Climat des affaires : cette Afrique qui fait mieux que l’Europe [Doing Business 2019]

L’édition 2019 du « Doing Business » de la Banque mondiale a été rendu public, mercredi 31 octobre. Comme c’est le cas ces dernières années, la course pour les réformes destinées à faciliter les affaires se poursuit à travers le monde et particulièrement en Afrique qui enregistre cette année encore, un nouveau record. Il est ainsi désormais plus facile de faire des affaires dans certains pays africains que dans d’autres économies émergentes et mêmes dites avancées, notamment européennes. Une performance qui s’explique surtout par des réformes tous azimuts mises en œuvre sur le Continent, et qui pour beaucoup de pays illustrent paradoxalement, le retard qu’ils accusent en matière d’attractivité. L’Île Maurice et le Rwanda en l’occurrence, dépassent ainsi la France, l’Espagne, l’Italie et même la Suisse et les Pays-Bas !

C’est un fait suffisamment rare pour mériter d’être souligner. Il est désormais plus facile de faire des affaires dans certains pays africains que dans plusieurs pays européens ou d’autres économies industrialisées, qui sont pourtant mieux classée en matière de compétitivité. L’édition 2019 du très scruté rapport « Doing Business » de la Banque mondiale, qui a été publié le mercredi 31 octobre depuis Washington, confirme cette performance de certains pays africains. Ainsi, dans le classement sur la facilité de faire des affaires, les deux premiers pays africain, Maurice (20e) et le Rwanda (29e), se hissent dans le top 30 mondial avec, respectivement, un score de 79,58 et 77,88 points sur une échelle de 100. L’île et le pays de Paul Kagamé font donc mieux que l’Espagne (30e, avec un score de 77,68), la Russie (31e, avec un score de 77,37), et même la France d’Emmanuel Macron (32e avec un score de 77,29) et la Chine (46e avec un score de 73,64). Ils devancent également les Pays-Bas (36e), la Suisse (38e),Turquie (43e), et l’Italie (51e).

Le Maroc, qui complète le trio de tête des économies africaines les mieux classées, se positionne à la 60e place avec un bond de 9 places par rapport à l’édition 2018, tout comme le Kenya, qui se positionne à la 61e place, et qui gagne cette année, plus de 19 places.

A fonds les réformes

Il est donc de plus en plus facile de faire des affaires sur le Continent, ce qui témoigne de la dynamique des réformes qui sont mis en œuvre en Afrique où la tendance mondiale en la matière est particulièrement soutenue. Selon les données du rapport, au cours de l’année écoulée, un pic d’activités de réforme a été observé dans le monde, où du 2 juin 2017 au 1er mai 2018, quelques 128 économies ont mis en œuvre un nombre record de 315 réformes réglementaires destinées à améliorer le climat des affaires.

Les économies d’Asie centrale et d’Afrique subsaharienne ont été les plus actives dans la réforme de leurs cadres réglementaires durant la période de couverture de l’édition 2019 du Doing Business avec quatre économies sur cinq qui ont considérablement amélioré la réglementation des affaires dans les deux régions.

Avec un total de 108 réformes contre 83 durant la précédente édition, l’Afrique subsaharienne a enregistré à nouveau un nombre record cette année. En outre, cette année a été marquée par le plus grand nombre d’économies ayant mené des réformes, avec 40 des 48 économies de la région ayant mis en place au moins une réforme, alors que le record précédent était de 37 économies il y a deux ans. La région compte aussi quatre des 10 économies les plus réformatrices de cette année : le Togo, le Kenya, la Côte d’Ivoire et le Rwanda. Selon le rapport, « si les réformes introduites par les pays de cette région couvrent un grand nombre de domaines, beaucoup concernent le transfert de propriété et le règlement de l’insolvabilité ».

Marges de manœuvres

Les pays africains continuent donc à « performer » en matière d’amélioration de l’environnement des affaires à en croire le dernier « Doing Business » qui s’appuie sur les nombreuses réformes mises en œuvre ces dernières années sur le Continent.

