prie pour que la paix revienne. Il faudrait également que chacun fasse un effort de tolérance pour que nous puissions vivre ensemble. Il faudrait que chacun mette un peu d’eau dans son vin pour que le vire-ensemble soit une réalité.
Que personne ne pense que la solution vient de l’autre mais que chacun soit la solution pour ce Burkina Faso. Enfin, je souhaiterais de bonnes vacances aux enfants et bon courage à ceux qui doivent encore faire les examens, notamment ceux qui sont dans les régions où les examens ont été reprogrammés.