Comment continuer de vivre après la mort…

Combien d’hommes et de femmes adultes continuent à moduler leurs choix et leurs décisions (consciemment ou non) en fonction de ce qu’ils croient que leur parent va en penser? Avec le décès du parent, c’est comme si l’ « Œil de Moscou » se fermait à tout jamais: l’enfant adulte n’a plus de « compte à rendre », il n’a plus de décisions à prendre en prenant plus ou moins consciemment en compte les jugements ou critiques potentielles de son parent. La mort du parent réduit son emprise psychique sur l’enfant adulte, même s’il n’avait pas conscience d’être sous cette influence.

Il en résulte souvent un sentiment de liberté que l’enfant adulte ne parvient pas toujours à s’expliquer. Il se culpabilise même de ressentir cet embarrassant soulagement, alors même que son parent est décédé et qu’il se dit qu’il devrait être totalement écrasé de douleur. Ce sentiment n’est pas antinomique de la peine, il n’est pas non plus antinomique de l’amour: même des personnes ayant des relations paisibles avec leur parent peuvent éprouver ce subtil ressenti de liberté. Il n’a pas lieu de se culpabiliser. C’est un mouvement naturel du deuil qui parle de l’affranchissement intérieur d’une contrainte psychique parfois inhibante. Le soulagement provient également du constat que le processus de deuil ouvre, au fil des mois ou des années, à une relation intérieure plus pacifiée et plus profonde avec son parent, comme si le travail de deuil permettrait de « nettoyer » les composantes névrotiques de la relation pour n’en conserver que les aspects positifs.