Les progrès enregistrés par les économies africaines s’expliquent en grande partie sur la marge de manœuvres qu’ils disposent en la matière puisqu’il ne s’agit-là que de l’adoption des législations et autres textes réglementaires. C’est du reste une des autres limites du Doing Business qui prend plus en compte l’adoption de réformes comme un indicateur de mesure pour ses différents critères. Ainsi, ces dernières années, l’Afrique ne cesse de s’attribuer le statut de « champion des réformes », et dans presque chaque pays, c’est à une véritable course aux réformes qu’on assiste ces derniers temps, afin notamment de glaner des points dans le fameux rapport.

Il est vrai que l’influence du classement n’est point à démontrer et pour les pays africains, c’est un véritable défi, d’améliorer leur score. « La diversité des pays se classant parmi les plus réformateurs montre que des économies de toutes tailles et de tous niveaux de revenus, et même des économies en situation de conflit, peuvent améliorer le climat des affaires pour les petites et moyennes entreprises du pays », a ainsi souligné, dans le rapport, Shanta Devarajan, économiste en chef par intérim et directeur principal pour l’économie du développement à la Banque mondiale.

Pour la Banque mondiale, toutefois, le constat est que « les réformes sont mises en œuvre là où elles sont les plus nécessaires », comme c’est le cas en Afrique, ce qui devrait pousser les pouvoirs publics à redoubler encore d’effort pour rattraper leur retard à coups d’adoptions de nouvelles mesures.

Autant dire que l’Afrique rattrape son retard et, au-delà du nombre des réformes enregistrées d’une année à une autre, il est loisible de constater que malgré les efforts, la majorité des pays africains restent encore à la traîne et surtout, chaque année apporte son long de nouveaux « réformateurs du monde ».

Le Doing Business relève aussi certaines disparités, qui parfois, relèvent d’un véritable paradoxe si l’on tient compte des tailles des économies, de leurs dynamiques de croissance ainsi que des autres facteurs de compétitivité. Ainsi, alors que le Mali se positionne à la 145e place, juste derrière le Niger qui est 143e, le Nigéria arrive à la 146e place, alors que l’Algérie pointe à la 157e et l’Ethiopie à la 159e place. Classé 80e, la Tunisie fait mieux que l’Afrique du sud (82e), la Côte d’ivoire (122e), ou le Ghana (114e).

En bas du tableau, dans les 50 derniers, on retrouve le Cameroun (166e), qui est pourtant la première puissance économique d’Afrique centrale, une zone où l’environnement des affaires laissent vraiment à désirer. La preuve et selon le Doing business, il est plus facile de faire des affaires en Afghanistan (167e), un pays marqué par un profond et long conflit, qu’au Gabon(169e), au Congo (180e) et en RDC (184e).

Les nouvelles leçons du Doing Business

Des leçons du Doing Business qui enseigne sur le grand écart entre compétitivité et amélioration du climat des affaires. Cette année, le rapport a été publié sous le thème : « former pour mieux réformer ». Cette année, le document a collecté des données sur la formation dispensée aux agents de la fonction publique, et selon les auteurs, il ressort des résultats obtenus, « un engagement fort des pouvoirs publics dans de nombreuses économies, petites ou grandes, pour aider l’entrepreneuriat et l’entreprise privée ». Selon Rita Ramalho, responsable à la Banque mondiale de l’élaboration du rapport, « si les programmes de réformes s’accompagnent de formations pour les fonctionnaires, l’impact de ces réformes n’en sera qu’amplifié ».

« Le secteur privé joue un rôle essentiel dans l’instauration d’une croissance économique durable et la lutte contre la pauvreté à travers le monde. Des règles équitables, efficaces et transparentes, comme celles que préconise le rapport Doing Business, constituent le socle d’un environnement dynamique pour l’économie et l’entrepreneuriat. Il est indispensable que les pays intensifient leurs efforts afin de créer les conditions permettant à l’entreprise privée et aux populations de prospérer », a déclaré, Jim Yong Kim, Président du Groupe de la Banque mondiale.

Pour cette édition, 190 économies ont été concernées par le classement dominé par la Nouvelle-Zélande (1er), Singapour (2e) et le Danemark (3e), alors qu’en queue de peloton, on retrouve l’Érythrée et la Somalie.

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